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La difficile équation personnelle de Laurent Wauquiez face à l’opinion
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

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Pouvoir d'achat, retraités, immigration… autant de sujet en tête de liste des préoccupations des Français que le leader des républicains aborde régulièrement, mais sans impact réel auprès de la population.

Aurélien  Preud’homme

Aurélien Preud’homme

Aurélien Preud'homme est directeur des études à l'institut Viavoice, spécialisé notamment sur les analyses politiques, économiques et liées aux évolutions de société.

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Atlantico : Dans un sondage Ifop pour le journal du Dimanche, Wauquiez, n’apparaît qu’en septième position des personnalités incarnant le mieux la droite aux yeux des Français, loin derrière Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Comment expliquer qu'en termes de stratégie politique Laurent Wauquiez soit plutôt validé par l'opinion mais sans que cela ne se traduise en popularité ou en intentions de vote ?

Aurélien Preud'homme : Le premier handicap est celui de l'identification politique : dans notre dernier sondage pour Libération fin août, il y avait toujours 28 % des Français qui n'avaient pas d'opinion - ni négative ni positive - à son égard. Il est donc indéniablement moins connu que des poids lourds historiques de la droite comme le sont Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, fortement présents sur le plan national depuis les années 1990, au moins. A l'inverse, Laurent Wauquiez n'a jamais eu de rôle de premier plan dans la vie politique nationale, comme un ministère régalien ou une candidature à l'élection présidentielle. Ce n'est pas nécessairement un problème en soi car cela permet d'incarner un certain renouvellement, mais il lui faudra aussi du temps pour être mieux identifié. C'est la raison pour laquelle il a souhaité prendre les rênes de LR dès 2017 : cela lui laisse presque 5 ans pour s'imposer d'ici 2022.
Sur ce point, on pourrait presque comparer Laurent Wauquiez au François Hollande d'avant 2012, même s'ils ont peu de choses à voir sur le plan des idées. François Hollande était alors essentiellement connu pour son implantation locale en Corrèze et son rôle de premier secrétaire du PS jusqu'en 2008 : il avait alors mené un travail de longue haleine pour incarner une stature d'Homme d'Etat, qui lui avait permis de s'imposer aux primaires en 2011 puis à l'élection présidentielle en 2012. Et pour cela, diriger un parti ne suffit pas : si celui-ci apporte une structure, des moyens et une certaine légitimité auprès des militants, ce n'est pas suffisant pour s'imposer dans l'opinion publique.

Doit-on mettre cette faible popularité sur le compte de la personnalité même de Laurent Wauquiez ou comme le symptôme d'une droite "éclatée" ?

Les deux sont en cause, sans doute. Indéniablement Laurent Wauquiez a encore un problème d'image : dans notre étude, 56% des personnes interrogées n'ont pas une bonne opinion de lui, contre seulement 16% de bonnes opinions. Et ces chiffres évoluent peu depuis un an. Les multiples critiques  à son égard - notamment issues de son camp - peuvent expliquer en partie ce chiffre, mais pas uniquement : beaucoup de Français disent douter de sa sincérité, ou le perçoivent comme opportuniste dans son positionnement politique très à droite pour attirer les électeurs de Marine Le Pen. D'autant que ce positionnement est relativement nouveau : lorsqu'il était au sein du gouvernement de François Fillon, Laurent Wauquiez n'était pas spécialement connu pour ses positions très dures sur l'immigration ou pour son penchant euro-sceptique, contrairement à d'autre figures de la droite de l'époque.
Pour progresser et convaincre, Laurent Wauquiez devra donc tout à la fois s'imposer dans sa famille politique pour faire taire les critiques, mais aussi montrer un visage plus sincère, plus naturel. Dit autrement, il faudra qu'il montre qui il est réellement : aujourd'hui beaucoup de Français ne décryptent pas "l'homme" derrière l'argumentation ou la stratégie politique.

Dans un entretien accordé au JDD le 2 septembre 2018, Laurent Wauquiez avouait ne viser qu'un score de 15% lors des élections européennes. Il déclarait ainsi : "On ne sera pas encore au top pour cette élection ; on est encore trop convalescents". Quelles seraient les circonstances ou les actions qui permettraient à Laurent Wauquiez de faire progresser ce score ?

Il est encore difficile de le dire, tant les inconnues sont nombreuses, et que l'on ne connaît ni les programmes ni les alliances à ce stade. Existera-t-il une liste concurrente menée par les proches d'Alain Juppé ? Quelles listes à l'inverse seront présentes à la droite des Républicains, outre le Rassemblement national ? Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot ? Quelle sera la tête de liste de la droite, et sera-t-elle plutôt perçue comme pro-européenne ou euro-sceptique ? Et quel sera le climat politique et social en France, au printemps prochain ?
On voit bien que beaucoup d'inconnues subsistent. Mais au fond, pour Laurent Wauquiez cette élection n'est sans doute que secondaire, elle n'est qu'une rampe de lancement pour les élections régionales, où il devra se faire réélire à la tête de sa région, et pour l'élection présidentielle ensuite. Tout l'enjeu pour lui sera donc de trouver la bonne distance à l'égard de la campagne : suffisamment impliqué pour s'imposer définitivement comme le chef à droite, et suffisamment distant pour ne pas se voir reprocher un score relativement faible. C'est le sens de la déclaration que vous citez : en annonçant 15 % alors que l'UMP avait fait plus de 20 % aux dernières élections européennes, on voit bien que l'ambition de la droite à ces élections n'est pas démesurée.

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