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Une étude menée par des universitaires de Harvard permet de découvrir les convictions et les peurs qui déterminent les attitudes face aux politiques environnementales.
Une étude menée par des universitaires de Harvard permet de découvrir les convictions et les peurs qui déterminent les attitudes face aux politiques environnementales.
©Patricia De Melo MOREIRA AFP

Atlantico Green

Des universitaires de Harvard ont mené une vaste étude dans 20 pays pour mettre en évidence les motivations, les convictions et les peurs qui déterminent les attitudes face aux politiques environnementales.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Une étude menée par des universitaires de Harvard permet de découvrir les convictions et les angoisses qui déterminent les attitudes face aux politiques environnementales. Qui sont vraiment ceux qui soutiennent la lutte contre le dérèglement climatique ?

Eddy Fougier : On pense communément que Les jeunes sont les plus favorables à la mise en place de mesures de réduction de gaz à effet de serre. Or, Par rapport aux générations précédentes, cette étude montre que cela n’est pas forcément le cas. Il n’y a pas nécessairement de critère d’âge ou de critère de genre. Le seul critère saillant  est le niveau de diplôme et le positionnement politique. Les catégories qui sont les plus favorables à la mise en place de politiques climatiques sont plutôt des catégories diplômées et des populations qui votent à gauche. Le critère de revenus n’est pas un critère important non plus.

Ce qui est important  aux yeux de la population est le critère d’efficacité. Ils sont prêts à soutenir les politiques de réduction de gaz à effet de serre à condition que cela soit efficace, que cela aboutisse vraiment à de telles réductions. L’autre critère important est celui de l’équité. Ces politiques climatiques ne doivent pas avoir d’impact négatif sur les populations les plus défavorisées et à bas revenus ou bien sur les individus qui sont interrogés.

Les populations les plus sceptiques ou hostiles à la mise en place de ces politiques sont des populations qui sont très dépendantes de la voiture. On retrouve les Gilets jaunes, des populations en zones périurbaines, là où il n’y a pas forcément de transports en commun.

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Au regard de cette étude, les personnes interrogées sont prêtes à faire des efforts mais à condition que les contraintes soient équitablement réparties et que les catégories aisées fassent preuve d’exemplarité en la matière.  

Quelles sont les mesures qui ont le plus de chance d’être soutenues ?

Le soutien aux politiques climatiques est assez évident avec l’urgence climatique.  L’impact de ces politiques doit être équitablement réparti. Cela ne doit pas trop nuire à la population. Les efforts des autorités publiques pour investir dans des technologies propres sont les plus soutenus. Les mesures de compensations financières en faveur des populations déshéritées qui pourraient être impactées par les effets du changement climatique sont aussi très soutenues.

Ces mesures sont davantage soutenues que les taxes carbone. L’investissement ou l’argent versé par l’Etat est davantage plébiscité que de nouvelles taxes. Cela paraît assez logique au regard de la mobilisation des bonnets rouges et des Gilets jaunes. Cela implique une intervention importante de l’Etat.

Cela explique aussi que les populations qui ont des sympathies de gauche soutiennent davantage ces politiques que les personnes ayant des sympathies de droite ou plus libérales.    

Qu’est ce qui peut faire évoluer le soutien à l’action climatique ?

Lorsque l’on regarde cette enquête, on s’aperçoit que l’information ne suffit pas. Il ne suffit pas d’expliquer et d’informer sur le changement climatique et sur ses conséquences. Il faut montrer concrètement ce que l’on peut faire, notamment à titre individuel, et quelles sont les solutions concrètes.

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Les préoccupations de la population doivent être prises en compte au regard de cette étude. Il ne faut pas uniquement dire que la situation est catastrophique. Il faut tout faire pour mettre en place des politiques de sobriété. L'acceptabilité sociale de ces politiques doit être également prise en compte. Le catastrophisme et les injonctions ne suffisent pas. Un travail doit être fait par les autorités publiques, par les élus pour réussir à faire passer les mesures.  

Il ne suffit pas de dire que le fait de manger de la viande a un impact climatique assez important et que cela nécessite en conséquence d’instaurer des menus végétariens dans les cantines scolaires. Cela ne suffit pas. On a pu le voir dernièrement à Grenoble. Il faut donner des solutions concrètes pour que les gens puissent avoir des comportements plus vertueux, sans nécessairement les culpabiliser ou les montrer du doigt en dénonçant tel ou tel agissement. Un travail doit être fait du côté des autorités publiques.      

En quoi ces données permettent-elles de mieux comprendre la manière dont les questions écologiques se posent en France ?

Cette étude a suscité beaucoup de réactions et de commentaires lors de sa publication, notamment vis-à-vis des données montrant que les Français étaient parmi les plus climato-sceptiques et les moins enclins à changer de comportement.

Des enquêtes récentes ont montré que plus de 20% des personnes interrogées en France ont pris conscience de la gravité de la situation. Entre la prise de conscience et la mise en place de politiques publiques de sobriété et de comportement plus vertueux avec une empreinte carbone plus basse, il y a effectivement un gap à franchir. Il doit se baser sur la prise en compte des préoccupations des catégories dépendantes de l’automobile ou qui sont contraintes financièrement. Cela doit intervenir via des compensations financières. Il ne faut pas tomber dans les excès et ne pas céder au recours systématique aux taxes et aux injonctions morales.  Cela permet de mobiliser ses militants lors des universités d’été mais ce ne sont pas des politiques efficaces.

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Dans quelle mesure l’inquiétude vis-à-vis de ces sujets ou la connaissance des enjeux climatiques déterminent-elles ou non la vision des politiques à mettre en place ?

Les politiques à mener sont connues depuis longtemps. Tout en sachant ce qu’il faut faire, ces mesures ne sont pas suivies ou prises en compte. Il serait nécessaire d’écouter les populations plutôt que  de dénoncer leur climatoscepticisme supposé ou leur refus de telle ou telle politique. Il serait utile d’écouter les citoyens, de compenser financièrement les pertes qu’ils endurent au lieu de les traiter de Français qui fument des Gauloises et roulent en diesel comme l’avait dit Benjamin Griveaux. L’urgence climatique est évidente. La sobriété énergétique est plus une sobriété subie que choisie compte tenu du contexte international et de la hausse du prix de l’énergie.

Par ailleurs, L’obsession du pouvoir d’achat et du prix de l’essence sont parmi les principales préoccupations des Français. Tous ces aspects-là doivent être pris en compte. Dans ce contexte, la capacité des politiques d’avoir une vision doit transparaître. A l'évidence, Cela n’est pas toujours le cas.

Cette étude va également au-delà du débat franco-français sur décroissance vs. croissance verte.

Une partie de la population sent que les mesures qui pourraient être prises pour réduire le gaz à effet de serre ont un impact plutôt récessif sur l’économie. Cela peut en même temps contribuer à créer des emplois et de l’activité nouvelle avec des technologies propres et une transition écologique. Il est important de développer un discours positif sur ces sujets et un story telling qui soit plus enthousiasmant plutôt que d’être dans un discours classique d’adaptation ("on n'a pas le choix").  

Quelles pourraient être les préconisations à tirer d’une telle étude ?

Il y a de la part des populations interrogées une forte attente vis-à-vis de la politique. Face au problème climatique, les citoyens attendent que les politiques soient efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour faire en sorte que la situation ne soit pas catastrophique. Cette attente est très forte. Les politiques devraient s'en saisir.

Dans un contexte où les citoyens croient de moins en moins en la politique et en sa capacité à agir sur les choses, cela apparaît tout de même assez encourageant et prometteur.

Il y a également une attente de l’Etat qui est censé être garant de l’intérêt général. Il y a aussi une attente forte vis-à-vis des entreprises, notamment dans les secteurs qui sont de forts émetteurs de gaz à effet de serre et qui doivent se décarboner.

Il y a un besoin exprimé par la population d’être entendue pour ces préoccupations et dans ces attentes. Les populations dépendantes de l’automobile ne doivent pas subir les conséquences de ces politiques si celles et ceux qui ont les moyens de vivre en hyper centre continuent à voyager en avion et à rouler en SUV le week-end. La répartition équitable des efforts est essentielle.

Ces attentes de politiques plus équitables et d’une action importante de l’Etat peuvent structurellement favoriser la gauche plus que la droite.

Mais la gauche ne doit pas se perdre dans d’autres types de combats, par exemple autour du mouvement woke.

Nous sommes dans un tournant majeur. Les cartes sont redistribuées. Les partis politiques, les responsables gouvernementaux ne savent pas dans quel sens aller. Faut-il privilégier le climat ou l’économie ? Les deux sont-ils compatibles ? La population va-t-elle suivre ? Comment va-t-il falloir expliquer les efforts à faire ? Des hommes politiques qui ont une vision vont devoir s’emparer de ces enjeux.

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