Wauquiez, Lisnard, Philippe, Darmanin… : et si Gabriel Attal était le mieux placé pour sauver une droite républicaine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Gabriel Attal pourrait-il représenter l'espoir d'une candidature pour les électeurs de droite ?
Gabriel Attal pourrait-il représenter l'espoir d'une candidature pour les électeurs de droite ?
©MIGUEL MEDINA / AFP

Coqueluche des sondages

Une partie de l'électorat des Républicains se détourne de plus en plus de Laurent Wauquiez ou d'Edouard Philippe. L'ancien Premier ministre, Gabriel Attal, bénéficie d'une étonnante percée dans les sondages... à droite.

Stewart Chau

Stewart Chau

Stewart Chau est Directeur d’études chez Verian.

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Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Atlantico : Depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, le sort de la droite apparaît relativement difficile à cerner. Eric Ciotti a tenté un rapprochement avec le Rassemblement national et d'autres figures de sa famille politique. Est-il possible d’imaginer que la droite reste indépendante en l'état aujourd'hui ?

Raul Magni-Berton : Cela reste envisageable même s’il est vrai qu'elle a été très affaiblie par l'initiative d’Eric Ciotti. Les Républicains ont pour eux le fait que de nombreux de leurs candidats sont très bien implantés localement et ils ont été réélus par le passé. Le score des Républicains aux européennes était supérieur à leur score à la présidentielle, ce qui est rare pour un parti qui perd.

Certains représentants LR ont même rejoint le gouvernement d’Emmanuel Macron ces dernières années. Lorsqu’ils ont rejoint le président de la République, ils ont été exclus des Républicains. Cela a entraîné le départ de l'aile la moins conservatrice des Républicains. LR est resté solide dans l'implantation territoriale. LR est très présent au Sénat, aux élections locales. Si l'aile gauche est déjà partie chez Macron, l'aile droite par le RN, la situation va devenir de plus en plus délicate pour Les Républicains.

Qui est en mesure de garder le cap de l'autonomie à droite ? David Lisnard, via son parti Nouvelle Énergie, peut-il incarner la ligne qui permettrait à LR de croire en l’avenir et de remporter de futures victoires ?

Raul Magni-Berton : David Lisnard est un candidat qui s'est montré offensif à travers une ligne très libérale. Cette ligne a été aussi défendue dans l’opposition par Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Concernant la question économique et la dette publique, le bilan d'Emmanuel Macron n'est pas forcément le plus libéral du monde.

Depuis le début de la campagne, Gabriel Attal gagne du terrain à droite. Un récent sondage pour BFMTV donne l'ancienne majorité présidentielle à 22 % des voix exprimées à l'échelon national. Depuis, le Premier ministre revendique la dynamique de campagne la plus importante pour son parti. Qui aujourd'hui, sur le champ politique, est le plus en mesure de séduire l'électorat de droite, que ce soit Bardella ou Attal ?

Raul Magni-Berton : Le RN a frappé en premier. Le parti Renaissance d’Emmanuel Macron bénéficie encore en son sein de l'affaiblissement des Républicains et de la stratégie d’Eric Ciotti qui a fragilisé son propre parti. Cela le rend moins crédible aux yeux des électeurs. Les électeurs qui ne sont pas prêts à suivre Eric Ciotti vers le Rassemblement national vont de facto passer plutôt vers Renaissance.

Mais que fait donc la droite dans ce nouveau duel NFP - RN qui s’impose dans la campagne électorale des législatives ? Au regard de l’opinion, y a-t-il une personnalité à droite qui suscite l’adhésion auprès de l’électorat de droite pour des candidatures d’avenir entre Laurent Wauquiez, David Lisnard, Edouard Philippe, Gérald Darmanin ou est-ce que Gabriel Attal pourrait-il vraiment être l'homme de la situation ?

Stewart Chau : La situation est très ouverte. Il n’y a pas de réponse encore très clairement établie. Il faut faire attention aux chiffres car dans une campagne il y a des dynamiques. Il faudra voir à l'issue de ces législatives quel sera l’état du paysage politique français.

Alors qu’elle avait l'occasion de réinventer sa raison d'être, la droite a raté sa campagne. Emmanuel Macron a tenté de déplacer son centre de gravité à droite pour ne pas perdre pied dans les sondages. Le dépassement du clivage et le « et en même temps » étaient un écran de fumée. Les électeurs qui ont succombé à cette offre en 2017, et pour un certain nombre d'entre eux qui ont basculé au centre droit, sont tentés de revenir dans le sillon de la droite républicaine et donc d'incarner finalement cette droite qu’Edouard Philippe a, par héritage, annoncé et qu’il aurait pu très bien incarner ou alors des personnages comme Xavier Bertrand. Ces représentants d’une droite sociale grâce à leur ancrage auprès des territoires peuvent toucher un grand nombre d'électeurs.

L'alliance avec le RN voulue par Eric Ciotti vient brouiller les pistes. Emmanuel Macron continue de cajoler énormément son électorat de droite. Dans le contexte de la dissolution et pendant cette campagne, le président de la République a eu des mots très durs sur un certain nombre de sujets pour essayer de continuer à capter cet électorat qui tente de revenir dans le giron LR. La majorité n’a pas réussi à contrebalancer ce phénomène. La campagne étant très courte, cela était très compliqué. Y a-t-il eu une forme d'isolement d'Emmanuel Macron ? Un certain nombre de ténors, notamment issus de la droite, ont pris leurs distances avec le président de la République depuis la dissolution. Est-ce un moyen de recréer un parti de droite républicain, de centre droit fort ? Qui sera en mesure de l'incarner ? Peut-être que Gabriel Attal sera l’option disruptive parfaite.

Au regard de certains sondages, Gabriel Attal bénéficie d’une opinion tout aussi favorable que Jordan Bardella auprès de l’électorat de droite. Cela démontre-t-il la singularité de Gabriel Attal dans le paysage politique français et les limites du et en même temps auprès de l’électorat de centre droit ? 

Stewart Chau : Dans le duel Bardella - Attal, il y a une égalité quasi parfaite auprès des Français dans leur globalité. Lorsque les Français sont interrogés pour savoir s'ils préféreraient avoir Gabriel Attal ou Jordan Bardella à Matignon, il y a une quasi-égalité autour de 45 %. Le candidat du RN ne parvient pas à distancer le dernier locataire de Matignon en dépit du score et de la progression du Rassemblement national.

Pour l'électorat de droite, l'avantage est clairement donné à Gabriel Attal sur différents registres par rapport à Jordan Bardella. Si vous observez la cote de popularité du premier ministre actuel, elle est bien plus élevée (de dix points de plus) sur les sympathisants de droite par rapport à Jordan Bardella. L’adhésion est beaucoup plus majoritaire et beaucoup plus importante auprès des électeurs de droite pour Gabriel Attal et sa personnalité que pour Jordan Bardella.

Lorsque vous regardez l'ensemble des traits d'image comparés entre Attal et Bardella auprès des Français, il y a un avantage à Attal sur la question de la compétence. Il y a en revanche un avantage à Bardella sur la question de la proximité avec les préoccupations des Français et sur la capacité à incarner le renouveau politique.

Au sein des sympathisants de droite, il y a un large avantage à Gabriel Attal sur tous les registres, que ce soit sur la capacité à incarner les préoccupations des Français, la capacité à changer les choses ou le fait d’être compétent. Les chiffres dans ces domaines passent du simple au double entre Gabriel Attal et Jordan Bardella. Il y a une présomption d'incapacité perçue vis-à-vis de Jordan Bardella auprès des électeurs de droite et cela est encore plus frappant auprès des électeurs des Républicains.

Gabriel Attal a conquis très largement l'électorat de la famille de droite. Il arrive à capter beaucoup plus d'opinions favorables auprès des électeurs de gauche que Jordan Bardella n'arrive à capter d’intentions de vote auprès des électeurs de droite. Les électeurs des Républicains et des partis traditionnels rejettent Jordan Bardella. 37 % des sympathisants de gauche ont plutôt une bonne opinion de Gabriel Attal. Ce n'est pas rien par rapport à ce que pensent les sympathisants de droite de Jordan Bardella.

Comment expliquer ce succès de Gabriel Attal à droite ? Est-ce lié à son autonomie vis-à-vis d’Emmanuel Macron ? Gabriel Attal a-t-il marqué les esprits auprès de l’électorat et des sympathisants de droite, notamment lors de son passage au ministère de l’Education nationale ou à travers sa méthode à Matignon ?

Stewart Chau : Gabriel Attal bénéficie d'une dynamique de fond qui est portée par le Président de la République depuis le début de son deuxième quinquennat. Il s’agit d’une forme de droitisation de la politique avec une palette d'actions et de réformes qui sont plutôt perçue positivement par l'électorat de droite. Gabriel Attal bénéficie d'un déplacement du centre de gravité de la majorité présidentielle. Son entrée au ministère de l'Education nationale a été très remarquée et saluée par les citoyens. Le premier incendie qu'il a dû gérer était l'interdiction de l’abaya dans les écoles. Cela répondait à une demande d'autorité et à un retour à l'ordre républicain dans nos institutions. Cela correspond aux attentes des Français. L’électorat de droite est assez sensible à ce genre de questions.

Gabriel Attal est quelqu'un de très méthodique. Il procède en plusieurs temps. Il fait un bilan. Il propose des solutions. Il les met en action et évalue ces efforts. Il y a une forme d'efficacité qui est vraiment reconnue de la part de l’électorat de droite via une forme de de pragmatisme. Son action à l'Education Nationale a montré qu’il est capable d'être très solide, ancré sur des fondamentaux et de faire respecter sa méthode d'autorité.

La ligne qui pourrait être majoritaire au sein du parti LR est celle de Laurent Wauquiez. Est-ce que cela empêche l'incarnation d’une ligne à droite qui ne serait pas celle de Ciotti mais qui serait quand même majoritaire au sein de la droite ? Le silence de Laurent Wauquiez ne pose-t-il pas un problème sur l'incarnation de la ligne ?

Raul Magni-Berton : Cette ligne serait plus crédible car elle serait moins isolée et de tendance libérale.

Les élections législatives interviennent après la dissolution de l’Assemblée nationale qui a été prise par Emmanuel Macron sans consultation des partis d'opposition et même sans avoir consulté ou informé des membres du parti au pouvoir. A la surprise générale, la plupart des partis n’étaient pas prêts, notamment Les Républicains.

Avec le départ d’Eric Ciotti, tout le monde réclame un héritage. Entrer dans la danse est sans doute la meilleure des stratégies.

Sur le plan stratégique, la force des Républicains est leur ancrage local. Le parti LR a des députés qui ne sont pas tous très connus mais ils ont réalisé de très beaux succès au niveau de leur circonscription. La stratégie doit reposer sur des personnes qui connaissent Les Républicains historiques et qui ont des positionnements qui sont restés fidèles au parti malgré tous les différents bouleversements.

Dans le cadre de la campagne des législatives, les électeurs de droite ont-ils du mal à se projeter dans un vote pour Les Républicains ? N’ont-ils pas l'impression que le parti n'existe plus puisque la direction a volé en éclat avec le projet d’Eric Ciotti et les divisions sur l’avenir ?

Raul Magni-Berton : Avec les différentes échéances électorales, Les Républicains vont avoir beaucoup de mal à triompher. Ce n’est pas en l’espace de quelques semaines, et avec la surprise d’Eric Ciotti, que les choses vont s'améliorer. Un sursaut de dernière minute peut intervenir dans le cadre de ces élections législatives. Mais elles restent très indécises.

Il est important de confier le parti à des figures emblématiques du mouvement. La seule manière de relancer un parti est de faire appel à sa colonne vertébrale.

En prenant en compte le besoin de renouveau et la demande de sursaut, est-il possible de désamorcer la stratégie d’Eric Ciotti en essayant de redonner un peu d'incarnation chez Les Républicains ?

Raul Magni-Berton : Entre le camp d’Eric Ciotti qui est favorable à une alliance avec le Rassemblement national pour les législatives et le camp « historique » des Républicains qui est resté, les élections vont être l'heure de la vérité. Cela permettra de voir quelle stratégie aura été la plus efficace.

Edouard Philippe fait partie de ceux qui aimeraient incarner la droite et des figures présidentiables. Dans son entourage, beaucoup se posent la question de son positionnement. En quoi est-ce qu’Edouard Philippe n’est pas la bonne figure pour incarner la droite ?

Raul Magni-Berton : Edouard Philippe a été au cœur du gouvernement d’Emmanuel Macron. Les Républicains parviennent à se redresser peu à peu. Le parti Renaissance est en difficulté. Edouard Philippe est toujours resté un peu indépendant. Il pourrait ramener aux Républicains une fronde qui s'est déplacée vers Emmanuel Macron. L’ancien premier ministre peut jouer un rôle et avoir une influence auprès de l’électorat.

Si l'électorat traditionnellement de droite et qui soutenait LR venait à abandonner la majorité présidentielle, Renaissance, il pourrait se détourner de personnalités comme Edouard Philippe.

Parmi les proches d’Edouard Philippe certains s'inquiètent du fait qu'il n'ait pas d'identité réelle en dehors du fait d'être le candidat des gens raisonnables. N’y a-t-il pas un manque d'identité et d'incarnation à travers le projet d’Edouard Philippe ?

Raul Magni-Berton : Edouard Philippe n’a pas une ligne idéologique extrêmement marquée. Les personnes qui soutiennent son projet comptent vraiment. La configuration qu'il y aura entre Renaissance et Les Républicains sera déterminante pour son avenir.

Comment les figures des Républicains vont-elles contrecarrer ce qui se passe en ce moment ?

Raul Magni-Berton : Toute la question est de savoir quelle va être la solidité des députés sortants dans leur circonscription. Au niveau national, la situation est un peu désespérée. Au niveau des circonscriptions, la situation est plus favorable pour Les Républicains.

Il y a beaucoup d'élus implantés localement qui s’engagent auprès de leurs propres électeurs et qui tentent d’apporter des solutions au niveau local.

Les Républicains doivent résister au niveau de leur circonscription. Au niveau national, la situation est assez pessimiste pour Les Républicains et pour le parti présidentiel. Ils sont dans une spirale assez négative. 

Alors que Laurent Wauquiez ou David Lisnard peinent à s’imposer, en quoi Gabriel Attal serait-il  le mieux placé pour sauver une droite républicaine ? Que peut-il apporter à l’électorat de droite ? Les sondages témoignent-ils d’un tel engouement à droite pour Gabriel Attal ? 

Stewart Chau : Le problème de David Lisnard est qu’il n’est pas assez connu auprès de l'opinion publique et des Français. Gabriel Attal bénéficie d'une notoriété extrêmement importante. Il répond aussi aux aspirations portées par l’électorat de droite de 2017. Il s’agit d’un renouveau politique.

Par rapport à David Lisnard, Gabriel Attal a évidemment une notoriété bien plus importante. Son bilan de politique nationale peut l'exposer à un certain nombre de critiques mais il a un bilan et un discours de plus en plus audible pour l'électorat de droite.

Il est vital pour la droite d’avoir un banc rempli de remplaçants dans cette génération d'élus de droite qui sont quand même, pour un certain nombre d'entre eux, en bout de course, comme Laurent Wauquiez.

Laurent Wauquiez est très ancré à droite mais il n’a pas réussi à s'imposer comme le candidat naturel de la droite.

Sur le plan politique et idéologique, Laurent Wauquiez était assez proche d'Eric Ciotti sur une droite assez dure. Je ne suis pas certain que la droite républicaine, qui reste encore dans le giron des Républicains et qui n'a pas basculé ni chez Macron ni chez le RN, attende un héritage qui va brouiller les frontières avec une droite très dure comme le fait actuellement Eric Ciotti. Laurent Wauquiez est un peu dans cette ambivalence en termes de positionnement politique. Cela ne semble pas forcément audible ou désirable sur l'électorat de droite qui reste encore chez Les Républicains.

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