Yves Saint-Laurent, génie de la mode... et des affaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Le succès d’Yves Saint-Laurent perdure.
Le succès d’Yves Saint-Laurent perdure.
©Reuters

L'édito de Jean-Marc Sylvestre

Plus de six ans après sa mort, le génie d’Yves Saint-Laurent continue d’être célébré sur tous les continents. Les belles robes tournent dans les musées du monde et un premier film est sorti cette semaine, succès en salle. Ce qui est intéressant, c’est le pourquoi de ce succès international. Pourquoi un petit gars timide né à Oran et qui décide de monter à Paris, peu avant l’indépendance de l’Algérie, va devenir le couturier français le plus célèbre du monde. Pourquoi et comment cette marque va devenir une des plus riches et permettre de fonder une des entreprises les plus prospères dans l’industrie du luxe.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A y regarder de plus près, et le film le montre bien, le succès d’Yves Saint-Laurent est construit sur trois phénomènes :

Le premier, c'est qu'Yves Saint-Laurent est un génie, non seulement du dessin mais aussi de la mode. Il a ce génie de créer des choses totalement nouvelles, parfois provocantes et décalées : la robe Mondrian, le smoking pour femme, les cabans, les sahariennes. A chaque fois, il a le génie de créer des vêtements qui rencontrent le public. C’est de l’économie d’offre à l’état pur. Une recherche fondamentale pour un produit qui ne correspond pas à une demande évidente et un développement qui créer le besoin. Au début YSL n’avait pas un sou et aucun marketing. Il créait comme un peintre peut le faire. 

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Ensuite, Yves Saint-Laurent a eu la chance de rencontrer un génie des affaires. Pierre Bergé n’était rien. Il était originaire de province et lui aussi avait envie de réussir. Le couple qu’ils vont former transgresse les règles les plus élémentaires de la morale de l’époque par sa façon de vivre, mais la solidité de ce couple va permettre l’explosion économique de la création d'Yves Saint-Laurent. Pierre Bergé va organiser, manager et protéger l’indépendance d'YSL à partir du premier jour où le couturier décide de quitter Dior, à l’époque Boussac, pour fonder sa propre maison. C’est  lui qui va transformer le dessin d’une robe en or. Il va d'abord diffuser les modèles en confection pour le plus grand nombre puis faire des produits dérivés à commencer par les parfums. Les autres grands acteurs de l’industrie du luxe français n'ont pas fait autre chose.

Enfin, Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé ont vécu dans une dynamique conjoncturelle, une croissance qui a décuplé leur énergie. Ils ont transgressé les codes sociaux d’une société très coincée par la morale judéo-chrétienne mais ils ont eu la chance de vivre dans une société très permissive en matière économique. Toutes les aventures étaient accueillies et encouragées. A cette époque, le principe de précaution n’existait pas.

La clés de leur succès, c’est le talent de l’un et le travail de l’autre. Ils n’avaient ni l’un, ni l’autre de l’argent. L’argent est venu après.  Il y a là, la description clinique du mécanisme de la création de richesse. Du talent, encore du talent et du travail toujours du travail. Le capital ça n’est rien d’autre que le produit du travail accumulé. Aujourd'hui, la maison Yves Saint-Laurent a rejoint le groupe de François Pinault et reste une des marques les plus fortes.

L’ADN, qui est au cœur de cette réussite, un artiste créateur et  un gestionnaire à la poigne de fer n’est pas différente de l’ADN de beaucoup de grandes réussites. Dans l’industrie du luxe, il y a beaucoup de marketing mais il y a toujours à l’origine, au départ, un coup de crayon. Dans les nouvelles technologies aussi. Au départ personne n’avait véritablement besoin ou envie d’un téléphone portable, ni même l’idée que ça pourrait exister. La question que l'on peut se poser, c'est pourquoi un pays ou une économie moderne réussit à créer les conditions pour innover et, à un autre moment de son histoire, se révèle incapable de le faire et se plante lamentablement. La France est incapable aujourd’hui de faire émerger des petits Saint-Laurent et pourtant ils existent.

Le film montre bien le mécanisme à l’origine de la réussite. La douleur et l’effort aussi qu'il faut payer. Si Pierre Bergé doit quand même se dire que la société française est bien malade et que le déficit de dynamisme et d’énergie devrait pouvoir se guérir. A un moment du film, Pierre Bergé dit "il faut le laisser dessiner, créer, inventer. Moi je m’occuperais du reste. On ne serait strictement rien si Yves Saint-Laurent n’était pas un créateur."

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