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Grand débat national : radioscopie de ce que pensent vraiment les Français des thèmes retenus par le gouvernement
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

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Alors que le gouvernement va lancer son grand débat national, des interrogations subsistent sur les attentes des Français.

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan est directeur d'études à l'Institut BVA.

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Atlantico: Le gouvernement lance son grand débat national avec les Français autour de 4 thèmes. Comment est perçu ce débat par les Français ? 

Erwan Lestrohan: Annoncé par Emmanuel Macron la semaine passée, le futur « grand débat national » dispose d’une notoriété à la hauteur de l’audience de l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron le 10 décembre. Dans notre baromètre politique pour Orange, RTL et La Tribune de décembre, on mesure que 81% des Français ont déjà entendu parler de ce débat et que 45% souhaiteraient même y participer, un niveau élevé indicateur d’attentes potentiellement très élevées.

Parmi les Français qui manifestent le plus fortement l’intention de s’impliquer dans le grand débat national, on trouve notamment les 50 ans et plus (53%), les cadres (56%), les sympathisants de LaREM (61%) et de la gauche (50%), notamment ceux d’Europe-Ecologie-les-Verts. En revanche, le souhait de prendre part au débat est moins prononcé au sein de populations comme les moins de 35 ans (31%), les ouvriers (34%) et les membres de foyers à bas revenus (34%) qui figurent pourtant parmi les soutiens significatifs du mouvement des gilets jaunes…mais également parmi les populations dont la participation politique est souvent restreinte.

 Cette distance vis-à-vis du débat parmi les populations les plus concernées indique tout l’enjeu de ce débat : réussir à mobiliser des populations qui partagent le sentiment de ne pas être suffisamment concernées par l’action publique. Pour cela, il conviendra de garantir la transparence de la démarche, de générer de la confiance autour du dispositif de concertation et, surtout, d’assurer les Français que ce débat a pour objectif de dépasser la simple opération de communication et de faire émerger des pistes d’actions concrètes et engageantes pour l’exécutif.

Comment rendre notre fiscalité plus juste, plus efficace, plus compétitive et plus lisible ?

 Il est très important de souligner un point dans ce domaine c’est que dans la hiérarchie des préoccupations des Français, le pouvoir d’achat occupe la 1ère place quand les impôts n’arrivent qu’en 10ème position. Compte-tenu de cette primauté de la question du pouvoir d’achat, il faut bien avoir en tête que la fiscalité est appréhendée par les Français sous l’angle du pouvoir d’achat qu’elle leur accorde plutôt que de la compétitivité du système. En ce sens, les mesures prises depuis le début du quinquennat par Emmanuel Macron et notamment la hausse de la CSG ont été perçues négativement : en mai 2018, 70% des Français jugeaient négativement l’action présidentielle en matière de fiscalité.

 Sur le plan de l’organisation, la réforme du prélèvement à la source ne devrait pas bouleverser les Français. En septembre nous mesurions que 28% des Français considéraient cette réforme comme plutôt une bonne chose car elle répartit mieux le montant de l’impôt sur le revenu à payer sur l’année quand 43% jugeaient que cela ne changeait rien. Seuls 28% établissaient que cela allait leur donner l’impression que leurs revenus diminuent.

Comment faire évoluer la pratique de la démocratie et de la citoyenneté ?

Les Français semblent aspirer à ce que les institutions les intègrent et les représentent plus fortement, un sentiment qui a peu évolué avec l’élection d’Emmanuel Macron : seuls 26% des Français considéraient en septembre 2018, que l’Assemblée nationale française reflète bien la diversité des opinions politiques des Français.

 Cela pourrait passer tout d’abord par l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives à laquelle sept Français sur dix sont favorables. Généralement lésés par le scrutin majoritaire, les sympathisants de la France Insoumise et du Front National sont ceux qui expriment le plus fort soutien à cette possibilité de réforme.  

 Alors que le recours du gouvernement de Manuel Valls à l'article 49-3 pour adopter les lois Macron (2015) et El Khomri (2016) a été ressenti comme un « déni de démocratie » par une partie de l’opinion, une large proportion de Français (71%) se déclaraient favorables en octobre 2017 (sondage BVA pour Atlantico) à l’introduction d’un « référendum-veto » d’initiative citoyenne. Cette mesure proposée par Benoît Hamon durant la campagne présidentielle de 2017 permet de suspendre une loi pour la soumettre à référendum. Elle recueillait notamment un fort soutien des sympathisants de la France Insoumise (85%), des jeunes (82% chez les 18-34 ans), des sympathisants du Front National (81%) ou encore des ouvriers et des employés (79%). Le référendum d’initiative citoyenne souhaité par les gilets jaunes s’inscrit également dans cette logique de consultation plus directe des citoyens.

 Autre moyen d’améliorer la représentation citoyenne, la possibilité de rendre le vote obligatoire aux élections locales et nationales recueillait aussi un large soutien dans notre sondage d’octobre 2017 (61% de favorables), sans pour autant faire l’unanimité. Les plus réservés vis-à-vis de la proposition étaient les sympathisants de la gauche (55%) et les interviewés ne déclarant aucune proximité partisane (47%).

Comment faire évoluer l'organisation de l'État et des services publics pour les rendre plus proches des Français et plus efficaces ? Mieux accompagner les Français dans leur vie quotidienne pour se loger, se déplacer, se chauffer ?

 Les Français ont plutôt une bonne opinion des services publics et des efforts réalisés par l’Etat pour les moderniser et les rendre plus accessibles. Ils se montrent notamment satisfaits dans les enquêtes d’opinion de la dématérialisation des services publics et des gains qu’elle a permis en termes de temps et d’organisation tout comme la sensibilité de l’administration publique à la satisfaction des usagers est plutôt bien notée même si les Français ne sont pas unanimement positifs sur ce point.

 En revanche, et au-delà de la question du montant des aides disponibles qui dépend d’orientations budgétaires spécifiques, il existe probablement des pistes d’amélioration dans le fléchage des aides à la disposition des Français qui restent encore mal connues. Ainsi, la crise des gilets jaunes a révélé une certaine méconnaissance par la population du chèque énergie destiné à accompagner les ménages à revenus modestes pour payer leurs factures d’énergie ainsi que des aides aux transports mises en place par certaines régions pour les habitants réalisant plus de 30km de déplacements professionnels quotidiens. En matière de logement, les conditions d’accès au logement social sont encore peu maîtrisées par les Français. Des déficits de connaissances peuvent générer le sentiment que le système est injuste ou inéquitable alors même que des dispositifs existent pour tous les Français ou que des supports d’information sont disponibles. En ce sens,  un des grands chantiers dans le domaine du service public d’action sociale est la pédagogie sur son fonctionnement, l’information sur son organisation et l’harmonisation des dispositifs proposés entre les différents acteurs publics.

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