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Air France est mortelle (mais on s’en bat les ailes)
©Reuters

Paradis perdu

Si les salariés d’Air France finissent par crasher leur poule aux œufs d’or sur le tarmac, les avions continueront de décoller de Roissy. Il y en aura même davantage et voyager coûtera moins cher.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Dans le transport aérien comme dans à peu près tout le reste, dit-on, c’était mieux avant.

L’avion, réservé à une élite d’hédonistes fortunés ou à des types en costard-cravate qui voyageaient pour le business, coûtait un bras. Des compagnies nationales à capitaux publics avaient le monopole de leur marché intérieur et se répartissaient les liaisons longs courriers comme les cartels de la drogue se partagent les territoires de consommation. Le métier d’hôtesse de l’air était glamour et faisait autant rêver les petites filles qu’une carrière à Hollywood. Les commandants de bord n’avaient qu’à agiter leur casquette pour emballer au bar du Hilton où ils se requinquaient trois jours d’un vol de huit heures. Les employés au sol étaient mieux rémunérés que leurs homologues des autres secteurs, faisaient moins d’heures et avaient davantage de congés, ce qui leur permettait de profiter à plein des billets hyper-discountés généreusement mis à leur disposition...

Et si, d’aventure, une gestion hasardeuse mettait la boîte en péril, l’État débarquait avec son gros chéquier et en renflouait les caisses, l’existence d’une compagnie portant (très haut pour le coup) les couleurs de la nation aux quatre coins de la planète étant le symbole de sa virilité conquérante.

C’était le paradis.

Puis sont arrivés les barbares du low-cost. Prolos en tongs et étudiants désargentés ont enfin pu découvrir Bali, Bangkok et Barcelone pour des clopinettes. Des Airbus aux logos rock’n’roll sont venus narguer les Boeing à pavillons patriotiques sur le tarmac. Les hôtesses sont devenues des serveuses en uniforme. Les commandants de bord ont dû accepter de passer plus de temps dans leur cockpit qu’à la pistoche avec l’augmentation des rotations. Les employés au sol ont vu leurs salaires et leurs horaires se rapprocher de ceux du commun des mortels...

Et surtout, en cas de coup dur, des argentiers publics ayant subitement appris à compter se sont mis à détourner pudiquement le regard, laissant se crasher les Sabena, les Swissair, les TWA et les PanAm ou revendant leurs parts des Iberia, des KLM et des Alitalia au premier consortium sino-émirati venu.

C’était devenu l’enfer.

Mais si demain, un Air France transformé en canard sans tête, accumulant les pertes, sa réputation en carafe, finissait par rejoindre le cercle Wikipedia des airlines disparues, serait-ce vraiment si grave ?

Ses avions sont déjà cloués au sol la plupart du temps de toute manière. Il naît une nouvelle compagnie par semaine. Il s’ouvre des dizaines de nouvelles liaisons chaque année au départ de la plupart des aéroports secondaires français. La concurrence continue de pousser les tarifs vers le bas. La demande n’a jamais été aussi élevée. La technologie aidant, et en dépit des prophètes de malheur, voler n’a jamais été aussi sûr.

Mieux, le tropisme protectionniste des autorités aériennes françaises n’aurait plus de raison d’être et les voyageurs, en tongs ou en costume-cravate, seraient probablement les grands gagnants de l’histoire (enfin, les pilotes d’Air France aussi, qui iront se recaser chez les voisins, qui recrutent à tout va. Ce sera plus dur pour leurs 45 000 collègues, mais il n’est pas certain qu’ils s’en soucient).

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