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Une centrale solaire près de New-York.
Une centrale solaire près de New-York.
©BRUCE BENNETT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Atlantico Green

Avec le développement rapide du parc photovoltaïque, les emplacements encore disponibles - et plats ! - pour installer de nouvelles centrales deviennent rares. La solution : installer les panneaux dans les champs.

Philippe  Stoop

Philippe Stoop

Philippe Stoop est membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France, où il intervient sur l’évaluation des effets sanitaires et environnementaux de l’agriculture. 

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Atlantico : Aujourd’hui, nous couvrons nos canaux, nos aéroports, ainsi que nos parkings de panneaux photovoltaïques afin de réduire l'évaporation tout en produisant de l'énergie. Il n'y a pas d'espace plus ouvert que dans une ferme et on appelle cela l'agrivoltaïque. En quoi est-ce une bonne idée de recouvrir nos champs de panneaux solaires ? Y-a-t-il un impact positif sur les plantes ?

Philippe Stoop : Au départ, l’agrivoltaïsme répond surtout à un besoin de la filière photovoltaïque : avec le développement rapide du parc photovoltaïque, les emplacements encore disponibles pour installer de nouvelles centrales deviennent rares, et de plus en plus éloignés de centres urbains qui constituent aussi les lieux de consommation. Ils sont aussi de plus en plus souvent en terrain accidenté, les terrains les plus plats étant déjà occupés. Les coûts des travaux de terrassement pour la construction de nouveaux sites augmentent donc, de même que les coûts de raccordement au réseau électrique.

Jusqu’à ces dernières années, la réglementation du photovoltaïsme sur les terres agricoles était très restrictive, à juste titre, pour éviter qu’il se substitue à l’agriculture.

Le risque est d’autant plus important qu’à surface égale, la production d’électricité solaire génère des revenus très supérieurs à ceux de n’importe quelle culture.

Mais dans le même temps, les cultures sont de plus en plus affectées par des évènements climatiques qui pourraient être atténués par de l’ombrage : chaleurs et rayonnement solaire, qui provoquent un échaudage du grain et des fruits, déficit hydrique provoqué par la réduction des pluies estivales, mais aussi aggravé par la chaleur qui augmente l’évaporation. Pour tous ces risques, l’ombrage apporté par des panneaux solaires situés au-dessus de la culture peut être une mesure de protection. C’est même le cas aussi pour les gelées printanières : pour les gelées dites radiatives (celles qui sont dues au refroidissement du sol par rayonnement pendant la nuit), des panneaux déployés au-dessus de la culture peuvent atténuer le risque de gel.

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L’agrivoltaïsme (production d’électricité photovoltaïque sur des parcelles agricoles) peut donc être une solution intéressante pour la protection des cultures les plus exposées à ces risques climatiques, même s’il va de soi que ce ne peut-être qu’une solution marginale : il n’est pas question de couvrir nos campagnes de panneaux solaires. Ce ne serait d’ailleurs pas nécessaire : Sunagri, une des entreprises pionnière sur ce sujet, a calculé qu’il suffirait d’une superficie équivalente à 0,5% de la surface agricole française pour produire autant d’énergie que notre parc nucléaire actuel.

L’agrivoltaïsme avait connu une première vague de développement il y a quelques années, portée par des « serres photovoltaïques » équipées de panneaux fixés sur leur toit. Ce type de dispositif a vite montré ses limites : en effet, si l’effet des panneaux solaires sur la température est le plus souvent positif pour les cultures, il n’en est pas de même pour le rayonnement solaire : celui-ci est nécessaire pour la photosynthèse, et donc pour la capacité de production des cultures. Or il n’y a qu’une petite partie de la journée et de l’année où le rayonnement solaire devient excessif pour la culture, et peut être réduit sans dégrader son potentiel de rendement. C’est ce qui a amené au concept actuel d’agrivoltaïsme dynamique, où les panneaux solaires ne sont plus fixes, mais pilotés de façon à moduler leur ombrage, et assurer ainsi le meilleur compromis entre production d’électricité et productivité de la culture.

Certains scientifiques commencent à étudier l’impact des panneaux solaires sur la croissance, et l'utilisation de l'eau des plantes. Y-a-t-il des plantes qui peuvent tirer un plus grand bénéfice de l’agrivoltaïque que d’autres ? Qu’en est-il du critère de situation géographique de la ferme ? Impacte-t-il toute la logistique de l'agri-voltaïque ?

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En effet, c’est un domaine de recherche très actif en ce moment, car on comprend bien que trouver ce bon équilibre entre production électrique et agricole demande des études très précises. Le choix de la culture est bien sûr essentiel : l’agrivoltaïsme aura le plus de bénéfices sur des cultures sensibles à la chaleur, mais pas trop exigeantes en rayonnement solaire. La situation géographique de la ferme est essentielle aussi : en agrivoltaïsme dynamique, les panneaux solaires doivent être effacés (c’est-à-dire orientés de façon à ne pas ombrer la culture) pendant une bonne partie de la journée. Pour rester rentable du point de vue énergétique, l’agrivoltaïsme ne peut donc être pratiqué que dans des régions très ensoleillées. C’est pourquoi en France les sites actuels sont majoritairement situés dans la région méditerranéenne. A plus petite échelle, il est également préférable que les parcelles soient relativement plates et proches du réseau existant, pour minimiser les investissements lors de l’installation.

Grâce à ces panneaux solaires, les cultures ne sont pas plongées dans l'obscurité. De manière générale, la lumière est plus diffuse. Pouvons-nous arriver à simuler un environnement qui se rapprocherait de celui d’une forêt naturelle ? Verrions-nous de réels gains de production dans l’agriculture ?

L’objectif n’est pas d’aller jusqu’à un niveau d’ombrage comparable à celui existant sous une véritable forêt. Ce serait d’ailleurs contre-productif, car les espèces cultivées ont presque toutes des exigences trop élevées en lumière, pour supporter un tel niveau d’ombrage. Il s’agit plutôt de s’inspirer de l’agroforestorie, c’est-à-dire d’un mode de production associant des cultures herbacées et des arbres, pour mieux exploiter l’ensemble de l’écosystème. Les chercheurs travaillant sur ce sujet se sont rendu compte que les arbres, entre autres avantages, créent un micro-climat plus favorable à la culture qu’ils dominent, grâce à l’ombrage modéré qu’ils procurent. Il était donc logique d’imaginer de recréer ce phénomène avec des panneaux solaires. D’ailleurs, Christian Dupraz, le premier chercheur qui a initié le sujet de l’agrivoltaïsme dynamique à l’INRAE, vient de l’agroforestorie.

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On constate effectivement des bénéfices clairs pour les cultures, qui ne sont pas forcément un gain de rendement, en tout cas pas tous les ans : dans le cas de la vigne, la culture majoritaire sur les sites agrivoltaïques actuels, on peut viser aussi un effet favorable sur la qualité du vin obtenu. La réduction des besoins en irrigation est aussi un avantage potentiel supplémentaire, l’ombrage limitant les pertes d’eau par évaporation.
Ces bénéfices pour la culture fluctuent d’une année à l’autre, et leur bonne maitrise sera un critère déterminant pour la réussite de cette filière, afin de ne pas renouveler l’expérience malheureuse des premières serres photovoltaïques. C’est pour cette raison que la CRE (Commission de Régulation de l’Energie), qui délivre les autorisations pour les site-pilotes installés en France, est très exigeante sur la qualité de leur suivi scientifique.

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