Yvon Gattaz : "La génération Y est, sur le plan entrepreneurial, la meilleure de toute"<!-- --> | Atlantico.fr
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Yvon Gattaz, auteur de "Entreprise, la double révolution" aux Éditions Eyrolles.
Yvon Gattaz, auteur de "Entreprise, la double révolution" aux Éditions Eyrolles.
©Reuters

L'interview Atlantico Business

Yvon Gattaz publie le 6 février "Création d'entreprise - La double révolution", aux éditions Eyrolles. L'ancien président du CNPF, l’ex-Medef, propose une analyse des forces et faiblesses de l'entreprise en France. A 87 ans, le créateur de Radiall et infatigable militant de l'entrepreneuriat est allé à la rencontre d'entrepreneurs de l'ancienne et de la nouvelle génération, comme Jean-Claude Decaux, Gérard Mulliez (Auchan), Xavier Niel, Grégory Marciano (Sushi Shop) ou Jean-Baptise Rudelle (Criteo).

Yvon Gattaz

Yvon Gattaz

Né en 1925, Yvon Gattaz lance en 1952 Radiall, à ses débuts PME familiale produisant des connecteurs coaxiaux pour téléviseurs, aujourd’hui groupe multinational de l’électronique. Ancien président de 1981 à 1986, du CNPF (devenu le MEDEF), Yvon GATTAZ milite dans le cadre de l’association Jeunesse et Entreprises, développée par lui à partir de 1986. Yvon Gattaz est membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques et publie le 6 février 2014 "Création d'Entreprise - La double révolution" aux Éditions Eyrolles.

 

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Atlantico Business : Pourquoi avoir écrit ce livre, quel message avez-vous voulu faire passer ?

Yvon Gattaz:Le message de ce livre, c'est qu'il faut considérer et aider les exportateurs et les innovateurs. Je milite pour la création d'entreprise depuis des décennies. J'ai moi-même créé Radiall avec mon frère Lucien en 1952, et j'ai rédigé quelques livres sur le sujet  dont "Les hommes en gris" en 1970. J’ai donc toujours encouragé les gens à créer des entreprises, même en partant de zéro, même si on était issu de l'enseignement supérieur. Car à l'époque la création d'entreprise était surtout réservée aux autodidactes pour qui c'était une voie de promotion sociale. Malgré tout, la France a créé peu d'entreprises. Nous avons été, pendant des années, en queue de peloton de la création d’entreprise en Europe avec 150.000 - 200.000 créations par an. Et puis, à force d'efforts, et notamment la création de l'APCE en 1996, on est passé en 2003 de 200.000, à 300.000 puis 400.000. Un nombre qui nous place désormais en tête du peloton européen. Cette bataille pour la création, c'est la première de la "double révolution" que j'explique dans le livre. Celle-ci nous l'avons gagné. 

Quelle est la deuxième révolution et comment la gagner ?

La deuxième révolution, qui pour l'instant est perdue, c'est que nous avons en France cette manie de créer des entreprises naines. Quand j'ai créé Radiall, je ne me suis pas posé de questions. Nous voulions devenir une "ETI", nous avions cette obsession de la croissance. Nous cultivons, en France, le culte de l'ourson. On adore le petit ourson larmoyant, plus il souffre et plus on l'aime, on le met sous la tante à oxygène gouvernementale et on lui donne des crédits. Nous aimons les canards boiteux, c'est actuellement cela la politique de la France. En Allemagne, on laisse mourir les valétudinaires et on aide ceux qui innovent et exportent. Pour gagner cette bataille, nous avons besoin d’entrepreneurs diplômés de l'enseignement supérieur. Le fait d'être plongé dans un milieu créatif, intellectuel, c'est stimulant. Nous n'aurions pas crée Radiall si nous n'avions pas été dans des grandes écoles d'ingénieurs. Nous n'avions pas très envie de créer une entreprises artisanale.

Vous expliquez dans votre livre, que les environnements liés à la création d'entreprise se sont améliorés. Ce n'est pourtant pas ce que disent les chefs d'entreprises…  

Globalement, les environnements se sont beaucoup améliorés. L'environnement administratif et juridique est nettement plus simple qu'auparavant. Le seul environnement qui n'a connu aucune amélioration en France, c'est l'aspect fiscal et social. Les chefs d'entreprise font face à des contraintes fiscales immenses. Avec mon association « Jeunesse et Entreprise », nous poussons régulièrement les jeunes à se lancer dans la création d'une entreprise, mais leur raisonnement est juste, ils voient bien que c'est très compliqué, on ne peut pas non plus leur demander d'être inconscient. Et ceux qui sont vraiment motivés vont le faire à l'extérieur. En revanche, l'environnement psychologique est plutôt favorable. J'insiste beaucoup dessus dans le livre. Les jeunes sont indépendants, certes, mais ils sont sensibles à ce que l'on dit. Si on répète que le métier d'entrepreneur n'est pas honorable, ils n'iront pas. Je crois à la vertu de l'exemplarité, même si les entrepreneurs ne sont pas des héros comme aux États-Unis, on a fait de gros progrès.

Justement, le "pacte de responsabilité" présenté par le Président, est-il de nature à améliorer ces conditions fiscales ?

Les paroles, c'est bien, mais dans les faits, ce n'est pas suffisant. Je crois surtout qu'il faudrait établir des régimes spéciaux pour les entreprises de croissance comme en Allemagne. Reconnaissons malgré tout que l'on s’est beaucoup amélioré ces dernières années. La France a beaucoup d'aides financières à la création d’entreprise et nous sommes un des pays où nous avons le plus de guichets pour les entrepreneurs. En revanche, l'autre tare nationale, ce sont les seuils sociaux qu'il faut absolument faire sauter. Mais les politiques s'y refusent à cause, m'ont-ils toujours expliqué, des syndicats qui pourraient descendre dans les rues.

Mulliez, Decaux, Le Duff, Grandjon, Niel… Vous avez interrogé des chefs d'entreprise de générations différentes. Sont-ils différents ?

Ce sont les mêmes ! Les hommes, les motivations, les qualités sont les mêmes. J'estime qu’ils ont tous deux types de qualité. Les qualités de réception, qui sont la compréhension, l'analyse... Or dans une entreprise, ce sont les cinquante autres qui comptent : les qualités d'émission. Tous ces entrepreneurs ont cela : le caractère, l'imagination, la créativité, le goût du risque, la ténacité dans le temps, l'organisation.

Dans ces jeunes entreprises, verra-t-on selon vous, des futurs leaders comme le sont devenus Auchan, JC-Decaux et d'autres ?

Évidemment. D'autant plus que le numérique offre des possibilités infinies. Cette nouvelle génération a énormément de flair pour trouver le "bon créneau", ils sentent, devinent mieux que les autres. Regardez la réussite de Critéo, c'est impressionnant. Qui aurait misé là-dessus au début ? Tous les jours on trouve des choses nouvelles. On me disait, il y a 10 ou 15 ans, que les jeunes entrepreneurs français ne seraient plus capables de créer des leaders, que c'était fini, que cette génération dite « Y » avait trop de problèmes. Mais la réalité, c'est que ce sont les « vieux » qui ont cherché des problèmes pour les jeunes. La génération Y est, sur le plan entrepreneuriale, la meilleure de toute. C'est celle qui s'est le mieux adaptée au numérique et qui va en tirer le plus de profit.

Lesquelles de ces rencontres vous ont le plus marqué ?

Ils m'ont tous impressionné mais si je devais en retenir un, c'est Mohed Altrad. Cet homme est né dans le désert syrien sous une tente, orphelin, il est arrivée en Europe par bateau, a appris le français et fait des études. Aujourd'hui, il a racheté plus de 50 entreprises et c'est le roi de l'équipement du BTP, c'est une légende ! Mais d'autres ont aussi des parcours intéressants, par exemple Jean-Claude Decaux, le leader mondiale de l'affichage urbain, il a créé sa première entreprise à 18 ans, il fallait le faire à l'époque. Idem pour Jacques-Antoine Grandjon et Vente-Privée. Il faisait rire tout le monde avec ses grands cheveux quand il expliquait qu'il voulait faire du déstockage sur internet. Il gère cela avec une intelligence remarquable. Regardez Francis Holder qui a hérité d'une petite boulangerie dans le Nord et qui aujourd'hui ouvre des "Paul" sans arrêt. On ne devient pas comme ça, boulanger international.

Comment imaginez-vous le paysage des entreprises françaises dans 10 ans ? 

Ce qu'il faut d’ici 10 ans, c’est que nous ne restions pas que des innovateurs : il faut devenir des développeurs. Combien de fois je vois des  jeunes qui déposent des brevets pour les vendre à des entreprises en Californie. Mais une fois encore, le développement n'est pas non plus une chose facile et surtout, il est lié à la capacité de financement des entreprises. De manière globale je suis très optimiste. Je crois que les Français ont beaucoup de chance. Nous avons des jeunes de haute qualité, des créneaux porteurs et le digitale offre une source infinie de marchés.

Propos recueillis par Julien Gagliardi

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