Mort de Ben Laden : Pakistan, État pourri ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Mort de Ben Laden : 
Pakistan, État pourri ?
©

Echec

Les États-Unis ont besoin de ce pays pourtant affaibli, divisé et instable...

Si l'élimination de Ben Laden est une défaite pour Al Qaïda, c'est un désastre pour le Pakistan, estime l'américain Walter Russell Mead, spécialiste des Affaires étrangères américaines, collaborateur du Council on Foreign Relations, et auteur de plusieurs livres. Tout cela sous l'œil de très nombreux journalistes venus du monde entier qui ont fondu sur la ville d'Abbottabad, où plusieurs centaines de soldats et policiers surveillent le quartier où est mort Ben Laden et empêchent les habitants de s'adresser aux médias comme le signale l'AFP. 

Le Pakistan est invité par Obama à faire toute la lumière sur les complicités dont auraient bénéficié Ben Laden, mais le fait que les services secrets pakistanais aient fait fuiter dans les médias le nom du chef de station de la CIA dans ce pays, comme l'a signalé le Wall Street Journal, ne semble pas un signe de bonne volonté.

C'est ARY, une chaîne privée pakistanaise qui a diffusé l'information reprise ensuite par d'autres médias. Un ancien des services secrets américains estime que c'est la seule manière que les services pakistanais ont de se venger des accusations portées contre eux, et une forme de riposte contre l'intervention US dans leur pays.

Et ce n'est pas une première. En décembre dernier, le précédent responsable de la CIA au Pakistan avait son identité révélée lorsqu'il avait été mis en cause dans un procès. Il avait du quitter le pays. Les Pakistanais semblent avoir ainsi répondu à une procédure lancée aux Etats-Unis à propos des attentats terroristes de Bombay (Inde) où le nom du patron des services secrets militaires, le général Ahmad Shuja Pasha était mentionné.

Les informations selon lesquelles les commandos américains étaient prêts à risquer un affrontement direct face à toute attitude hostile de la police pakistanaise ou de militaires lors de l'intervention contre Ben Laden, sont aussi un signe de la défiance américaine.

Il est donc clair que l'élimination de Ben Laden, découvert aux portes du Saint Cyr pakistanais, ne va pas améliorer les relations américano-pakistanaises.

Autre signe de mauvaise volonté, les Américains aimeraient bien pouvoir interroger les trois femmes de Ben Laden détenues par les services pakistanais, mais cela n'a pas été possible jusqu'à présent. 

Tous les ordinateurs et périphériques de stockage récupérés par les Américains lors de l'assaut du commando contre la résidence de Ben Laden permettront peut-être d'en savoir plus sur les soutiens et les contacts de Ben Laden au sein du pouvoir pakistanais. Ceci alors qu'Obama, dans sa première interview depuis l'opération anti-Ben Laden, sur CBS, dans l'émission 60 Minutes, dimanche soir 8 mai a invité, de manière pressante, le gouvernement pakistanais a ouvrir une enquête. Mais, aussi bien chez les Américains que chez les Pakistanais a-t-on vraiment intérêt à rendre publiques les éventuelles preuves de cette éventuelle collusion au plus haut niveau ? Sans doute pas. Bien au contraire. 

Les Américains ont intérêt à conserver de bonnes relations avec le Pakistan, quoiqu'il arrive. C'est l'analyse défendue par Dick Cheney, l'ancien vice-président américain, le second de George Bush, sur la chaîne Fox News, dimanche dernier : "Je pense que nous devons maintenir des relations avec le Pakistan, l'Afghanistan et autres"  considérant qu'il faut conserver des positions stratégiques dans cette région du monde.

L'analyse de Mead commence par un constat cruel : "L'assassinat à Abbottabad est une catastrophe stratégique pour le pouvoir militaire de ce pays qui s'effondre doucement et douloureusement. Elle ruine l'image d'un Pakistan partenaire efficace de Washington dans la lutte contre les groupes terroristes. A Washington et dans le reste du monde, on se demande si l'état pakistanais était lié à Ben laden, ou sil était simplement trop faible, trop divisé, trop incompétent au point que les différentes factions qui le composent échappent à tout contrôle." remarque Mead sur son blog.

Et il ajoute que la situation est complexe pour le Pakistan qui est un pays trop petit pour pouvoir rivaliser économiquement et militairement seul face à un géant comme l'Inde, son rival. Il a donc besoin de l'argent de l'étranger. Face aux tensions avec les USA, le Pakistan se tourne aussi vers la Chine, en matière d'aide et de commerce. Il n'est pas facile d'évaluer le montant de l'aide, mais le commerce entre les deux pays atteint environ 8,7 milliards de dollars. A comparer avec l'aide économico-militaire américaine offerte au Pakistan qui a atteint  4,5 milliards en 2010, tandis que les échanges économiques se montent à 1,6 milliard de dollars.

De plus, la Chine apporte une aide au Pakistan en matière de nucléaire : voir l'annonce de la construction d'une centrale à Chasma en décembre 2010. Ceci alors que le Pakistan a mauvaise réputation en matière de non-prolifération nucléaire. Mais on peut penser que vu le mauvais état global du pays, les Chinois se demandent s'ils faut beaucoup miser sur un aussi mauvais cheval, ajoute Mead. Si la Chine se rapproche trop du Pakistan, elle obère ses relations avec l'Inde, et pousse ce grand pays dans les bras des USA.

Pour rétablir des relations saines avec le Pakistan, les Etats-Unis doivent taper du poing sur la table, aux yeux de Mead. Surtout si les USA veulent pouvoir quitter l'Afghanistan. L'opération contre Ben Laden est un premier pas, mais elle ne suffit pas à ses yeux face à un état aussi faible, aussi divisé par les rivalités politiques et ethniques, sans oublier une guérilla active dans la province du Balouchistan (près de 1 500 islamistes pakistanais ont manifesté à Quetta pour protester contre la mort de Ben Laden) depuis la création du Pakistan, lors de sa séparation avec l'Inde en 1947. 

Obama n'est donc pas près de résoudre le problème majeur que cette région du monde pose aux Etats-Unis.

Lu sur le blog Via Meadia de Walter Russel Mead

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !