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Comment indemniser les chômeurs tout en cessant de les payer à ne rien faire
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Le Nettoyeur

Plutôt que de victimiser les demandeurs d'emploi et les payer à ne rien faire, mieux vaudrait réduire la durée d'indemnisation et la contraindre à des recherches d'emploi car les aides inconditionnelles demeurent un frein à l'emploi.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Faut-il victimiser les chômeurs, ou les payer à ne rien faire ? A en croire parfois nos débats politiques, ce sont les seules options qu'on peut avoir lorsque l'on parle des politiques publiques en direction du chômage. Quelques réflexions pour nuancer ce débat.

Premièrement : oui, payer tout le monde à ne rien faire, ça n'aide pas. En sciences sociales, le type d'étude le plus probant est l'étude à groupe témoin. Comme le test des médicaments en biologie, ce type d'étude regroupe les sujets en deux groupes, avec un groupe témoin. Cette division permet avec plus de sûreté d'établir une relation de cause à effet dans ce qui est étudié. Ce qui est encore mieux, c'est si on a plusieurs études à groupe témoin en succession qui reproduisent les mêmes résultats. 

Si j'évoque ceci, c'est parce que les aides aux chômeurs sont un des rares domaines où l'on a des résultats un peu probants, grâce à une longue série d'études faites aux Etats-Unis dans les années 1980 et 1990, dans de nombreux milieux, et le résultat est le suivant : le seul moyen avéré qui fasse que de nombreuses personnes au chômage se mettent à travailler plus est de lier les aides sociales à des contraintes de durée et de recherche d'emploi. Les aides inconditionnelles sont effectivement un frein à l'emploi.

Mais une fois qu'on n'a dit ça, on n'a pas tout dit.

Deuxièmement : une chose que l'on entend parfois (c'était une des promesses du candidat Sarkozy, et David Cameron l'a récemment dit au Royaume-Uni) est que l'alternative au travail doit être la formation. Autrement dit, si quelqu'un est au chômage, cette personne doit recevoir une formation. 

Le raisonnement est le suivant : si quelqu'un est au chômage, c'est parce qu'il n'a pas assez de compétences pour trouver un emploi qualifié ; si on le forme, il augmentera ses compétences ; s'il augmente ses compétences, il trouvera un emploi qualifié. 

Le problème est que chacune des étapes de ce raisonnement est hautement discutable. Commençons par l'idée que la formation donne des compétences. Franchement, si c'était le cas, ça se saurait. La plupart des gens qui ont reçu une formation professionnelle témoigne que, en général, ils n'apprennent pas grand chose. Ensuite, il est fort possible que la raison pour laquelle une formation permet l'accès à un meilleur emploi est ce que les économistes appellent l'effet de signal : l'intérêt de la formation pour l'employeur n'est pas ce que vous avez appris, mais le fait que le fait d'avoir entrepris cette formation signifie que vous êtes quelqu'un d'intelligent et travailleur. D'où le culte français du concours, et le système des grandes écoles, où chacun sait que les élèves travaillent d'arrache-pied avant le concours, et ne travaillent presque plus une fois qu'ils sont dans leur école, qui est pourtant la formation censée les rendre compétents. 

Le problème est donc évident : si la formation permet d'avoir un emploi à cause de son effet de signal—elle montre que vous êtes plus intelligent et travailleur que le voisin—si tout le monde a reçu une formation, personne ne bénéficie de cet effet. Ca ne sert à rien. 

Troisièmement, il est fort possible que le chômage de masse résulte plus d'effets macroéconomiques que d'effets micréoconomiques comme le niveau des aides au chômage. Depuis 2008, la zone euro est dans une crise monétaire. Cette crise monétaire se traduit par une faiblesse de ce que les économistes appellent la demande générale : les gens veulent acheter moins de biens et de services. Cette baisse de la demande crée un cercle vicieux et une prophétie auto-réalisatrice : si les gens veulent acheter moins, les entreprises produisent moins ; si les entreprises produisent moins, elles emploient moins ; si elles emploient moins, les consommateurs ont, en moyenne, moins d'argent ; si les consommateurs ont moins d'argent, ils veulent acheter moins. 

Si c'est ça le problème, changer le fonctionnement de Pôle emploi risque de ne rien changer. 

Alors, que faire ? Pour résumer : indemniser le chômage, mais associer à cette indemnisation des contraintes de recherche d'emploi ; mais surtout s'attaquer plus aux raisons macroéconomiques du chômage qu'aux raisons microéconomiques.

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