Tribune de Nicolas Sarkozy : la gauche perd ses nerfs<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy est sous le feu des critiques.
Nicolas Sarkozy est sous le feu des critiques.
©Reuters

Tension extrême

A trois jours des municipales, Nicolas Sarkozy s'est adressé aux Français pour s'expliquer sur ses récentes affaires, engendrant ainsi l'indignation de la gauche et de multiples remous sur le monde politique. La stratégie adoptée par l'ex-président de la République, en rupture avec sa posture depuis 2012, pose quelques interrogations.

Nicolas Sarkozy a parlé et cela entraîne des remous insoupçonnés. Dans une tribune au Figaro parue vendredi, l'ancien chef de l'Etat dénonce une "violence inédite" et une "absence de scrupules sans précédent" de la part de l'exécutif concernant l'affaire des écoutes téléphoniques. Prenant les Français à témoin, il récuse les accusations le visant depuis mai 2012 et épingle "la calomnie érigée en méthode de gouvernement" et l'instrumentalisation de la justice "par des fuites opportunément manipulées".

Point de sa lettre le plus commenté, sa comparaison à la Stasi. "Aujourd'hui encore, toute personne qui me téléphone doit savoir qu'elle sera écoutée. Vous lisez bien. Ce n'est pas un extrait du merveilleux film La Vie des autres sur l'Allemagne de l'Est et les activités de la Stasi. Il ne s'agit pas des agissements de tel dictateur dans le monde à l'endroit de ses opposants. Il s'agit de la France" écrit l'ex-chef d'Etat. L'ancien président ironise sur les dénégations des ministres de la Justice et de l'Intérieur, Christiane Taubira et Manuel Valls, qui affirment ne pas avoir été informés -ou tardivement- de sa mise sous écoute. "On pourrait en rire s'il ne s'agissait pas de principes républicains fondamentaux" explique-t-il. 

Une lettre qui pose en tout cas question tant sur le fond que sur la forme. Nicolas Sarkozy a-t-il eu tort de "sortir du bois" alors qu'il avait pris un certain recul sur la vie politique quotidienne du pays ? Est-ce une erreur de communication ? Christian Delporte, spécialiste d'histoire politique a répondu à cette question. "Je ne pense pas. Tout dépend à qui il s'adresse, il dit qu'il s'adresse aux Français. Personnellement, je pense qu'il ne s'adresse pas aux Français. Il a mis sa tribune sur Facebook, il s'adresse d'abord à ses partisans qui sont persuadés d'un acharnement  et d'une forme de complot. Pour savoir si c'est une erreur ou pas, nous ne pouvons pas le savoir sur le coup, c'est toujours après que nous pouvons constater l'erreur ou pas. Nous verrons dans les semaines ou les mois qui viennent si c'était une erreur de communication mais pour l'instant nous sommes sur le coup, sur l'émotion de cette tribune".

Autre interrogation, Nicolas Sarkozy a-t-il eu tort de rompre la distance qu'il avait pris depuis 2012 et sa défaite à l'élection présidentielle ? "Cela n'était certainement pas son plan. Il ne pensait pas devoir un moment ou un autre intervenir sous cette forme mais paradoxalement, à condition qu'il n'y ait pas de mise en examen, qu'il n'y ait pas à fortiori de condamnation, cela peut servir. (...) Ce qui ressort, c'est une dimension humaine et personnelle, plus concrètement il mise ou il joue sur l'homme blessé. Il est tout de même sur un registre très affectif et  cela fait partie intégrante de la stratégie de Nicolas Sarkozy dans son rapport avec ce partisan. Il est dans l'affecte, c'est-à-dire dans la victimisation" nous a expliqué Christian Delporte.

Ensuite, il est légitime de se poser la question du timing choisi par Nicolas Sarkozy. L'ex-président n'a-t-il en effet pas mal choisi son moment à trois jours des municipales ? "Ce qui est effectivement étonnant, c'est le moment qu'il choisit. Il aurait pu attendre le lendemain des municipales mais d'une certaine manière en attendant pas la fin des municipales, il veut montrer qu'il se situe en dehors des débats politiques chauds. Il a constaté quand même que ses affaires affectaient son image à lui mais plus largement  l'image de la droite. Cela peut avoir des conséquences sur l'attitude de l'électorat" décrypte Christian Delporte.

En tout cas, les propos qui ont provoqué nombre de réactions indignées à gauche. François Hollande a indiqué jeudi soir que "laisser penser que notre pays, notre République puissent ne pas être fondés sur les libertés, c'est introduire un doute qui n'a pas sa place". Pour lui, c'est "insupportable". Jean-Marc Ayrault a pour sa part parlé de "grave faute morale". Mais le président et le Premier ministre n'ont pas été les seuls à prendre la parole et s'ériger en défenseur des institutions.

Jeudi soir, Christiane Taubira mise en cause par Nicolas Sarkozy, a répondu sèchement aux attaques de l'ancien président. "Dans un Etat de droit, la mise en œuvre de la loi prévoyant les interceptions judiciaires par des juges indépendants ne peut pas être comparée aux pratiques à l’œuvre dans des régimes autoritaires ou totalitaires", lance Christiane Taubira, qui dit ne pas accepter cette injure à l'égard des citoyens français, des juges et donc des institutions de la République.

Ce vendredi sur Europe 1, Manuel Valls a fustigé la lettre écrite par l'ancien chef d'Etat. "On attend d'un ancien chef de l’État des paroles d'unité. Or, là, ce sont des paroles de division, de confusion, des mots violents et outranciers, qui traduisent une absence de sérénité et de mesure. On ne peut pas mettre en cause les magistrats, ni les décisions du Conseil constitutionnel" a dit le ministre de l'Intérieur avant d'ajouter : "il faut chérir la République, la protéger. Et j'ai l'impression qu'en écrivant cela, il veut tout détruire. (...) On a l'impression que Nicolas Sarkozy, pris par une forme de rage, veut se protéger. De quoi ? Je ne sais pas. Il ne faut pas mettre en cause le travail de la police et de la justice. L'attaque de Nicolas Sarkozy contre la magistrature est anormale. On doit respecter cela". Michel Sapin sur iTélé, a lui aussi critiqué Nicolas Sarkozy parlant d'un "coup d'Etat verbal".

Jean-Christophe Cambadélis sur son blog y est aussi allé de son commentaire. "Cette lettre est une atteinte contre l’État de droit, les révélations d’une enquête dont vous suggérez que le pouvoir s’est rendu complice. Ce faisant n’apportant aucune preuve à vos allégations, vous appliquez les méthodes que vous prétendez contester" a écrit le député PS. Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale évoque quant à lui au micro de BFMTV/RMC, "un brûlot insupportable". Pour lui, Nicolas Sarkozy est "irresponsable".

Enfin, Jean-Luc Mélenchon sur RTL  a expliqué que cette lettre était une "lettre de guerre, de bataille politique. Je ne le crois pas crédible lorsqu'il compare la France avec la Stasi. Si quelqu'un est responsable, c'est lui. Il n'a rien à dire. Le fait qu'il soit écouté, ça le fait hurler alors que la NSA a écouté les Français durant des années". 

Des réactions très vives qui masquent de plus en plus mal une réalité cruelle : celle du vide politique dont les Français sont désormais les otages. Ces dernières semaines ont été le théâtre d'une guerre politico-judiciaire au mieux stérile pour la démocratie, au pire dévastatrice. La classe politique, plus que jamais renfermée sur elle même, a démontré, dans un bal incessant de réactions médiatiques souvent stériles à des affaires à la portée pour le moins limitée à quelques jours de la première échéance électorale majeure depuis 2012, son incapacité à offrir une vision pour la France et à porter des projets capables de sortir le pays d'une crise dans laquelle il patauge. A l'heure où les autres pays européens se redressent, la France stagne, le chômage ne baisse pas, les indicateurs économiques naviguent toujours en eaux troubles. Les Français s'impatientent. Lassés d'écouter les longues litanies sur les affaires, ils en ont assez que les hommes politiques ne prennent pas à bras le corps les véritables problèmes de la société, les sujets de fond. Une exaspération dont on ignore par quel biais elle finira par se manifester : dès dimanche à l'occasion des municipales, aux Européennes de mai ou sous une autre forme. Une question à laquelle les élites politiques de droite comme de gauche n'ont visiblement pas pour priorité de trouver une réponse.

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