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Wauquiez / Raffarin : un nouveau tournant de l’histoire de la droite ?
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Raffarinade

Jean-Pierre Raffarin a annoncé son soutien à la liste LREM dans la perspective des prochaines élections européennes.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Alors que Jean-Pierre Raffarin a annoncé son soutien à la liste LREM dans la perspective des prochaines élections européennes, alors qu'il est membre de droit du bureau politique des LR, Laurent Wauquiez a décidé de prendre l'initiative en invitant l'ancien premier ministre au prochain bureau politique, notamment en vue d'une clarification. En quoi ces personnalités LR finalement plus proches de la ligne d'Emmanuel Macron sont ils dans une impasse ? 

Maxime Tandonnet : Avec la nomination de M. Alain Juppé au Conseil constitutionnel et la prise de position de Mme Valérie Pécresse en faveur de la liste LR, M. Jean-Pierre Raffarin se trouve quelque peu isolé chez LR dans son soutien à la liste LREM, avec M. Busserau peut-être. En mai juin 2017, on pouvait croire à un ralliement massif de LR au nouveau pouvoir issu des urnes. En effet, la nomination d'Edouard Philippe à Matignon, de Bruno Lemaire à Bercy pouvait donner le sentiment que la présidence Macron allait assurer une alternance de droite à la suite du quinquennat socialiste. De nombreuses personnalités de droite telles que Juppé, Valérie Pécresse, Bertrand, Estrosi et une bonne moitié de l'électorat "Fillon" ont même penché un moment en ce sens. On pouvait croire au démantèlement de LR. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Les ministres LR n'ont pas entraîné le parti politique avec eux et eux-mêmes ont changé de formation politique pour se rapprocher de LREM.  L'échec de ce basculement de LR vers la majorité présidentielle n'est pas dû principalement à la question européenne. Il est le résultat des difficultés de la présidence et de la majorité LREM qui s'accumulent au fil du temps. Le temps du pari sur le succès durable de la présidence Macron est révolu. C'est sans doute pourquoi les personnalités de droite ralliées à la majorité présidentielle se trouvent désormais isolées et dans une impasse.

Du refus d'une position "euro-modérée", ou du conservatisme, quelle est la véritable ligne de fracture de ces personnalités par rapport aux LR ? 

En principe, ces personnalités sont pro-européennes, au sens de fédéraliste mais sans le dire. Elles prônent un transfert renforcé des compétences à Bruxelles et une consolidation de l'autorité supranationale, Commission, Parlement européen, Cour de Justice. De fait, ce débat n'a plus grand sens aujourd'hui. L'Union européenne est entrée dans une phase lourde de déstabilisation. Les vraies questions ne sont pas entre plus ou moins de pouvoirs à Bruxelles. Cette question est complètement dépassée. Les vraies questions sont de toute autre nature: qu'est-ce qu'une Europe sans le Royaume-Uni? Comment éviter la cassure entre le continent et le Royaume-Uni, de tous temps porteuse d'effroyables malheurs. Comment gérer la dissidence des pays d'Europe orientale, Pologne et Hongrie? Quelle attitude vis-à-vis de l'Italie? Comment traiter la question de l'hégémonie économique allemande sur le continent? Et l'après Merkel, la poussée "protestataire" en Allemagne? Quelle réponse au défi démographique et migratoire dans les années qui viennent? Il est probable que les responsables politiques de LR ressentent cette gigantesque mutation en train de se produire. Cependant, ils s'en tiennent au débat d'un autre âge sur la question de savoir s'il faut plus ou moins de transferts à la majorité qualifiée. C'est bien pratique: cela leur permet de se cantonner dans la posture, entre les européistes et les euroréalistes, et de se démarquer ainsi les uns des autres sans voir qu'autour d'eux un monde est en train de s'écrouler.

En quoi cette clarification est-elle souhaitable et nécessaire pour les LR ? 

C'est une question de survie pour les LR. On voit bien ce qui se passe aujourd'hui, le système politico-médiatique tente avec un acharnement qui fait froid dans le dos, d'enfermer chaque Français dans une alternative binaire: le bien européiste macronien ou le mal nationaliste lepéniste. Le matraquage élyséen sur ce thème, permanent, parfaitement relayé par les médias  bienpensants et conforté à coup de sondages quotidiens, vise à transformer l'élection du Parlement européen en un affrontement titanesque entre le ciel et l'enfer. LR risque son existence dans cette mystification. L'objectif est bien de pousser cette formation à se déchirer entre LREM et lepénisme pour disparaître une fois pour toute du paysage politique français et ainsi ouvrir la voie à une réélection paisible en 2022. Inutile de préciser que c'est à peu près tout ce qui compte aujourd'hui, infiniment plus que les enjeux européens... Cependant, la clarification a bien eu lieu, ou elle est en cours, et LR sera présent aux prochaines élections européennes. Même affaibli, l'essentiel est qu'il soit présent et qu'il offre aux Français la possibilité d'une troisième voie, celle de la lucidité contre l'entreprise d'abêtissement national en train d'écraser la vie politique française comme un rouleau compresseur.

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