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Le ministère de l'Economie et des Finances, à Paris
Le ministère de l'Economie et des Finances, à Paris
©RICCARDO MILANI / HANS LUCAS / AFP

Chroniques parlementaires

Le Parlement dispose de pouvoirs de contrôle, et peut obtenir beaucoup d’informations du gouvernement. S’il rechigne à les donner, députés et sénateurs ont le droit d’aller les chercher à la source, à Bercy.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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La semaine dernière, le rapporteur général du budget du Sénat, Jean-François Husson, s’est présenté au ministère des Finances, pour exiger la remise des documents produits par le ministère, sur les prévisions de croissance et l’évolution des recettes fiscales.

Il souhaitait ainsi savoir à partir de quand le gouvernement ne pouvait pas ignorer que la croissance (et donc les recettes fiscales) était en baisse. L’annonce, dès le mois de février, d’une coupe de 10 milliards dans les dépenses, alors que l’encre de la loi de Finances est à peine sèche, est assez inédite et surprenante.

Pour ce sénateur LR, donc d’opposition, il est évident que le gouvernement savait, depuis l’automne, que ses prévisions de croissance (dont dépend l’équilibre du budget) étaient bien trop optimistes. Mais il se serait bien gardé d’en parler, et de réviser son budget, laissant députés et sénateurs discuter et voter un budget qui n’était déjà plus à jour.

Il a donc utilisé ses pouvoirs de contrôle “sur place et sur pièce” pour aller chercher, directement à la source, les documents dont il a besoin pour comprendre, et éventuellement dénoncer ce défaut de communication d’informations clés aux parlementaires. Sur cette base, la commission des Finances vient de lancer une mission d’information, qui donnera lieu à un rapport public.

Même s’ils en font un usage modéré, les députés et sénateurs des commissions des finances ont le droit d’exiger toutes les informations disponibles sur la préparation et l’exécution du budget, sans qu’il soit possible aux fonctionnaires de Bercy de refuser.. Le secret fiscal ne peut pas leur être opposé, et lorsqu’il était président de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac a pu consulter les dossiers fiscaux de certaines entreprises, pour vérifier qu’on ne lui avait pas menti. 

Ce pouvoir est essentiellement utilisé par les présidents de commission et les rapporteurs généraux, qui ont une compétence générale, mais les rapporteurs spéciaux, chargés de suivre un budget précis, peuvent aussi le faire, pour le ministère concerné. Généralement, l’opération se fait en présence des journalistes, avec une forme de surprise, le ministère étant parfois prévenu moins d’une heure avant l’arrivée des parlementaires.

Cette prérogative est généralement utilisée pour des occasions très politiques, afin d’obtenir des documents sensibles, que le gouvernement ne va pas spontanément rendre publics. En 2013, Gilles Carrez, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, et Philippe Marini, rapporteur général au Sénat (tous les deux dans l’opposition) sont allés chercher l’ensemble des documents concernant le traitement par Bercy du dossier fiscal de Jérôme Cahuzac, qui venait juste de reconnaître avoir eu un compte non déclaré en Suisse. 

Plus récemment, Jérôme Guedj, co-président de la mission de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, s'est présenté, en pleine réforme des retraites, à la direction de la sécurité sociale, pour demander les notes techniques fournies au ministre par ses services, ainsi que l’avis du Conseil d’Etat, que le gouvernement s’était bien gardé de publier. Cela lui a permis de mettre sérieusement en difficulté Olivier Dussopt, lors des débats dans l’hémicycle..

Parfois, et c’est plus rare, c’est un parlementaire de la majorité qui fait une descente. En juin 2014, Valérie Rabault, fraîchement nommée rapporteure générale du Budget de l’Assemblée, s’est présentée, un matin à 9h30. Elle avait tout une liste de documents et d’informations qu’elle avait demandé par écrit, et qui ne lui avaient pas été envoyés. Elle est donc venue les chercher elle-même, en prévenant le ministre du Budget, pourtant lui aussi PS, seulement vingt minutes avant. Une manière assez efficace de marquer son territoire, et de se faire respecter par les fonctionnaires de Bercy !

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