Xavier Bertrand face au casse-tête de l’OPA semi réussie d’Emmanuel Macron sur la droite <!-- --> | Atlantico.fr
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Xavier Bertrand, candidat à sa succession à la présidence de la région des Hauts-de-France, s'exprime lors de son premier meeting de campagne à Maubeuge le 3 mai 2021 avant les élections régionales de juin 2021.
Xavier Bertrand, candidat à sa succession à la présidence de la région des Hauts-de-France, s'exprime lors de son premier meeting de campagne à Maubeuge le 3 mai 2021 avant les élections régionales de juin 2021.
©FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Identité idéologique

Le mieux placé des candidats de la droite dans les sondages souffre du même handicap que le parti qu’il entend représenter sans y appartenir. Car s’il gagnerait largement face à Marine Le Pen, il perdrait face à Emmanuel Macron dans un éventuel 2e tour. Comment rendre à la droite une identité idéologique claire face à un président qui excelle dans le brouillage des lignes ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Si Xavier Bertrand est le plus à même de vaincre largement Marine Le Pen au second tour, il est toujours donné perdant face à Macron selon un récent sondage Ifop. Bertrand est-il la victime d'un président qui excelle dans le brouillage des lignes ?

Edouard Husson : Le problème de Xavier Bertrand n'est pas Emmanuel Macron. En fait, Macron est uniquement un symptôme de la faiblesse du système politique français. Il est sorti des décombres du PS de François Hollande; et il a été élu grâce à l'auto-destruction de LR en 2017, lorsque Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont préféré tuer politiquement François Fillon plutôt que de le voir élu à l'Elysée. Il faut bien comprendre que si les adversaires d'Emmanuel Macron sont eux-mêmes, ce dernier s'étiolera. A sa manière, d'ailleurs, Marine Le Pen applique instinctivement cette sagesse: malgré un débat catastrophique en 2017 et son absence de travail sérieux depuis cette date, elle a des chances d'arriver en tête au premier tour. Et la réalité des sondages qui se succèdent, c'est que Marine Le Pen peut désormais battre Emmanuel Macron (3 points, c'est la marge d'erreur). Xavier Bertrand semble pouvoir faire mieux qu'Emmanuel Macron au second tour contre Marine Le Pen? Qu'il en tire toutes les leçons. S'il veut se qualifier pour le second tour, il devra être lui-même, cesser d'insulter Marine Le Pen et son électorat. A quoi sert de prendre une pose chiraquienne vingt ans trop tard?  A quoi sert de vouloir refaire, sans plus, le hold up de Sarkozy quinze ans après? La droite a eu une chance de faire diminuer le "lepénisme" en 2007 mais n'a pas tenu parole sur l'insécurité ni l'immigration. Xavier Bertrand n'obtiendra rien s'il fait preuve de mépris ou de détestation face au Rassemblement National. Il doit au contraire dire: je partage le constat sur le délabrement du pays; je propose des solutions qui sont quelquefois les mêmes car le bon sens est partagé; et quelquefois différentes car mon expérience m'amène à penser que etc...

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Pour se distinguer de Chirac, Sarkozy avait totalement redéfini la ligne idéologique du parti et façonné un "sarkozysme". Xavier Bertrand est-il contraint de faire de même ? Peut-il gagner sans inventer un "bertrandisme" ?

On a souvent dit que Mitterrand était un homme de droite qui avait fait gagner la gauche; et Chirac, un homme de gauche qui avait fait gagner la droite. La force de Sarkozy, ce n'était pas tellement le détail de son programme, c'est qu'il était un homme de droite qui acceptait de faire une politique de droite. Malheureusement, à peine élu, il a fait l'ouverture à des ministres de gauche. Et puis sa main a tremblé quand il s'est agi de contrôler réellement l'immigration. On ne demande qu'une chose à Bertrand aujourd'hui, qui le différencierait de Marine Le Pen: non seulement qu'il assume (mieux qu'elle!) d'être de droite; et qu'il porte des politiques réalisables - la majorité des français ne sont pas convaincus que Marine Le Pen le pourrait. 

Historiquement, la droite n'a-t-elle pas toujours dû s'imposer en chahutant une partie de son électorat, comme le Sarkozysme l'a fait avec le chiraquisme ?

La droite est majoritaire en France, potentiellement. On le sait depuis que, suite à l'émeute du Château des Tuileries le 20 juin 1792, des centaines de "pétitions" venues de toute la France arrivèrent à l'Assemblée pour "féliciter le Roi (Louis XVI) d'avoir sauvé la constitution au péril de sa vie" en tenant bon face à l'émeute. Mais la droite est rarement unie derrière un chef. De même que les émigrés ont poignardé Louis XVI dans le dos par le "Manifeste de Brunswick", la droite se divise volontiers. On pourrait caractériser psychologiquement les trois droites identifiées par René Rémond: la droite orléaniste est celle qui pactise avec la gauche; la droite légitimiste, celle qui s'accroche à un passé le plus souvent imaginaire; reste le bonapartisme qui comprend d'instinct que la droite peut rassembler une majorité de Français. C'est fondamentalement ce que comprend de Gaulle qui, cependant, ne commet pas l'erreur de se passer de la démocratie comme les Bonaparte. ensuite vient lépisode intéressant du pompidolisme, seul épisode réussi de conservatisme à la française. Après, Giscard ramène la droite dans les ornières de l'orléanisme; Chirac lui emboite le pas, en trahissant allègement le gaullisme. Sarkozy avait la bonne intuition de revenir aux fondamentaux: il a fait 30% au premier tour et plus de 53% au second tour en 2007. S'il avait appliqué sa politique, il devait être réélu largement. C'est moins le sarkozysme qui a échoué que la disposition de Nicolas Sarkozy à faire une politique de droite. Quand on voit l'ancien président, aujourd'hui, "danser le tango" avec Emmanuel Macron, on a envie de lui dire: "Arrêtez-vous! Quittez la scène! Vous êtes en train d'effacer tout ce qui restait de votre quinquennat!". Le problème de Marine Le Pen, c'est sa capacité à rassembler, à convaincre un électorat plus fortuné qu'elle garantira la stabilité de sa fortune, quelle que soit sa politique au service des intérêts nationaux. Le problème de Xavier Bertrand, c'est qu'il doit être perçu comme sincère par un électorat qui n'a pas pardonné à Nicolas Sarkozy le hold up stérile de 2007.   

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