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West-Side Story : une histoire intacte pour des thèmes conservés mais approfondis
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Fidèle mais différente, modernisée mais pas trop, photo, mise en scène, enregistrement vocal et musical éblouissants… cette « relecture » d’un film jadis récompensé par dix Oscars est à couper le souffle…

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THÈME

A l’origine, il y a la pièce de William Shakespeare, écrite en 1597, qui raconte, sur fond de haine entre deux clans, les amours contrariées et tragiques de Roméo et de Juliette. En 1957, le chorégraphe Jérôme Robbins s’inspire de cette pièce, pour créer, sur la musique de Léonard Bernstein, des lyrics de Stephen Sondheim et un livret de Arthur Laurents la comédie musicale West Side Story. Portée à l’écran par Robert Wise en 1961, elle va connaître un immense succès mondial. La revoici sur grand écran dans une nouvelle version signée Steven Spielberg.

Nous sommes dans le quartier new-yorkais de West Side. Deux bandes rivales s’affrontent pour la possession d’un espace à l’abandon, voué à disparaître : les Jets (des enfants d’immigrés blancs de longue date, commandés par Riff) et les Sharks (des immigrés portoricains fraîchement arrivés en Amérique, avec Bernardo à leur tête).  Au cours d’un bal organisé par une association de réinsertion municipale, auquel les deux bandes ont été invitées, Tony, l’ami de Riff, tombe éperdument amoureux de Maria, la sœur de Bernardo. Une idylle intolérable aux yeux des deux bandes. Une bagarre monstre s'ensuit et Tony va tuer Bernardo.

POINTS FORTS

-Quand Steven Spielberg découvre la comédie musicale West Side Story, il n’a que onze ans. Mais le petit garçon qu’il est encore, est subjugué, par la force sauvage de son histoire et la beauté ahurissante de sa musique. Quand, cinq ans plus tard, le film qu’en tire Robert Wise sort, il va le voir des dizaines de fois. Devenu cinéaste, il va rêver pendant des années de réaliser une comédie musicale. Mais il ne trouve pas de scénario, jusqu’au jour où il réalise qu’en réalité, il en a un « sous la main » !  Comme iI ne s’agit évidemment pas, pour lui, de se lancer dans un remake du film mythique de Robert Wise, il décide de repartir de la comédie musicale de Broadway  en ré-examinant les rapports de force entre les deux bandes rivales. Pas question de les moderniser, mais de les approfondir. Pour ce travail, il fait appel à Tony Kushner, Prix Pulitzer et auteur, notamment, du cultissime Angels in America. Deux ans plus tard, naît le scénario de son futur film : l’histoire est intacte, les thèmes (la délinquance, l’immigration, les quartiers pauvres…), conservés, mais tout est approfondi, complexifié. 

-Pour les chorégraphies, le cinéaste va procéder de la même façon. Comme il est inenvisageable pour lui de « balayer » les ballets originels du génial Robbins, il demande à Justin Peck, 34 ans, conseiller artistique du New York City Ballet de les « lifter » pour qu’ils s’adaptent au nouveau scénario. Ce dernier accomplit un travail minutieux. S’il  crée de nouveaux numéros et en déplace d’autres (America, par exemple,se déroule désormais dans la rue et non plus sur le toit d’un immeuble), il n’oublie jamais d’en référer à la « patte » et à l’esprit  Robbins. Le résultat est sensationnel. 

-Réarrangée et réorchestrée par le compositeur David Newman, la musique de Bernstein « sonne » encore mieux. Quant aux chansons, elles ont été retravaillées par l’orchestre philharmonique de New York sous la direction de Gustavo Dudamel, sous le regard bienveillant de leur parolier, le génial Stephen Sondheim, toujours vivant à cette époque.

-Pour donner un maximum de réalisme à ce « conte dramatique » et  pour qu’il soit plus « street  que théâtre », Spielberg l’a tourné autant qu’il lui était possible  en décors naturels… Réalisé à 70% en extérieur, son film est visuellement époustouflant, magnifié encore par la photo de cet immense chef opérateur qu’est Janusz Kumiński. 

-Le casting est évidemment à la hauteur de l’ambition du projet. Dans son souci de réalisme et d’authenticité, le cinéaste a voulu des artistes sachant danser, jouer et chanter. Menées dans toute l’Amérique (Sud et Nord), les auditions ont duré un an. Mais le résultat est là : tous les interprètes crèvent l’écran. Mention spéciale à Rachel Zegler (dont c’est la première apparition au cinéma) et à Ansel Elgort (physique de jeune premier, voix de velours, jeu particulièrement bouleversant) qui, dans les rôles respectifs de Maria et de Tony, arrivent à surpasser les performances de Nathalie Wood et de George Brenner; coup de chapeau également à Mike Faist aussi, qui incarne un Riff d’une présence extraordinaire (un Oscar du second rôle en vue ?). Et puis quel plaisir de retrouver Rita Moreno, déjà présente dans le film de 1961 où elle jouait Anita. Spielberg a eu l’idée de lui confier un nouveau personnage, Valentina, qui se substitue à celui de Doc, qui, dans le film de Wise, était  le patron du coffee shop où travaille Tony.

QUELQUES RÉSERVES

Aucune, sauf peut-être, l’absence inexpliquée de traduction sous certains dialogues en espagnol.

Précisons toutefois que cette omission ne gêne pas vraiment la lecture de l’œuvre. 

ENCORE UN MOT...

Steven Spielberg a-t-il eu raison de se lancer dans une nouvelle version d’un film culte qui resta cinq ans à l’affiche, gagna dix Oscars et est encore aujourd’hui, soixante ans après sa création, le drame musical le plus connu au monde ? A en juger par le résultat, et la majorité des critiques déjà parues, la réponse est oui . Beau, rapide, nerveux, d’une photographie magnifique et d’une mise en scène d’une fluidité époustouflante, le West Side Story  du père de E.T. laisse pantois.

Avec ses plans séquences, gonflés, renversants, et son tournage en décors naturels, il arrive, visuellement, à mettre un petit coup de vieux à la version, pourtant si sensationnelle de Robert Wise. Parce qu’il fait  passer au premier plan les questions de racisme et de violence, il paraît plus politique et plus violent, mais ce n’est jamais au détriment de l’histoire d’amour, si brûlante qui le sous-tend. N’ayons pas peur des mots : ce West Side Story est un film magistral. Dans l’histoire du cinéma, il n’était encore jamais arrivé qu’un chef d'œuvre donne naissance à un autre chef d’œuvre. Merci à Spielberg pour cette grande première !

UNE PHRASE

« Ce film est sans doute le plus intimidant de toute ma carrière. West Side Story est probablement la plus grande musique jamais écrite pour la scène, et nous en étions tous conscients. Ce n’est pas facile de revisiter un chef-d'œuvre, de le faire passer au filtre des sensibilités et de regards différents sans compromettre son intégrité. Mais je suis convaincu que les grandes histoires doivent être racontées encore et encore, pour refléter à travers elles différentes perspectives et différentes époques » ( Steven Spielberg, réalisateur).

L'AUTEUR

Né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio), Steven Spielberg est l’un des cinéastes les plus emblématiques et les plus influents du cinéma actuel.

Sauf à n’avoir jamais mis les pieds dans une salle de ciné, ni regardé la télé, il est impossible d’ignorer le nom de ce cinéaste issu de la génération du nouvel Hollywood des années 70 qui s’est révélé au grand public américain et étranger en réalisant, en 1975, Les Dents de la mer. On lui devra ensuite parmi les plus grandes réussites du cinéma, dont, en 1977, Rencontres du troisième type ; en 1982, E.T. lExtra-terrestre ; entre 1981 et 1989, les trois premiers volets de la saga d’aventure fantastique Indiana Jones ( co-réalisée avec son ami Georges Luca) ; en 1985, La Couleur pourpre; en 1993, Jurassic Park ( le plus gros succès de l’histoire du cinéma); en 1993, La Liste de Schindler; en 1998, Il faut sauver le soldat Ryan ; en 2011, Le Cheval de guerre ; en 2016, Le Bon gros Géant; et en 2017, Pentagon Papers.

Parallèlement au grand écran, ce réalisateur hors normes poursuit une riche carrière à la télévision et soutient plusieurs causes philanthropiques. Parmi ses nombreuses distinctions, il a reçu trois Oscars, dont deux pour La Liste de Schindler. En 2012, il a en outre dirigé Daniel Day-Lewis dans Lincoln, pour lequel ce comédien remportera aussi un Oscar.

Au total, ses films ont rapporté dix milliards de recettes dans le monde entier, ce qui le hisse au rang du réalisateur le plus rentable de l’histoire du Septième Art. Une place qui a sans doute incité certains critiques à le considérer comme un « cinéaste commercial ». Critiques malvenues car, mis à part ses films de pur divertissement, ce soutien fidèle au parti démocrate a souvent traité de sujets « sérieux » dans ses œuvres, comme le terrorisme, l’esclavage, le racisme et la guerre.

Théoriquement, son prochain film devrait sortir l’année prochaine. Intitulé The Fabelmans, il évoquera son enfance en Arizona. En tête de la distribution : Michelle Williams, Paul Dano et le jeune Gabriel LaBelle.

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