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Le flux d'informations qui compose le flux Facebook est composé à partir des données personnelles de l'utilisateur.
Le flux d'informations qui compose le flux Facebook est composé à partir des données personnelles de l'utilisateur.
©Lionel BONAVENTURE / AFP

Minute Tech

Facebook a annoncé ce grand changement avec une offre payante garantissant un plus grand respect de la vie privée et des données personnelles des utilisateurs.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : Doit-on croire les promesses de Facebook de respecter nos vies privées dans sa version payante ?

Fabrice Epelboin : Non, il n’est pas possible de croire Facebook. De façon continue et régulière, Facebook a menti sur ces problématiques de vie privée. Il n'y a vraiment aucune raison de les croire aujourd'hui sachant qu'ils ont déjà menti. Une dizaine de grands mensonges ont ponctué l'histoire de Facebook depuis les origines du réseau social.

A travers cette offre payante, Facebook a décidé de se conformer au dernier règlement européen et essaye de masquer ses pratiques. Au moment du RGPD, le réseau social aurait dû demander aux utilisateurs un consentement explicite. Mais en pratique, ils ont joué sur une clause de leur contrat, de leurs conditions générales d'utilisation. Tout le monde a signé ces conditions lors de l’ouverture d’un compte.

Aujourd'hui, la réglementation européenne leur impose de proposer une option où les utilisateurs ne sont pas listés. Le réseau social va faire payer aux utilisateurs ce que leur rapporterait la publicité s’ils continuent à les pister. Le coût de cet abonnement pour Facebook et Instagram sera de 12,99 euros par mois. Cela correspondra à une somme un peu plus importante que ce que rapporte un utilisateur en matière de revenus publicitaires pour le groupe Meta.

Mais il y a une autre raison qui doit nous pousser à ne pas croire Facebook. Le flux d'informations qui compose votre flux Facebook, il est composé à partir de vos données personnelles. Donc dans l'absolu, Facebook ne peut pas fonctionner sans données personnelles. Il va vous transmettre des informations liées à vos amis, des informations qui se partagent dans les groupes dans lesquels vous êtes inscrits, des éléments qui sont publiés sur les pages Facebook que vous suivez. Tout cela constitue des informations personnelles. Facebook les utilise de toute façon dans le cadre du service du réseau social. La notion de respect des informations personnelles est quelque chose de très flou avec Facebook.

Y aura-t-il donc une utilisation un peu floue des données personnelles même pour ces comptes payants sur Facebook et Instagram ?

Pour ces comptes payants, le réseau social sera obligé d'utiliser vos données personnelles pour composer le flux d'informations individualisées. Cela veut dire que Facebook se base sur vos données personnelles. En revanche, vous ne verrez plus de publicités sur votre compte. Cela est un avantage et une avancée mais Meta récoltera quand même des données personnelles. Les réseaux sociaux récoltent une quantité astronomique de données personnelles, bien au-delà de ce qui serait raisonnable. Théoriquement, avec le RGPD, cela ne devrait plus être le cas. Mais cela suppose de faire confiance à Facebook. Et puis, depuis les révélations d'Edward Snowden en 2013, il est avéré qu'il y a eu des connexions entre la NSA et Facebook. Ces connexions ne vont certainement pas s'arrêter. Il ne faut donc pas croire Facebook. Il faut remettre ce choix et cette offre payante en perspective par rapport à ce contexte. Il s’agit juste d’une option qui va vous permettre de ne pas avoir de publicités.  Mais vos données personnelles, ils vont quand même les récupérer.

Quels sont les garde-fous pour les utilisateurs des réseaux sociaux afin de s'assurer du contrôle et de la régulation de l'utilisation des données personnelles ? Est-ce que le pouvoir politique ou l'Union européenne peuvent agir encore plus sérieusement dans ce domaine, même après la mise en place de cette offre payante ?

L'utilisateur sera désemparé. Il ne sait pas du tout ce qu’il se passe concernant l’utilisation des données personnelles. Le code de Facebook n'est pas public. Personne ne sait vraiment ce qu’il se passe avec les données et comment elles sont manipulées. Le législateur européen, par contre, lui pourra exiger des rapports de transparence qui permettront d'avoir des données afin de comprendre l'évolution et les efforts qui auront été faits par les réseaux sociaux.

L'Europe impose une forme de transparence qui est la bienvenue pour Facebook, pour tous les GAFAM, pour tous les réseaux sociaux, aussi bien sur leur force de modération, que sur le nombre de plaintes qu'elles ont reçues, combien elles ont traité… Beaucoup d’éléments tangibles sont communiqués. Les GAFAM vont être obligés de fournir des preuves à l'Europe et au fur et à mesure qu'elles seront agrégées, il y aura une meilleure compréhension des pratiques des responsables des réseaux sociaux. Il sera possible de commencer à mesurer des évolutions dans leurs pratiques. Il s’agit donc d’un vrai progrès.

En contrepartie, les comptes gratuits vont-ils être encore plus exploités ? Les données des personnes qui ne paieront pas l’abonnement seront-elles plus exposées ?

Si vous ne payez pas l’abonnement, vous allez être exploité au maximum des possibilités qu'a Facebook. Mais cela a toujours été ainsi. Si vous payez, vraisemblablement vous ne verrez plus les publicités. Mais vos données seront toujours exploitées pour vous fournir le service. Cela met en quelque sorte la poussière sous le tapis, la poussière étant la publicité. Cela va rendre le service plus agréable. Mais ce n'est pas pour autant que vos données personnelles sont sécurisées ou que vous êtes protégé. Le vrai progrès est que l'Union européenne va pouvoir demander des comptes aux réseaux sociaux et exercer une pression pour obtenir que la législation européenne s'applique.

Est-ce simplement un but commercial de la part de Facebook ou est-ce que cette volonté et cet effort de transparence peuvent-ils avoir un effet vertueux ? Est-ce qu'une partie des sommes récoltées pourrait améliorer la gestion des données personnelles ou est-ce un leurre ?

Les données récoltées viennent alimenter le haut de bilan d'une société cotée sur le Nasdaq. Elles serviront exclusivement à générer des profits pour les actionnaires. Meta n’est pas une œuvre caritative. Facebook aurait adoré se passer de cette étape-là. La législation européenne oblige vraiment Facebook à proposer cette version payante qui probablement ne rencontrera aucun succès, tout comme la version de Twitter a très peu de succès. S'ils avaient pu s'en passer, ils s'en seraient agréablement passés.

Dans le domaine de la tech et des réseaux sociaux, il y a une tendance à la multiplication des offres payantes pour rassurer les utilisateurs. Est-ce que finalement tout cela n'est pas une lubie des géants de la tech qui chercheraient à détourner un peu l'attention des utilisateurs concernant l’utilisation des données personnelles ?

Pour Twitter, c'est un cas particulier. Concernant Facebook, cela est lié à une contrainte législative qui les oblige à faire cette offre. Et vraiment, cela est très contraignant pour eux. S'ils pouvaient s'en passer, ils seraient ravis. Twitter (X) en revanche est en train de proposer des formules premium qui vont permettre de se passer de la publicité, mais aussi d'avoir accès à des fonctionnalités que les utilisateurs gratuits n'ont pas. Cela permet de mettre en ligne des vidéos en haute définition et de plusieurs heures. La formule payante permet d'être plus visible que les autres, d’avoir un meilleur système de gestion des bookmarks. Sur Twitter, la future version Premium Plus donnera accès à l'intelligence artificielle de Twitter. Cette intelligence artificielle aura accès à de l'information en temps réel. Cette intelligence artificielle va apporter un nouveau rapport à l'information. Cela pourrait à terme remplacer les médias. Il s’agit de l’ambition d’Elon Musk.

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