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Yves Morieux - BCG : "Simplifier l'organisation de l'entreprise peut augmenter la productivité de 10 à 40 %"
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L'interview Atlantico Business

Depuis 1955, les exigences du monde des affaires ont été multipliées par 6 selon le Boston Consulting Group. La réponse des entreprises a été une complexification grandissante des structures. Pour pallier aux carences de cette fuite en avant, Yves Morieux, coauteur de « Smart Simplicity » (Les Belles Lettres), propose de simplement renforcer la coopération et l’autonomie des équipes pour rendre son business plus efficace et productif.

Atlantico Business : Quels sont ces exigences qui ont rendu le business plus complexe ?

Yves Morieux : Ce sont l’ensemble des exigences de performance que les entreprises se doivent de satisfaire pour créer de la valeur et maintenir leur compétitivité. D’une part les coûts, la qualité, la vitesse. D’autre part la fiabilité, l’innovation, l’efficience, la conformité aux normes. Depuis 1955, ces exigences ont été multiplié par 6 en moyenne… C’est énorme ! Si une entreprise devait satisfaire entre une et trois exigences de perfomances en 1955, elle doit aujourd’hui en satisfaire entre 6 et 18. Les entreprises doivent répondre à de plus en plus d’exigences contradictoires sans qu’on puisse en satisfaire une au détriment des autres. Pour résumer, la première cause est due à l’évolution des barrières douanières et des nouvelles technologies, qui rapprochent les fournisseurs et donnent plus de choix aux clients. La deuxième grande cause est la multiplication des parties prenantes pertinentes pour l’entreprise. C'est-à-dire que ce ne sont plus seulement les actionnaires ou les salariés, mais aussi les clients, les fournisseurs, les organisations représentatives du personnel, ou les organismes gouvernementaux. Si on se souvient bien, dans les années 1980 le critère clef était la valeur actionnariale de l’entreprise. Aujourd’hui, cet arbitrage par les actionnaires ne convainc aucun gouvernement ou syndicat. C’est ça la complexité du business à laquelle les entreprises sont confrontées.

Le problème, c’est d’avoir un monde des affaires plus complexe, ou bien des entreprises qui ne savent pas y répondre ?

Cette complexité n’est ni bonne ni mauvaise. Elle représente des opportunités : à chaque fois que l’entreprise arrive à concilier et satisfaire l’ensemble de ces exigences, elle crée plus de valeur pour tout le monde. En faisant ça, elle libère un potentiel de croissance profitable pour l’entreprise et pour l’ensemble des parties prenantes. Le problème est plutôt la manière dont les entreprises ont tenté d’y faire face hélas en devenant de plus en plus compliquées. Il y a autant de structures qu’il y a d’exigences de performance ! On a créé des structures qualité, compliance, gestion des risques, innovation, des indicateurs, des réunions, des chefs de projet … Qui doivent en plus se coordonner avec plus de règles, ce qui plombe à la fois la productivité et la satisfaction des personnes qui perdent toute direction dans ce labyrinthe.

Il y a une forme de désengagement qui apparaît…

Exactement. Le désengagement n’est pas un phénomène psychologique. Dire que la génération n’est pas la même que l’ancienne, et tous ces truismes tautologiques, c’est une conséquence indirecte de la complication des entreprises dans leur réponse à la complexité du business. Envoyer des psychologues dans les entreprises faire de la « thérapie anti-stress », ce n’est que rajouter une couche au problème sans même traiter directement les symptômes. On crée du travail en plus, qui n’est même pas créateur de valeur, sans s’attaquer au fond du problème : l’organisation de l’entreprise.

Comment réagir : faut-il revenir en arrière, supprimer les évolutions, ou y a-t-il des choses à proposer comme les six règles présentées dans votre livre ?  

Pour résumer, les trois premières règles, c’est développer l’autonomie des personnes dans l’utilisation de leur intelligence et de leur jugement grâce à la coopération des autres. La simplification doit s’appuyer sur une organisation qui tire parti du jugement et de l’énergie des gens. Cette intelligence est le seul actif phare de l’entreprise. Les entreprises ont du mal à combiner autonomie et coopération sans inhiber l’un ou l’autre. Mais revenir en arrière est une tentation pour beaucoup d’entreprises dangereuse. C’est pour cela que nous appelons notre approche « Smart Simplicity » (simplicité intelligente] : la simplification ne doit pas être naïve et ignorer la nouvelle complexité du business. Décréter la simplification en créant un « Monsieur Simplification » c’est rajouter une couche de complication. Les trois dernières règles, c’est s’assurer que l’autonomie de chacun est mise au service du groupe, ce qui crée un cercle vertueux pour améliorer simultanément productivité et satisfaction au travail. C’est mécanique !

Un chef d’entreprise, déjà pris dans son organisation trop complexe, peut-il appliquer facilement vos règles ?

Quel que soit l’angle, on peut s’attaquer à une organisation trop complexe aussi bien au sommet de l’entreprise par l’initiative du PDG, qu’au niveau des cadres sur le terrain, ou encore  du coté des Ressources Humaines tout comme du coté de la direction financière. Le manager d’une entreprise de taille moyenne doit d’abord appliquer la règle n°1 et se demander : Que font réellement les gens sur leur lieu de travail ? Le manager doit s’intéresser à leurs comportements quotidiens, leurs actions, leurs interactions… Puis, trouver en quoi ces comportements peuvent expliquer les niveaux de performances actuels, que ce soient les défauts, les retards, les surstocks, les délais de mise sur marché des produits … Car débattre théoriquement des vertus intrinsèques aux structures et process sont autant d’écrans qui masquent le vrai travail des gens. Ce n’est qu’une fois avoir suivi cette règle qu’on peut appliquer les autres pour modifier les comportements grâce à la coopération et à l’autonomie. C’est une forme d’acupuncture, car on comprend le système nerveux même de la performance. C’est plus efficace, plus précis, ça crée moins de bouleversements, et ça crée plus de valeur avec moins de coûts.

On peut se demander si une telle méthode provoque un véritable impact économique sur les résultats des entreprises...

Chaque cas est particulier et nous avons fait des moyennes, mais il est vrai que nos analyses montrent que la productivité peut augmenter de 10 à 40 %. On peut accélérer les cycles de mise sur le marché de nouveaux produits de 40 à 60 %. Augmenter les revenus à effectif constant de 20 à 40%. Eliminer 50 à 70 % des rôles interfaces, qui sont des middle-office lorsqu’il y a un problème entre le front et le back office.  En quelque sorte, une entreprise qui ne travaille pas sur l’amélioration de la coopération, elle perd en moyenne 7 % de productivité par an. On observe que les même les bénéfices du progrès technologique, et de l’apprentissage des bonnes pratiques de tous les jours par les gens, sont mangés par le déficit de coopération.  

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