Quand les gabelous en rajoutent dans la terreur "liquide" et quand les chenilles font défiler les heures : c’est l’actualité des montres dans l’attente du Père Noël<!-- --> | Atlantico.fr
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Jailli de la carapace d’un chélonien mécanique, l’insolent passéridé se permet quelques trilles…
Jailli de la carapace d’un chélonien mécanique, l’insolent passéridé se permet quelques trilles…
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Atlantic-tac

Mais aussi le bronze des scaphandriers qui investit les poignets, un équipement de haute horlogerie digne du Nautilus (ce n’est pas une Nautilus) et un moineau siffleur qui se croit tout permis sur sa tortue…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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ALERTE AUX FRONTIÈRES : La montre suisse, voilà l’ennemi !

Pas très gentil pour l’horlogerie suisse, le Père Noël 2017 : dans sa hotte, une nouvelle réglementation de l’Union européenne, adoptée en commission – et en douce ! – par le Parlement de Strasbourg et bientôt publiée au Journal officiel de l’Union européenne, donc applicable dans les meilleurs délais. De quoi est-il question ? d’une nouvelle définition de l’« argent liquide » qui entre et qui sort des frontières de l’Union[la limite légale est aujourd’hui de 10 000 euros en devises] : au nom de la lutte contre le blanchiment d’argent sale et contre le financement du terrorisme, la définition de cet « argent liquide » est élargie aux pièces d’or, aux cartes de crédit prépayées, aux pierres précieuses et aux… « marchandises servant de valeur très liquide avec un ratio valeur/volume très élevé ». Le lièvre a été levé par Business Montres (16 décembre) et, depuis, les opinions convergent pour considérer que les montres suisses sont effectivement ces « marchandises servant de valeur très liquide avec un ratio valeur/volume très élevé ». Chacun sait que les montres suisses (neuves ou vintage) encapsulent un maximum de valeur sous un minimum de volume : les policiers de la Brigade financière parisienne en ont eu la démonstration récente avec l’affaire des deux marchands japonais escroqués à hauteur de deux millions d’euros payés en faux billets de 500 euros pour sept Rolex de collection – il aurait fallu 57 kilos d’or et 57 lingots pour passer la frontière avec la même valeur qu’avec ces sept montres ! Donc, aux frontières de l’Union, donc de la Suisse, qui est enclavée entre la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche (tous pays fertiles en amateurs d’horlogerie), les douaniers pourront contrôler la valeur totale des biens de luxe que portent une personne, en cash et en objets de luxe faciles à monnayer. Valeur totale qui pourra être, selon la nouvelle réglementation, inférieure ou supérieure à 10 000 euros et donc soumise à déclaration administrative : on imagine les complications…

Certes, la nouvelle définition européenne de cet « argent liquide » ne cible pas explicitement les montres, mais les douanes françaises (citées par Business Montres) ont parfaitement compris de quoi il s’agissait et les douaniers se frottent les mains à la pensée de pouvoir interroger, « à la tête du client », tous les porteurs de belles montres qui n’auront pas songé à se munir d’une facture ! Les autorités suisses font semblant de regarder ailleurs en considérant que les montres ne sont pas visées par ces nouvelles dispositions, ce que démentent les douaniers ! Il est vrai que toute menace sur le fait de porter des montres de luxe en passant les frontières aurait un impact maximum sur les ventes, notamment sur ce commerce parallèle qui a transformé les montres (neuves ou vintage) en véritable « monnaie parallèle » internationale. En ne désignant pas clairement les montres dans ce nouveau règlement accepté par le Parlement européen, le calcul de la Commission européenne est machiavélique : d’une part, une définition trop précise aurait été un casus belli anti-suisse, la Confédération étant le seul État enclavé au cœur de l’Union à disposer d’une industrie horlogère haut de gamme ; d’autre part, la définition est assez vaste pour concerner, dans l’immédiat comme dans le futur, toutes les « monnaies parallèles » prisées des riches (les montres, les grands vins, les voitures de collection aujourd’hui, demain d’autres « fétiches ») et tous les « instruments monétaires » imaginés par les financiers pour transférer des fonds par-dessus les frontières [il semblerait que l’Union s’apprête à laisser à chaque État le soin de lister ces « marchandises de valeur très liquide », qui ne seront pas les mêmes à la frontière franco-suisse et à la frontière roumano-moldave]. En tout cas, sale temps pour les montres suisses…

MB&F : La revanche du moineau siffleuraux yeux de saphir…

C’est l’effet père Noël : il y a une providence pour les animaux qui n’avaient pas pu embarquer dans l’Arche de Noé et qui ont donc disparu. La jeune maison indépendante MB&F – dites « laboratoire créatif », c’est plus chic – a donc entrepris de ressusciter en mode mécanique une superbe chimère : la tortue génétiquement modifiée pour cacher un passereau dans sa carapace. La tortue (1,4 kg et 24 cm au garrot) se déplace toute seule à la force de ses rouages intérieurs et un capteur mécanique lui interdit de tomber de la table. Le moineau piailleur en or blanc se dresse hors de sa trappe et pousse ses trilles à la moindre sollicitation, dans le plus strict respect de la tradition de ces « oiseaux chanteurs » qui enchantaient autrefois les empereurs chinois et les tsars russes. Pour animer le tout de façon encore plus réaliste [l’interrupteur est logé dans la queue du chélonien], 480 composants mécaniques et une soufflerie qui siffle mieux qu’un passéridé au printemps. Développé avec la maison Reuge (dernière entreprise suisse de « boîtes à musique » et l’automaticien méchanique Nicolas Court, cet automate « Kelys & Chirp » est un vrai jouet de garçon, édité en quatre séries limitées à dix-huit exemplaires (quatre couleurs de carapaces) et facturé un peu au-dessus des 40 000 euros pour ceux qui ont la chance de toujours croire au père Noël…

STROM : Un parfum de rétro-nostalgie industrielle…

Ce qu’il y a de bien, avec les horlogers suisses, c’est qu’on ne s’ennuie jamais ! Dans la famille Strom, on a toujours donné dans l’horlogerie, mais jamais dans le conformisme. Daniel Strom, le représentant de la troisième génération [la quatrième, celle de ses enfants, est déjà active dans l’entreprise], a décidé de rompre avec le « bon goût » de l’horlogerie classique et de se laisser à ces esthétiques plus disruptives, quoique toujours dans l’esprit de la haute horlogerie. Les lecteurs qui ont de la mémoire se souviendront des créatures biomécanoïdes de sa collection Agonium (Atlantic-Tac du 20 octobre) : c’est peut-être la dernière montre commandée par Johnny Hallyday, qui adorait porter les créations de Daniel Strom. Avec sa nouvelle Nethuns II Diving Tourbillon, on touche aux confins profonds de l’art horloger – c’est un « tourbillon » mécanique tout ce qu’il y a de plus haut de gamme – et d’un style qu’on pourrait qualifier de steampunk, disons rétro-nostalgique industriel. Tout-à-fait dans le genre de la montre-bracelet qu’aurait pu porter le capitaine Nemo à la barre de son Nautilus. C’est évidemment très coûteux pour une (vraie) montre de plongée, étanche à 200 mètres, qui sera facturée autour de 70 000 euros, mais c’est un tourbillon mécanique de grand luxe [les concurrents le vendent 120 000 euros]. De toute façon, ce genre de capriceau poignet est réservé aux amateurs très exigeants, qui ont déjà à peu près fait le tour de toutes les grandes marques statutaires et qui veulent s’offrir un petit plaisir, histoire de faire un pied-de-nez à la bienpensance horlogère et aux convenances de la carpo-bienséance…

HAUTLENCE : Une « chenille » pour faire avancer les heures…

Pour paraphraser Fernand Naudin (Lino Ventura) dans Les tontons flingueurs, dialogues de Michel Audiard, « Faut quand même admettre, c’est plutôt une boisson d’homme »… Là, c’est une montre d’homme, incontestablement ! Le format (52 mm x 50 mm), lesangles et les arêtes, le matériau (titane et composite de nanotubes de céramique), la couleur (un orange sans peur et sans reproches teinté dans la masse, mais on peut en imaginer d’autres), le verre saphir qui pousse à la transparence, le concept mécanique (une « chenille » latérale de douze maillons pour afficher les heures, des minutes rétrogrades au centre, un tourbillon « baguette » mécanique en bas du mouvement, en rotation sur deux axes à chaque changement d’heure) et même le prix (comptez deux bonnes unités à six chiffres) font de cette montre Vortex Gamma Magma un objet d’exception, puissant, clivant et même hypnotisant par sa « brutalité » – heureusement corrigée par des finitions de haut niveau. Techniquement, c’est très pointu. Esthétiquement, c’est très ardu. Horlogèrement, c’est tout simplement percutant…

ANONIMO : Du casque des scaphandriers aux poignets civilisés…

L’avantage du bronze dans lequel sont taillés certains boîtiers horlogers est qu’il vieillit « bien ». Les hommes le maîtrisent depuis cinq mille ans : c’est un alliage qui réagit à son environnement. Au fil des mois, selon l’endroit où l’on vit, son activité quotidienne ou même son style d’alimentation, le bronze va se patiner au contact de la peau et acquérir une « touche » très personnelle. Les premiers usages horlogers du bronze dans l’horlogerie remontent aux montres des premiers scaphandriers : c’était le même métal que celui de leur casque ! L’usage s’est ensuite imposé pour les montres militaires, au nom d’une bonne résistance à la corrosion : très logiquement, la maison Anonimo, héritière des traditions historiques de l’Officine Panerai, a été ainsi la première marque à proposer des montres de plongée en bronze. Aujourd’hui, le bronze se « civilise » sans rien perdre de son cachet esthétique, comme le prouve cette version Militare « Alpini » (série limitée à 97 exemplaires pour les vingt ans d’Anonimo, marque re-née en 1997) : 43,4 mm pour le célèbre boîtier coussin dont la couronne est déportée à midi, cadran discrètement « camouflé », mouvement automatique, chronographe deux compteurs, le tout Swiss Made pour un peu plus de 4 500 euros. C’est plutôt viril, séduisant et original…

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

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