OTSC : l’équivalent post soviétique de l’OTAN en plein effondrement<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président russe Vladimir Poutine serre la main du Premier ministre arménien Nikol Pashynyan lors de leur réunion dans le cadre du sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) à Erevan, le 23 novembre 2022.
Le président russe Vladimir Poutine serre la main du Premier ministre arménien Nikol Pashynyan lors de leur réunion dans le cadre du sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) à Erevan, le 23 novembre 2022.
©KAREN MINASYAN / AFP

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Le président russe a participé au sommet de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) en Arménie.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : La courte visite de Vladimir Poutine au sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) est-elle le signe de la faiblesse de la Russie, même dans les rangs de ses alliés ?

Michael Lambert : L'Organisation du Traité de Sécurité Collective, qui a vu le jour en 1992 avant de prendre la forme que l'on connaît aujourd'hui en 2002, est avant tout une tentative de sécuriser l'espace post-soviétique et de maintenir une union militaire pouvant faire contrepoids à l'OTAN.

Au-delà de cette rhétorique se cache cependant une autre réalité, la volonté du pouvoir central à Moscou de garder le contrôle sur des pays comme la Biélorussie ou le Kazakhstan, et de les empêcher par là même d'envisager un rapprochement avec d'autres acteurs comme l'OTAN ou la Chine. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la Russie domine l'OTSC encore plus que les États-Unis ne le font au sein de l'OTAN. 

Cependant, la puissance militaire russe a ses limites, et le Kremlin se trouve aujourd'hui dans une impasse car de nombreux pays membres, comme l'Arménie, ne sont pas en mesure d'assurer leur propre défense (ici contre l'Azerbaïdjan). L'OTSC, donc en pratique la Russie, doit alors être militairement présente partout pour soutenir les autres membres, ce qui est coûteux en hommes et en matériel à un moment clé où elle en a besoin pour sa guerre en Ukraine. 

Pour toutes ces raisons, les pays membres commencent à montrer un certain scepticisme à l'égard de l'OTSC et a se tourner vers des alternatives pour assurer leur sécurité. Parmi les exemples les plus évidents, citons le Tadjikistan, qui accueille une base militaire chinoise pour lutter contre le terrorisme en provenance d'Afghanistan (corridor du Wakhan). 

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Les récentes critiques à l'égard de l'Arménie et surtout du Kirghizistan ne montrent-elles pas l'individualité de la Russie au sein de l'OTSC ? Avec le conflit en Ukraine, Moscou ne pense-t-il pas trop à ses propres intérêts ? 

La Russie tente effectivement de pousser les autres membres de l'OTSC à intervenir à ses côtés en Ukraine, sans succès. Elle souhaiterait voir la Biélorussie s'engager activement à ses côtés pour attaquer le nord de l'Ukraine, assister à la mobilisation des Arméniens et des pays d'Asie centrale pour lui fournir des hommes et surtout du matériel supplémentaire dans son effort de guerre. En revanche, les autres membres de l'OTSC sont parfaitement conscients que cela n'est pas dans leur intérêt car ils n'obtiendront rien en retour. 

Dans ce contexte, il convient de rappeler que les Etats membres de l'OTSC ne soutiennent bien souvent la Russie qu'en échange de compensations. Ainsi, depuis février 2009, le Kirghizistan s'est engagé dans un nouveau rapprochement avec Moscou et a annoncé la fermeture de la base aérienne américaine de Manas, en échange d'un crédit de 2 milliards de dollars et de plus de 150 millions de dollars d'aide supplémentaire du Kremlin. 

En 2022, la Russie pense surtout à la guerre en Ukraine, et la sécurité dans le Haut-Karabakh, la lutte contre les trafiquants de drogue et le terrorisme en Asie centrale, passent dès lors au second plan. 

La guerre en Ukraine et les actions de la Russie peuvent-elles provoquer la fin de l'OTSC ?

L'Azerbaïdjan, la Géorgie et l'Ouzbékistan se sont tous retirés de l'OTSC pour diverses raisons, et la Géorgie souhaite par ailleurs rejoindre l'OTAN pour trouver une solution aux conflits en Abkhazie et en Ossétie du Sud. 

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La guerre en Ukraine ne devrait cependant pas altérer la dynamique de l'actuelle OTSC, pour la simple raison que la Biélorussie est isolée en Europe et ne peut compter que sur Moscou, que le Kazakhstan est encore trop dépendant de la Russie pour s'orienter vers une alliance militaire avec la Chine, tandis que l'Arménie ne peut compter que sur le soutien de Moscou dans le Haut-Karabakh. 

Face à la passivité de Moscou, les autres pays membres de l'OTSC pourraient-ils être tentés de se tourner vers l'Occident et l'OTAN ?

L'Arménie pourrait être tentée de le faire, car la diaspora arménienne est active aux Etats-Unis et en France. Toutefois, si l'Arménie ne verrait pas d'inconvénient à se rapprocher de l'OTAN, ou du moins de certains membres de l'OTAN comme la France, elle ne le fera pas par crainte que les forces de maintien de la paix russes ne se retirent du Haut-Karabakh. Si cela devait se produire, l'Azerbaïdjan reprendrait rapidement l'ensemble du territoire. 

Quelle importance revêt ou revêtait l'OTSC pour la Russie ? Devra-t-elle reconsidérer sa position ?

L'OTSC est une opportunité pour Moscou d'écouler ses stocks d'armes (soviétiques et russes) et surtout de garder la main sur les pays d'Asie centrale qui sont désormais sous influence économique chinoise. En bref, pour Moscou l'OTSC est un double rempart contre l'influence croissante de l'Occident et de la Chine. 

Cette approche ne doit pas être remise en cause, mais il conviendrait de trouver de nouveaux moyens de renforcer la coopération à un moment critique où la Russie n'apparaît plus comme une puissance militaire aussi importante, ce qui pourrait pousser certains pays à profiter de cette situation pour tenter de se démarquer de l'influence russe.

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