Deux vérités sur les agences de notation et la dette de la France<!-- --> | Atlantico.fr
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L'agence Moody's risque de dégrader encore une fois la note de la France.
L'agence Moody's risque de dégrader encore une fois la note de la France.
©Reuters

Le Nettoyeur

L’agence de notation Moody’s aurait informé hier matin le gouvernement de la dégradation de la note française, qui passerait de Aa1 à Aa2, selon le journal de "l’Opinion".

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Certains disent que l'agence Moody's risque de dégrader encore une fois la note de la France. On a posé la question à François Hollande lors de sa dernière conférence de presse et il a donné la bonne réponse : il ne faut pas s'en inquiéter, parce que les taux d'emprunts de la France sont au plus bas.

Beaucoup de mythes circulent à ce sujet, et il est bon de les dissiper. C'est ce à quoi je vais m'évertuer ici.

Mythe N°1 : les notes des agences de notation ont une importance sur la dette

Non, c'est faux. Comme je l'expliquais déjà la première fois que la France a perdu son AAA, les agences de notation n'ont aucune espèce d'importance. C'est un fait universellement constaté : de fait, il n'y a pas de corrélation entre les pertes de notes des taux souverains et les taux d'emprunts des Etats. C'était déjà le cas pour les Etats-Unis, ça a été le cas du Japon pendant plus d'une décennie, et ce fut le cas de la France.

Et encore heureux : les agences de notation n'ont, après tout, qu'accès aux mêmes données que tous les autres. Sur un marché comme le marché de dette souveraine, il y a des milliers d'acteurs. Tous ces acteurs ont aussi accès aux mêmes données sur la solvabilité (ou non) d'un emprunteur. Il n'y a aucune raison pour qu'un acteur ait plus d'influence qu'un autre. Les centaines d'acteurs financiers qui, tous les jours, achètent et vendent de la dette souveraine ont eux-mêmes leurs équipes d'analyse crédit tout aussi compétentes que celles des agences de notation. Les agences de notations ne font qu'exprimer une opinion parmi des millions d'autres. Moi, ici, j'exprime une opinion. C'est peut être intéressant pour vous. Mais il n'y a aucune raison que ça fasse bouger les marchés.

Pourquoi tant d'importance accordée aux agences de notation, alors ?

En partie, c'est du plus pur flan médiatique : le vrai business des agences de notation, c'est la notation de la dette des entreprises privées ; là, elles peuvent parfois avoir une utilité, parce qu'elles ont parfois accès à des données que n'ont pas le reste du marché et donc leurs notes transmettent de la vraie information. C'est aussi là qu'elles gagnent leur argent. Pour les agences de notation, noter la France ou l'Allemagne ou les Etats-Unis, c'est de la pure com : personne ne parlera de la note d'un fabricant de tracteurs du Midwest, mais dégrader la note des Etats-Unis, comme l'a fait Standard & Poor's, ça fait parler dans la presse (même si ça n'a aucun impact sur les marchés).

En partie, c'est parce que les agences de notation sont un oligopole. Les réglementations imposent un rôle aux agences de notation, puisque certains acteurs réglementés ne peuvent détenir certains actifs que dans une quantité déterminée en fonction de leur note. C'est ça qui crée l'importance des agences de notation, qui sinon ne serait qu'un analyste parmi d'autres. Ce rôle n'a pas de raison d'exister, mais il existe.

Mythe N°2 : la France a des taux faibles à cause de la BCE / C'est bien que la France ait des taux faibles

Il s'agit de deux mythes, mais pour les dissiper il faut les prendre ensemble, ce que je fais. On entend parfois que la seule raison pour laquelle la France a des taux d'emprunts faibles, c'est parce que la BCE fait tourner la planche à billets.

C'est faux. A part dans une situation de panique, comme on a pu voir sur la Grèce, où la BCE peut avoir un rôle stabilisateur, ce n'est pas la BCE qui décide les taux d'emprunt. Comment en être sûr ? C'est constaté : aux Etats-Unis, à chaque fois que la Banque centrale a annoncé des nouveaux emprunts, les taux souverains des Etats-Unis ont augmenté, ils n'ont pas baissé.

Quel est le mécanisme ? Voici la réponse : ce qui détermine la valeur des taux souverains (hors contexte d'inflation ou de panique), c'est la santé de l'économie. Le mécanisme est le suivant : si le marché pense que l'économie va bien aller, les investisseurs préfèrent mettre leur argent dans des actifs à risque, en attendant un rendement plus élevé. Pour pouvoir emprunter, les Etats doivent donc proposer un taux plus élevé pour attirer les investisseurs.

A contrario, si le marché pense que l'économie va mal, ils préfèrent se réfugier sur des actifs sûrs, à commencer par la dette souveraine ; les taux baissent donc.

C'est pour ça que les achats de dette par la Fed ont fait augmenter les taux américains : comme la Fed montrait sa volonté de stimuler l'économie, le marché a eu une vision plus optimiste de l'avenir et a donc demandé des taux plus importants.

Les taux si faibles de la France sont donc le signe d'une profonde maladie : tout le monde pense que la France va mal et va aller mal, et donc a peur d'investir dans autre chose que des emprunts d'Etat.

Ca montre aussi que la “planche à billets” de la BCE, loin de tourner en sur-régime, tourne en sous-régime. Il y a un seul moyen, très simple, de savoir si la quantité de monnaie dans l'économie est trop importante : y a-t-il de l'inflation ? C'est axiomatique : s'il n'y a pas d'inflation, c'est qu'il n'y a pas de sur-quantité de monnaie. Or, dans la zone euro, il n'y a pas d'inflation du tout - ni de croissance. Ça veut dire que la quantité de monnaie est insuffisante.

Bref : ça ne va pas bien. Vous le saviez déjà. Mais les raisons ne sont peut-être pas celles que vous croyiez. Maintenant vous savez.

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