Quand la nostalgie resculpte le temps et quand les heures se font furtives : c’est l’actualité des montres en fin de pluviôse<!-- --> | Atlantico.fr
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Trois « bâtons » qui offrent une vision mentale et polysémique du temps (Louis Érard)
Trois « bâtons » qui offrent une vision mentale et polysémique du temps (Louis Érard)
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Atlantic-Tac

Mais aussi un grande simplicité sportive, une surfeuse bronzée, une inspiration automobile, un abus de dragons et une grand prix qui en dit long…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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MARCH LA.B : Une glisse nautico-citadine…

Belza, c’est le nom de cette montre signée March LA.B, jeune marque indépendante française qui monte, qui monte… L.A. pour Los Angeles, B. pour Biarritz et Belza pour le nom de la villa qui a donné son nom à un plage de la Côte des Basques, à Biarritz, très précisément la place où est née le surf en Europe. On l’aura compris, cette montre en bronze est clairement une « surfeuse », étanche à 200 mètres, musclée mais pas trop [admirez quand même la largeur de la lunette en céramique, graduée comme une « plongeuse » de haut niveau], virile mais sans excès dans son style rétro [les filles adorent les montres de garçon qui ne se la jouent pas trop : ici, en 41 mm, avec un cadran noir et des aiguilles larges gavées de Super-LumiNova, on peut affronter les vagues sans se prendre pour Rambo], taillée dans un bloc de bronze, métal « vivant » que sa patine personnalisera très vite, et dotée d’un mouvement automatique… français [c’est le premier depuis longtemps] né à Besançon dans un berceau franco-suisse – ce qui rend le Made in France affiché sur le cadran d’une indéniable sincérité. On a gardé le meilleur pour la fin : le prix, qui ne devrait pas dépasser de beaucoup les 2 100 euros, ce qui est remarquablement bien placé pour une « surfeuse » qui se révèlera également très à son aise sur les trottoirs et aux terrasses des grandes villes : vous pourrez toujours raconter à vos voisines et à vos voisins que le chiffre de la date à trois heures devient vert chaque 3 du mois – 3 pour le mois éponyme de la marque ! March LA.B, c’est la nouvelle assurance-vie pour les poignets qui ne veulent pas risquer d’être en retard d’une tendance…

PIAGET : Un recyclage patrimonial…

Personne ne saurait nier que l’horlogerie contemporaine connaît un léger coup de mou créatif, les marques préférant nettement cultiver leurs vieilles icônes patrimoniales qu’ensemencer le terreau où germeront les icônes de demain. Un chiffre révélateur : sur les dix premières marques horlogères du Top 10 suisse (classement Morgan Stanley), seules trois ont présenté une vraie nouveauté depuis 2020, les autres se contentant d’animer leurs collections ou d’en repeindre les cadrans ! Quoi de plus logique, donc, que la réédition chez Piaget de la célébrissime Polo, la vraie, celle de 1979, qui avait alors défrayé la chronique par ses atouts rupturistes : son sens de l’élégance, renforcé par l’intégration du bracelet et du boîtier, mais aussi du cadran, qui ne faisaient qu’un bloc d’or fluide au poignet, une minceur remarquable, justement, par l’évidence d’un luxe à l’ostentation tranquille et ce pied-de-nez aux convenances de ce qu’était alors une montre suisse, avec boîtier, cadran et bracelet classiques. Toutes les élites s’étaient alors ruées sur la Polo, symbole de modernité conquérante qu’on repérait à ses lignes facilement identifiables au poignet des souverains et des starlettes, dans les boîtes de nuit comme dans les tribunes des clubs de polo. C’était alors le temps d’une certaine insolence dans l’indolence statutaire, le temps des montres aussi disruptives que l’étaient les mini-jupes ou les traces de bottes dans la poussière lunaire. On comprend que Piaget mise aujourd’hui sur cette nostalgie pour nous redonner force et courage dans ces années imprévisibles qui formeront la décennie 2020 : nous avons besoin de la Polo, qui nous revient en 38 mm [taille réputée non « genrée »], à peu près préservée des injures du temps et inchangée dans la plénitude de son originalité et des lignes qui signent son lignage. Un joli travail de mémoire, plus élégant et chic que jamais – Piaget oblige…

ZENITH : Une sobre simplicité sportive…

Le onzième commandement étant à présent pour les horlogers « Tes icônes, tu honoreras » (voir ci-dessus), la manufacture Zenith enrichit sa ligne Chronomaster Sport d’une nouvelle déclinaison en titane, avec ou sans bracelet en caoutchouc et, surtout, avec une nouvelle version optimisée de l’increvable mouvement chronographe El Primero, qui va sur ses soixante-cinq ans sans cesser de rester précis au dixième de seconde grâce à sa haute fréquence de 5 Hz (36 000 amplitudes par heure, soit une vitesse de battement deux fois plus rapide qu’une montre mécanique de base). Notez les gravures de ce dixième de seconde sur la lunette en titane brossé. Le titane de ce boîtier de 41 mm rend cette « sportive » nettement plus légère et donc plus agréable à porter (même avec le bracelet en titane, son cadran s’avérant lui-même très reposant dans la sobriété d’une simplicité à peine marquée par quelques touches de rouge et par le classique mais discret décalage chromatique des compteurs (argent, gris, anthracite). Une belle réussite esthétique et une excellent rapport qualité-prix : comptez un peu moins de 12 000 euros pour ce chronographe d’exception, concurrent direct de l’icône couronnée qui n'est pas en titane, qui n’est jamais disponible en boutique et dont le prix catalogue est 25 % plus coûteux…

LOUIS ÉRARD : Une polysémie mentale…

Faites un effort, puisqu’on vous dit que c’est une œuvre d’art abstrait : vous n’allez pas chipoter sur le fait qu’on ne comprend rien à cette montre, qui joue du noir sur noir et du mat sur mat pour afficher l’heure ! Il suffit tout simplement de savoir que les trois aiguilles, strictement identiques et même égalitaires [ça, c’est du grand art !], dont l’orientation est repérée par une petite cupule placée à une des extrémités, correspondent chacune à une division du temps : en haut, l’aiguille des heures ; au centre, l’aiguille des minutes ; en bas, l’aiguille des secondes. La cupule désigne le chiffre (invisible) qui correspond au code horaire traditionnel : dans l’image en haut de la page, il serait donc deux heures dix et dix secondes (ou quatorze heures dix et dix secondes). Ci-dessous, il serait dix heures cinquante et cinquante secondes. La gigue permanente de ces « bâtons » qui se battent sans se heurter pour donner l’heure est terriblement fascinante. Grincheux s’abstenir : c’est une heure mentale, furtive, exprimée par une montre plus que minimaliste, polysémique en dépit (ou à cause) de sa géométrie particulière, qui a été travaillée en collaboration avec le plasticien suisse Olivier Mosset, qui avoue avoir infusé l’esprit de son œuvre dans « une montre qui lutte pour ne pas tout céder à l’art et continuer d’indiquer l’heure ». Lequel Olivier Mosset, qui a été familialement biberonné à l’horlogerie [il a grandi dans les vallées horlogères de Neuchâtel], a aussi été influencé par l’esprit biker : « Ce qui m’amuse dans la montre, c’est son côté accessoire, une montre ne sert à rien aujourd’hui. Ça me rappelle la scène d’Easy Rider, quand ils viennent d’acheter leurs motos et s’apprêtent à partir, Peter Fonda enlève sa montre et la jette. » Ne jetez pas la vôtre : c’est, dans son style très affirmé sans avoir l’air d’y toucher, un chef-d’œuvre d’art contemporain, éditée en série limitée (178 exemplaires) et proposée autour des 4 000 euros hors taxes

DEPANCEL : Une performance nostalgique…

L’inspiration automobile est évidente (style des compteurs, bracelet « racing » perforé, etc.), mais la « touche française » est tout aussi authentique dans ce chronographe à remontage manuel, dont on découvre le superbe mouvement mécanique au verso : il s’agit de la version modernisée du légendaire calibre suisse Venus 175, qui a été produit jusque dans les années 1960 et qui est aujourd’hui produit par la manufacture chinoise Seagull. Calée sur 39 mm, la taille de cette Allure Chrono Manuel de la jeune marque indépendante française Depancel respecte les nouveaux codes générationnels de l’horlogerie : tout se passe sous les 40 mm, alors que, depuis l’an 2000, tout se passait au-dessus de cette barre, parfois au-delà des 45 mm. Le cadran Allure Chronographe Manuel 39 mm offre une véritable immersion dans l'esthétique vintage des voitures de course classiques. Disponible en deux déclinaisons de couleur, le gris et le bleu évoquent l'élégance intemporelle des belles voitures de l’âge d’or. « Le cadran lui-même est un véritable chef-d'œuvre, nous explique Depancel, avec une finition brossée à la fois verticale et circulaire, créant un jeu subtil de reflets et d'ombres qui attire le regard. De plus, le cadran est doté de deux échelles intégrées, un pulsomètre qui passe en zone rouge à l’approche des 200 et un tachymètre calibré de 0 à 200 km/h, correspondant à la gamme habituelle de performance des voitures de F1 de l’époque. Un dernier segment va jusqu’à 240 km/h une zone critique à éviter ». Messieurs, moteur en marche !

BON À SAVOIR : En bref, en vrac et en toute liberté

•••• LOUIS VUITTON : bien décidée à muscler son bras armé dans la montre, la maison Louis Vuitton met en place, petit à petit, un écosystème horloger complet où on repère déjà une offre horlogère bien étagée entre des prix accessibles (collection Tambour) et des montres de très haute complication mécaniques, ainsi que des propositions de montres de joaillerie très tentantes, mais aussi un outil manufacturier très pointu (La Fabrique du Temps), notamment dans les métiers d’art, avec des marques « laboratoires » de niche (Gérald Genta, Daniel Roth) et, désormais, un « Grand prix » richement doté pour encourager les jeunes créateurs indépendants. Une démarche très réfléchie, déployée sur 360°, qui permet cette année au jeune horloger suisse Raúl Pagès d’émerger avec des montres aussi techniques qu’esthétiques (ci-dessous, sa RP1 à échappement à détente), et d’autant plus appréciées des collectionneurs que Raúl Pagès n’en produit pas plus de quatre ou cinq par an, puisqu’il fait tout à la main, à l’ancienne et à l’huile de coude (il en faut pour parvenir à des finitions de cette qualité)…•••• DRAGONS : on en est maintenant à cinquante-six marques ouest-européennes sur la liste des maisons qui ont choisi de rendre un hommage appuyé au Nouvel An chinois et à la nouvelle Année du dragon, qui sera célébré ce samedi dans les communautés asiatiques et dimanche en Europe et aux États-Unis. Il n’est pas impossible qu’on ait pu en oublier quelques-unes tant les dragons ont semblé cette année se précipiter sur les cadrans ! Cinquante-six, c’est presque le double des années précédentes, alors même que les marchés asiatiques concernés par cette Année du Dragon semblent avoir calmé leur frénésie d’achat de montres suisses. Que ne commenterait-on pas si cinquante-six marques d’horlogerie asiatiques se prenaient à rendre hommage aux Rois mages ou au soleil du solstice sur les monolithes de Stonehenge ?

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

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