Le Point se demande si Macron est fou et Mélenchon suicidaire, Marianne si nous ne sommes pas tous en crise d’angoisse aiguë; Kamel Daoud prévient les musulmans de France que le melenchonisme ne leur apportera rien; Attal ne parle plus au président<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Point se demande si Macron est fou et Mélenchon suicidaire, Marianne si nous ne sommes pas tous en crise d’angoisse aiguë; Kamel Daoud prévient les musulmans de France que le melenchonisme ne leur apportera rien; Attal ne parle plus au président
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Revue de presse des hebdos

A la Une de vos hebdos cette semaine, le doute : Macron serait-il fou ? Mélenchon suicidaire ? Le Point psychanalyse les politiques, le Nouvel Obs dramatise un “vote historique”, tandis que l’Express doute de notre capacité à traverser l’épreuve. Il n’y a guère que Marianne pour nous donner des repères, à travers un astucieux comparatif des programmes politiques : l’hebdo cherche la vision du monde qui sous-tend les mesures phares, et énonce ses propres propositions.

Alice Maindron

Alice Maindron

Alice Maindron a enseigné la philosophie à vos chères têtes blondes, et a sévi dans le conseil et la formation. 

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La politique est une histoire de fous

Que les porteurs de maladie psychique ne se sentent pas stigmatisés : tout le monde sur le divan ! Cette semaine vos hebdos font parler les psys pour tenter de sortir de la grande confusion : le mythe macronien “de l’hyperprésident omniscient, qui a raison seul contre tous, s’est effondré comme une statue qu’on déboulonne”, raconte Marianne, et depuis, c’est la déprime. Le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez “n'a pas vu ça depuis les attentats de 2015 et le COVID : l'actualité prend le pas sur les préoccupations personnelles de ses patients, comme une “véritable intrusion psychique”. Avec à la clé, une colère, un syndrome d'abandon et une crainte de l’effondrement. Le tout redoublant la confusion d'une offre politique, illisible, alors que le président voulait faire "acte de clarification”, développe Le Point. Un “coup d’Etat psychique” pour l’essayiste Llorca qui piège les lecteurs dans un paradoxe : ils sont déterminés à aller voter, tout en étant indécis comme jamais.

La France est “un repas de famille à la Festen”, avec les enfants RN que l'on écoute pas, qui ne savent pas parler, mais sont devenus adultes, et sont à la porte du pouvoir, et des adultes “qui s'engueulent entre eux même s'ils sont d’accord, et surtout s'ils sont d’accord.” Le mot même de dissolution “laisse penser que plus rien ne tient, que les structures et la société sont en train de se liquéfier.” Clarifier, disait Macron… “Chez l’être humain, l’incertitude a un effet dépressogène contre lequel le meilleur moyen de défense est la paranoïa”…

La psyché présidentielle ? Sa vie est placée sous le signe de la transgression (il épouse son professeur, trahit François Hollande), et il teste à grande échelle l’amour inconditionnel dont il croit encore être aimé… Quant à Mélenchon-Ruffin, ils présentent tous les symptômes du meurtre du père (un père machiavélique qui se donne le beau rôle). Les relations Macron-Attal sont une guerre fratricide, même si au fond, on verrait bien aussi le duo Attal-Darmanin : il se murmure à Matignon qu’on doit au locataire de Beauvau la dissolution : il aurait soufflé l'idée au retour de Nouvelle-Calédonie, ne supportant pas de voir Attal à Matignon… Quant au duo Mère-fils du RN… eh bien encore une lutte oedipienne des générations.

De la psychanalyse de bas étage ? “Macron oblige non plus seulement à tenter une critique objective, argumentée de sa politique, mais à se positionner face à sa personnalité”. Passage à l’acte ou recherche de sensation de la part d’un accro au pouvoir, la question reste ouverte. En tout cas “c’est une blessure profonde qui, au dire des plus proches, ronge le président : son incapacité à avoir su créer un lien d’affection avec les Français.”

La République en danger ? 

Que nenni, pour l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, dans l’Express : “de puissants garde-fous existent contre un pouvoir officiel qui prendrait trop de libertés avec nos libertés.” Il pointe le paradoxe d’une demande d’un pouvoir fort face à la recherche de “barrages institutionnels pour contenir ses tentations autoritaires”, et l’attribue au corset que sont les contre-pouvoirs : “nos institutions sont beaucoup mieux armées contre l’autorité légitime que contre les pouvoirs occultes qui font la loi dans les territoires perdus de la République.”

Un magistrat est plus inquiet dans L’Obs : “regardez l’Amérique de Trump : son administration a progressivement mis en place les juges de la Cour suprême. Il peut en être de même en France avec le Conseil constitutionnel.”

Et si certains s’assurent que c’est la faute aux institutions, Cazeneuve les défend dans l’Express : elles ont résisté aux crises — bancaire, terroriste, pandémique. La faute revient plutôt à “des acteurs politiques, pris au piège de leur entre-soi et déconnectés du monde réel”, qui les malmènent : “les présidents de la République deviennent ministres de tout et de ce fait, ne sont plus président de rien” Il avertit : “lorsque la médiocrité domine on explique que les institutions sont à bout de souffle et que le temps est venu d’en changer. Ce qui dispense ceux qui les ont le plus abîmées d’avoir à rendre des comptes.” Pour Richard Malka, “les politiques agissent, s’expriment et pensent en fonction de ce qu’on va dire d’eux le lendemain dans les médias”. Les partis ressortent “des slogans et des étiquettes qui ont presque un siècle”, pour ne pas avoir à imaginer l’avenir.”

Keir Starmer, le Mélenchon britannique

Retenez ce nom : c'est celui du chef du parti travailliste, sans doute le futur premier ministre britannique. L’avocat, spécialiste des droits humains a conseillé la police en Irlande du Nord, pendant la guerre civile. Après 14 ans dans l’opposition, les travaillistes ont trouvé celui qui incarne un "espoir raisonnable”, nous apprend Le Nouvel Obs. Le "Jean-Luc Mélenchon britannique” a su faire oublier les années Jeremy Corbyn,… en menant une purge dans les rangs du parti. Exit, la “complaisance avec des groupes terroristes” : le Point nous apprend, enquête à l’appui, que “sous Corbyn, l’antisémitisme pullulait au sein du parti.” Mélenchon, donc, pour un ex ministre de Blair, “en moins arrogant et en plus courtois. À part ça, ils ont les mêmes réflexes et les mêmes obsessions, à commencer par l’antiaméricanisme.” Marianne raconte son expérience de la pauvreté, où s’ancre son choix de se concentrer “avant tout sur la stabilité économique, sur la nécessité de ne jamais soumettre les travailleurs au tourbillon du chaos”. Sa future ministre de l’économie admire Thatcher et veut des mesures “radicales” pour retrouver une croissance forte. 

L’Express résume sa stratégie : “ne pas sortir les cadavres des placards, afficher un budget bien ficelé, et surtout, rassurer.” En matière de cadavre, le Brexit est devenu un sujet tabou : “ne pas rouvrir les plaies douloureuses.” La déroute des conservateurs est telle que le Labour n’a même pas besoin de séduire ni d’accomplir un brillant numéro de pyrotechnie à la Tony Blair. C’est peut-être pour ça que Le Point lui trouve “un petit côté François Hollande” ? 

Le financier secret du RN

François Durvye dirige le fonds d'investissement Otium Capital, sort de l’X, et est le bras droit du milliardaire catho réac Pierre-Édouard Stérin. Sur-diplômé, passé par le mouvement pour la France, il aurait dit-on dans L’Obs "un sens politique affûté et rare.” C'est aussi le conseiller officieux du RN en matière économique. Si Sterin a trouvé Marine Le Pen, “intellectuellement limitée”, son bras droit pénètre le cercle de ses proches. Déçu en 2022, il se rapproche de Bardella, qu’il pousse à abandonner d'une partie des dépenses du programme de 2022 pour "rassurer les marchés.” C’est désormais l’heureux propriétaire de la villa familiale de Rueil, Pour 2,5 millions d’euros, il a l’heur de loger Jean-Marie Le Pen…

Infréquentable RN, infréquentable LFI

Dans vos hebdos, on renvoie les deux extrêmes dos à dos : pour Malka, le RN est “un parti dangereusement incompétent doublé d’une ligue de vertu” ; Karsenti analyse sa transformation, commune au reste de l’Europe : il lie “illibéralisme et nationalisme, la réduction des services publics et des droits sociaux au profit de droits individuels apparemment augmentés, ainsi que le repli sur soi et la défiance à l’égard de l’intégration européenne.” L’avocat dénonce ensuite LFI, et cette alliance avec des “gens infréquentables qui ont passé des années à aller de violences en provocations à l’Assemblée nationale, à rechercher du buzz, à polariser, à fracturer, à antagoniser, à ne rien respecter, à faire peur et ainsi à banaliser le RN. Et ce sont avec ces personnes qu’il faudrait faire barrage… Ça n’a aucun sens”. Même L’Obs s’y met : il faut voter nouveau Front populaire, mais aussi "résister, en érigeant un autre barrage, en son sein, contre Jean-Luc Mélenchon et ce qu’il incarne désormais.”

Chez LFI, la purge continue : Céline Verel, proche de la députée parisienne Danielle Simonnet, lui a purement et simplement piqué sa place, avec la bénédiction de Mélenchon, lambertiste comme elle, et cégétiste. Une belle prise pour la centrale qui a toujours revendiqué son indépendance : un ancien dirigeant souligne à L’Obs que LFI joue “un billard à trois bandes : taper Simonnet, mettre un coup de griffes à la CGT et afficher l'étiquette militante syndicale.” Les responsables de groupe proches de l’élue connaissent le même sort, évincés brutalement pendant la nuit : des méthodes “dignes des magouilles du PS ou de la droite mafieuse” nous apprend Marianne. Laquelle livre un intéressant rappel historique sur une pratique des partis : la purge qui suit toute critique du fonctionnement bureaucratique de l’appareil. 

Autres victimes collatérales, les musulmans : pour Kamel Daoud dans Le Point,“le mélenchonisme n’apporte aucun bénéfice aux musulmans de France.” Pire, il les enfermera “derrière les murs de la catégorie religieuse”, et leur donnera une “image de troupes de l’affect, celles des colères, des radicalités et du refus de la République.”

Le Point en rajoute : le silence éloquent de LFI sur l’homophobie ? Une marque de l’islam rigoriste : “toute critique de l’homophobie d’inspiration islamiste semble aujourd’hui interdite en interne.” Au nom de la lutte contre le racisme, en faveur des minorités, bien sûr.

Et on ressort cette vieille lune : l’antisémitisme de gauche, qui aurait des airs plus acceptables que celui d’extrême-droite. La Tribune de l’avocat Arié Alimi et l’historien Vincent Lemire dans le Monde scandalise l’Express : elle l’atténue, sous prétexte d’une instrumentalisation par ses adversaires, “pour parasiter le débat.” Et les auteurs se cachent derrière un antisémitisme "contextuel, populiste et électoraliste”, donc acceptable, parce que “moral” ! “Un viol est un viol, la haine des juifs est la haine des juifs”, argue l’hebdo, contre la logique d’un antisémitisme “mal nécessaire pour faire triompher la gauche.”

Edgar Morin fait plus de crédit à la gauche et pense que “de même que la critique radicale des ayatollahs n'est pas une atteinte à la nation iranienne, de-même, l’anti-israélisme politique n'est pas la négation de l'existence d’Israël et de son peuple.” Le philosophe Bruno Karsenti va-t-il dans son sens dans l’Express, pour qui mettre de côté la question de l’antisémitisme ruinera l’union des gauches, à laquelle il avait pourtant appelé ? Il voit un déni, un “mouvement révisionniste” porté par les Indigénistes, qui considèrent “Israël uniquement sous l’angle du colonialisme, et en niant le fait que le sionisme est d’abord un mouvement d’émancipation nationale.” La critique sociale des dominants efface la mémoire de la Shoah au profit d’une mémoire post-coloniale : “la critique sociale est si faible en termes de savoir et de réflexion, pour que le barycentre de l’antisémitisme se situe à gauche.” Même son de cloche chez Morin : “l’absence d'une pensée novatrice pèse sur l'avenir de la gauche”, qui renouvellerait le marxisme.

Mélenchon, vrai adversaire du NFP 

Le leader de LFI, “parce qu'il se sent menacé par une alliance qui s'est constituée malgré lui, prend le risque de décourager, le vote à gauche plutôt que de s’effacer”, selon l’Obs. “Les candidats socialistes sont déprimés. Ils déposent des cierges pour qu’il se taise, parce qu’ils se font démonter”, confie un élu PS au Point. Car il sait qu’il ne sera pas à Matignon, et ne veut pas d’une cohabitation sans lui : “il finirait seul dans son pavillon à donner des conseils” A l’Elysée, on pense même qu’il ne veut pas que le Front populaire réussisse. “Si la gauche arrivait au pouvoir, il n’aurait plus aucune chance pour la prochaine présidentielle.”

Fonction publique : vers la désobéissance civile ?

Si le RN arrive au pouvoir, des préfets ont annoncé refuser d’appliquer certaines décisions au nom du droit de “refuser un ordre illégal” ou “de nature à compromettre gravement l’intérêt public”. Un sous-préfet énarque, interviewé par L’Obs, préfère quitter la hiérarchie de l’Intérieur… et retrouver son corps d’origine… sans avoir à démissionner.  Des Jean Moulin de pacotille, pour Marianne, qui ne respectent pas “leur obligation de neutralité et désobéir à un gouvernement issu des urnes, élu par une majorité de citoyens”. Si le légal ne semble pas légitime, qui peut décider “ce qu’est la République sans pour autant véritablement la définir.” Une manière de décrédibiliser encore plus la démocratie dont la confiance est déjà entamée par des jurisprudences en faveur des droits individuels”.
Dans le Nouvel Obs, un préfet s’interroge : « Par nature, un préfet est loyal au pouvoir en place. On ne peut pas être haut fonctionnaire et militant. Pour autant, quelle est la taille des couleuvres qu’on doit être prêt à avaler ?” 

Pendant ce temps-là, au Soudan…

La guerre civile a fait 150 000 morts en un an, nous rappelle Le Point, et la famine menace plus de 2 millions de personnes. “A l’intersection de trois régions géopolitiques en crise : le Sahel, le Proche-Orient et la Corne de l’Afrique,” le Kremlin souffle sur les braises, qui écoule des armes, et contribue à déséquilibrer cette zone de non-droit : le trafic maritime sur la mer Rouge est menacé, et 2 millions de réfugiés ont déjà quitté le pays…

Attal-Macron : ils ne se parlent plus

Un conseiller d’Attal l’avoue au Point : “Gabriel Attal est en forme, et plutôt de bonne humeur. Il est affecté au fond de lui, bien sûr, mais n’en montrera rien.” Pour un de ses proches, “il est passé du mec humilié au sauveur”, grâce à une fuite habile : “sa démission dans la balance pour dissuader le chef de l’État de déclencher des élections a forcément joué en sa faveur.” Mais après cette ascension fulgurante, un familier du pouvoir lui prédit un destin à la Fabius, à “consacrer la suite de sa vie à vouloir remonter à la marche d’où il est tombé”.

Edouard Philippe, bouc-émissaire des macronistes

Edouard Philippe dit en privé trouver la décision de Macron “brutale” et “incompréhensible.” Pour y survivre et conquérir l’Elysée, il continue son tour de France des villes moyennes, mais pour soutenir ses candidats. Les macronistes lui en veulent : “il lance des concepts, tout le monde s’extasie mais en vérité, il n’y a rien derrière.” Que Macron fasse campagne, “pas sain” ? “C’est petit et assez minable. User du vocabulaire psychiatrique pour parler du président ? C’est sérieux ? Mais qu’il rentre dans le rang ! Brutalisons-le. Car non, un ancien Premier ministre ne devrait pas dire ça…”
En tout cas, il sait devoir résister : son mentor Alain Juppé avait chuté avec la dissolution de 1997…

Quant à François Hollande, il est enfin sorti de son ennui, dixit son ancien conseiller Aquilinio Morelle. Il boit cul sec sa bière en Corrèze, de quoi faire dire à Marianne que c’est le nouveau Chirac : “bilan politique désastreux mais personnalité préférée des Français”…

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