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La styliste Isabel Marant contre les brodeuses mexicaines : comment une affaire de chiffons devient une affaire d’Etat
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Revue de blogs

L'étrange affaire des brodeuses mexicaines furieuses contre des marques françaises qui ont reproduit leurs motifs traditionnels peut faire sourire, mais l'affaire agite toujours les réseaux sociaux mexicains et pose la question de l'appartenance du patrimoine culturel.

Claire Ulrich

Claire Ulrich

Claire Ulrich est journaliste et fan du Web depuis très longtemps, toujours émerveillée par ce jardin aux découvertes, et reste convaincue que le Web peut permettre quelque chose de pas si mal : que les humains communiquent directement entre eux et partagent la chose humaine pour s'apercevoir qu'ils ne sont pas si différents et qu'il y a donc un moyen de s'entendre.

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"Marant t'est une plagiare, voleur des traditions textiles at Oaxaca (sur du Mexique) voleur et mille fois voleur et usurpeur. Patenter des ancients design textiles qui ne sont a toi! Mille fois voleur!" La page Facebook de la styliste française Isabel Marant s'est couverte d'insultes en espagnol ou en français approximatif de style Google Translate. Dans une actualité sanglante, en novembre, un épisode virulent de French bashing s'est déclaré au Mexique, à l'encontre de stylistes de mode. Il est passé inaperçu, mais les artisans et habitants d'un lieu particulièrement n'en démordent pas depuis juin dernier : ''l'inspiration'' de deux stylistes françaises est désormais vue comme un "plagiat".

Au printemps dernier, les hostilités s'étaient ouvertes par une accusation de plagiat du maire d'une commune mexicaine, Santa Maria Tlahuitoltepec, où vivent des Mixe, une communauté autochtone dont les broderies ancestrales et les tissages sont célèbres pour leurs couleurs et richesse. Par le hasard d'Internet, elle avait découvert que l'un de ses fameux corsages brodés, vendu trente dollars US sur place, avait une version luxe à plusieurs centaines d'euros à Paris. Tollé sur les réseaux sociaux mexicains et dans toutes les blogosphères, nombreuses, qui s'intéressent et défendent les droits des minorités. 

Photo du compte Twitter Letra digital : le corsage traditionnel, à gauche, et son interprétation par la marque Isabel Marrant

#miblusadetlahui  (mon corsage de Tlahui), le hashtag des protestataires, s'est orné de photos de Mexicaines portant le fameux corsage et des messages hostiles envers la mode française. Mais l'affaire ne s'en est pas arrêtée là. Un site mexicain est revenu à la charge cet automne, en affirmant qu'une autre marque, Antik Batik, ainsi que Isabel Marrant, avait cherché à breveter un modèle à broderies en tant que création originale. Regain d'indignation, et de tweets, la rumeur courant que les brodeuses et la commune devraient désormais payer des royalties à des maisons françaises pour continuer à produire des créations textiles existant depuis  plusieurs centaines d'années.

Protestations en photos de Mexicaines contre les 'plagiaires' français, sur Twitter

Des pétitions ont vu le jour, dont l'une comporte 150 000 signatures. Tout post sur Facebook mentionnant l'affaire peut atteindre plusieurs dizaines de milliers de commentaires. Une fierté nationale est devenue vénimeuse, et ce, sans vérifications ou fondement.  La styliste française a beau eu publier un démenti le 20 novembre sur son compte Facebook , rappeler que le modèle avait été retiré de la vente, qu'elle était intervenue devant un tribunal pour assurer qu'elle ne revendicait en aucune manière la proriété intellectuelle de ces broderies, le corsage brodé provoque des appels à la défense des minorités et fait voler des menaces de procès transatlantiques. 6500 commentaires s'étagent sous ce démenti.

Le blog mexicain Dropsdadez se souvient d'un précédent, dans des temps plus calmes, pré- réseaux sociaux : "La culture d'un peuple a des caractéristiques frappantes, même dans les vêtements. On peut remarquer que quand  les ponchos péruviens ont eu un grand succès auprès des fashionistas, le modèle a été copié (ou faut il dire a inspiré ?) par de nombreuses marques à travers le monde dans leurs collections.'' Et que personne n'avait à une époque où les 'bad buzz' n'existaient pas, invoqué un plagiat. Le Mexique, lui, a trouvé une occasion, un peu chère pour l'image de la France, de débattre de la protection de son patrimoine immatériel.

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