Les jeunes et le logement : eh bien non, le nombre de Tanguy n’explose pas du tout<!-- --> | Atlantico.fr
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Popularisé par la comédie d'Etienne Chatiliez, ce phénomène des « Tanguy », quand il perdure dans le temps bien après l'âge de 18 ans, est un symptôme de la pénurie de logements accessibles.
Popularisé par la comédie d'Etienne Chatiliez, ce phénomène des « Tanguy », quand il perdure dans le temps bien après l'âge de 18 ans, est un symptôme de la pénurie de logements accessibles.
©AFP / Loic VENANCE

Quitter le nid

Sauf le respect dû à la Fondation Abbé Pierre, l’âge moyen de départ du foyer familial est parfaitement stable depuis 20 ans et c’est Eurostat qui le dit.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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À un canard en mal de notoriété pour lequel je bossais, j’avais suggéré de créer un indicateur statis­tique complètement bidonné mais qui, rendu spectaculaire et convenablement marketé, se­rait repris par tous les confrères à chacune de ses parutions. 

Askolovitch, dans sa revue de presse sur Inter, l’aurait évoqué avec force points d’exclamation : « On a du mal à y croire, mais figurez-vous que 68,3 % bla bla bla !!!! ». Avec un peu de chance, on aurait même chopé la une du Monde ou de Libé...

Et en kiosque, on aurait cassé la baraque !

On m’avait pourtant envoyé promener parce que c’était une idée de communicant cynique plutôt qu’une au­thentique trouvaille de journaliste, et, génie incompris mais respectueux de l’autorité de mes chefs, j’avais prestement remis ma suggestion dans ma culotte.

N’empêche, avec le recul, et surtout le succès croissant de ces indices rarement vérifiables mais aussi attendus qu’un chassé-croisé juillettistes-aoûtiens, je me console en me disant que j’étais jeune, il est vrai, mais que ma valeur n’avait clairement pas attendu le nombre de mes an­nées :

    • Jour du dépassement annuel des ressources terrestres (dès le mois d’août, nous serions à dé­couvert de tomates et de pommes de terre) ; 
    • moment précis où les femmes se mettraient à travailler gratuitement (généralement le pre­mier lundi de novembre vers 14h25) ;
    • date exacte où c’est la population tout entière qui ne bosserait plus que pour la gloire (le fisc capterait tout dès le 19 juillet, l’heure n’est pas précisée) ; 
    • empreinte carbone de Bernard Arnault, qui polluerait à lui tout seul autant que les deux-tiers de l’humanité…

Il y en a vraiment pour tous les goûts…

L’ajout le plus récent à la liste, pour le coup, c’est celui de la Fondation Abbé Pierre concernant les « Tanguy », ces jeunes adultes qui seraient désormais « des millions » à retarder leur départ du nid familial contre leur gré, es­sentiellement pour des raisons d'inflation immobilière. 

Oh, on ne prétendra pas ici que le tarif au mètre carré n’a pas globalement augmenté ces dernières années, ce serait absurde, et qu’il n’est pas devenu impossible de louer la moindre chambre de bonne sans présenter les fiches de paye d’au moins quatre ascendants fonctionnaires gagnant davan­tage qu’un président de République en garantie. 

Mais le fait que ça n’a strictement aucun impact sur l’âge moyen auquel on quitte le nid familial, resté absolument stable depuis une vingtaine d’années d’après les données Eurostat, soit 23,5 ans en 2003, 23,7 ans en 2023, avec une vague pointe à 24 ans en 2020...

Mieux, la France serait toujours l’un des pays européens où l’on s’envole le plus précocement (les Grecs, les Italiens, les Espagnols le font plutôt autour de 30 ans, les Turcs, les Danois et les Suédois vers 21 ans, et la moyenne continentale est aux alentours de 26,3). 

« Les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques. On ne pleure pas devant les chiffres », avait un jour écrit l'Abbé Pierre, imaginant que les jeunôts de service de com' sauraient s'en souvenir. On le voit, nul n'est prophète en sa fondation.

Mais bon, si ça marche... Moi-même, à mon époque, je n'avais pas dû être assez convaincant.

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