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L’informatique et la cryptographie quantiques sont des domaines porteurs de mutations technologiques aussi décisives que le fut en son temps la mise au point des rayons laser.
L’informatique et la cryptographie quantiques sont des domaines porteurs de mutations technologiques aussi décisives que le fut en son temps la mise au point des rayons laser.
©Reuters

La minute "Tech"

Des chercheurs allemands viennent de mettre au point un dispositif nanométrique qui rendrait Internet beaucoup plus rapide et absolument sûr. Les Français sont également très présents dans les traitements quantiques de l’information.

Nathalie Joannes

Nathalie Joannes

Nathalie Joannès, 45 ans, formatrice en Informatique Pédagogique à l’Education Nationale : création de sites et blogs sous différentes plates formes ;  recherche de ressources libres autour de l’éducation ;  formation auprès de public d’adultes sur des logiciels, sites ;  élaboration de projets pédagogiques. Passionnée par la veille, les réseaux sociaux, les usages du web.

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Neuf chercheurs de l’Institut Max Planck, à Erlangen, ont réussi à isoler des photons qui encodent et transportent des informations cryptées. Habituellement actifs en grappes, ces photons enfin solitaires ou presque joueront le rôle des paquets de « bits » qui sillonnent le réseau électronique mondial. Personne ne sera capable avant très longtemps de « casser », pour voir ce qu’il y a dedans, les particules élémentaires qui composent la lumière et d’autres radiations, à l’échelle du millionième de millimètre. Les résultats de cette expérience décisive ont été publiés les 13 et 22 avril derniers sur le site de l’université Cornell.

Des photons remplis d’informations

L’informatique et la cryptographie quantiques sont des domaines porteurs de mutations technologiques aussi décisives que le fut en son temps la mise au point des rayons laser. A l’origine de cette exploration de l’infiniment petit, il y a l’observation d’une mécanique en vertu de laquelle (notamment) un rayonnement peut être à la fois un corpuscule et une onde. Une particule peut donc avoir plusieurs états différents. Appliquée à l'informatique, cette étrangeté amplifie considérablement la capacité des signaux qui transportent l’information. Au lieu de n’avoir que deux valeurs, comme c’est le cas actuellement pour les « bits », faits de 0 ou de 1, les signaux quantiques (« qubits ») prennent une multitude de valeurs, mais ils étaient, jusqu’’à tout récemment, difficiles à stabiliser.

La société canadienne D-Wave avait présenté en 2007 un prototype, baptisé Orion, de calculateur quantique. Des informaticiens soutiennent qu’ Orion n’est qu’un gros ordinateur classique dopé. Ses concepteurs assurent pourtant qu’il est capable de donner les bonnes réponses à 20 questions complexes posées simultanément. Il aurait notamment déniché une molécule rare dans une vaste collection de bases de données scientifiques. Quoi qu’il en soit de la nature réelle d’Orion, un phénomène ne trompe pas: la firme canadienne D-Wave attire une foule d’investisseurs, dont la banque Goldman-Sachs, très intéressés par le portefeuille de brevets qu’elle est en train d’accumuler.

D’ailleurs, toutes les grandes firmes  qui font avancer l’informatique – IBM, NEC, HP – sont, comme on dit, « sur le coup ».  Le 28 février dernier, un département spécialisé d’IBM Research a annoncé avoir trouvé le moyen de générer plusieurs millions de « bits » quantiques sans erreur. A titre indicatif, un photon à 250 états quantiques pourrait contenir plus d’informations qu’il y a d’atomes dans l’univers.

Les hackers impuissants

Précisément, la toute récente découverte des chercheurs allemands est appelée « pistolet à photons » car elle consiste en un cristal (le niobate de lithium) qui répercute des photons isolés émis par la lumière d’un «émetteur-amplificateur»,  le grenat d’yttrium dopé au néodyme d’aluminium. Non seulement ces photons enfin isolés stabilisent les énormes masses informations qu’ils transportent mais en plus ils sont absolument incassables. D’abord parce que le révolver de cristal « tire » 20 millions de particules à la seconde. Ensuite parce que le photon « héraut » - ainsi nommé car il porte les informations - peut prendre toutes les couleurs de l’arc-en-ciel selon le codage de départ. Il s’écoulera beaucoup de temps avant que des hackers puissent attraper un photon au vol et le décoder après avoir trouvé sa bonne couleur.

Des « journées quantiques » en France

Cette percée ouvre des perspectives stimulantes aux chercheurs français qui sont à la pointe des avancées en matière de traitements de l’information quantique, c'est-à-dire les algorithmes qui font fonctionner les programmes et la cryptographie qui protège les informations produites par ces programmes. Les 9 et 10 mai seront d’ailleurs des « journées quantiques » organisées par le Groupe de Travail Informatique Quantique (Paris, Bordeaux, Lyon, Orsay, Palaiseau, Strasbourg, Cachan, Marseille, Rocquencourt) pour regrouper les énergies cérébrales autour de ce nouvel âge de la communication numérique.

Le potentiel est énorme : recherche fondamentale en mathématiques et en physique, effets multiplicateurs en explorations génétiques, en médecine et en chimie pharmaceutique. L’Internet quantique sera d’abord à la disposition des Etats, des militaires et des banques. Avant de se « civiliser » et de se démocratiser, comme d’habitude. Pour mémoire : l’informatique a d’abord été déployée et exploitée pour mettre au point la bombe atomique américaine; les réseaux décentralisés qui sont à l’origine du web ont été initialement conçus pour que le Pentagone puisse répliquer à une éventuelle attaque nucléaire soviétique.

Pourtant, il est peu probable qu’un écolier puisse un jour se servir d’un « pistolet à photons » pour faire ses devoirs d’arithmétique à la maison. «  L’effet quantique » qui multiplie la puissance et la sécurité des particules élémentaires ne se produit qu’à des températures très basses. Il faut donc que le calculateur soit partiellement stimulé par un froid quasiment interstellaire. Quand il s’ouvrira au monde économique après avoir été restreint aux Etats, aux armées et à la science, l’Internet quantique ne sera accessible qu’aux grosses entreprises, comme les banques, dont l’activité et la survie reposent sur la sécurité des données sensibles. Il y aura un Internet réservé, avec ses routeurs et ses infrastructures subatomiques, par-dessus la Toile dédiée au commun des mortels. Ceux-ci  auront quand même la certitude que leur carnet de santé ou leurs transactions en ligne voyageront à la vitesse du laser dans d’hermétiques photons solitaires.

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