Voilà ce que les neurologues savent du cerveau de ces seniors qui vieillissent sans rien perdre de leurs facultés cognitives<!-- --> | Atlantico.fr
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Considérer l’affaiblissement global des capacités cognitives avec l’âge comme une fatalité est de fait un peu réducteur.
Considérer l’affaiblissement global des capacités cognitives avec l’âge comme une fatalité est de fait un peu réducteur.
©Behrouz MEHRI / AFP

Vieillissement

L’ensemble des travaux vise à comprendre ce qui pourrait expliquer la remarquable résistance à l’avancée en âge de ces personnes par rapport aux autres.

André Nieoullon

André Nieoullon

André Nieoullon est professeur de neurosciences à l'université d'Aix-Marseille.

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Atlantico : Oublis, pensées confuses … Bien souvent, la cognition se détériore à mesure que nous vieillissons. Pourtant, certains individus appelés les « super-âgés » semblent mystérieusement lutter plus facilement contre les affres du temps. Qui sont ces « super-âgés » ? Existe-t-il des différences significatives dans leur mode de vie ou leurs habitudes par rapport aux autres personnes de leur âge ?

André Nieoullon : Considérer l’affaiblissement global des capacités cognitives avec l’âge comme une fatalité est de fait un peu réducteur. Pour deux raisons au moins. D’abord parce que si effectivement certains aspects de la cognition sont manifestement sensibles au vieillissement tel que cela peut être appréhendé par la mesure des capacités cognitives en rapport avec la vitesse de traitement des informations nécessaires aux raisonnements, à ce que l’on nomme la « mémoire de travail » particulièrement importante pour la réalisation des fonctions dites « exécutives », ou encore ce que l’on désigne par la « mémoire épisodique », d’autres aspects des fonctions cognitives semblent au contraire ne pas être affectés sensiblement avec l’avancée en âge ; telles les habilités verbales, les habiletés dites « procédurales » ou encore la mémoire sémantique, en rapport avec le sens des mots, voire les habilités liées au calcul mental, à titre d’illustration. Ensuite, et c’est la seconde raison pour laquelle il est de mon point de vue trop réducteur de considérer l’affaiblissement des capacités cognitives avec l’âge comme une fatalité, parce que tous les individus ne sont pas affectés de la même façon. C’est dans ce contexte qu’est apparu le concept que vous évoquez de ces personnes « super-âgées » qui, selon les dernières études, présentent autour de 80 ans des capacités cognitives équivalentes à celles d’individus ayant 20 à 30 ans de moins, qui pourraient représenter de l’ordre de 5% de la population des personnes âgées exemptent de troubles neurologiques et psychiatriques.

Depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux leur ont été consacrés tant les capacités cognitives de ces individus sont remarquables, conduisant à conclure que, si les habiletés liées aux connaissances et à l’expérience acquise sont, en général, plutôt maintenues avec l’âge, celles qui sont en rapport avec les capacités de raisonnement sont particulièrement préservées chez ces « super-âgés ». L’ensemble des travaux vise à comprendre ce qui pourrait expliquer la remarquable résistance à l’avancée en âge de ces personnes par rapport aux autres. A ce stade, la question reste ouverte et il s’avère qu’à priori ni le mode de vie, d’alimentation ou encore d’éducation n’est à même de rendre réellement compte de cette résistance particulière aux effets du temps, sauf peut-être que ces sujets présentent des relations sociales particulièrement développées et une activité physique très préservée, et présentent des atteintes de leur santé mentale évaluée en termes d’anxiété et de dépressions bien moindres que celle des sujets montrant des fonctions cognitives « normales » en rapport avec leur âge. Mais, à ce stade, rien de définitif n’est acquis et les études se poursuivent d’une part au plan génétique, d’autre part en interrogeant d’éventuelles caractéristiques de l’organisation cérébrale.

Une étude publiée dans le Journal of Neuroscience aide à faire la lumière sur ce qui rend les super-âgés si spéciaux, mettant en évidence des différences dans la structure de leur cerveau. De quoi parle-t-on ? À quoi ces différences sont-elles dues ? 

Vous faites référence à une récente étude d’un groupe de chercheurs espagnols, qui ont étudié justement l’organisation cérébrale de ces « super-âgés » par IRM, pour savoir si la structure même du cerveau était elle-même plutôt préservée par rapport à celle d’individus présentant un vieillissement considéré comme « normal ». Globalement, le résultat principal de cette étude est de montrer que, si l’on s’intéresse à l’évolution de la structure du cerveau sur un suivi de 5 années à partir de 75 ans, les modifications structurales appréhendées en termes de volume de substance grise et de substance blanche se caractérisaient par une forme de préservation du cerveau au fil du temps chez les « super-âgés » alors que les autres sujets voyaient leur volume cérébral altéré significativement pendant cette même période de temps. Ces données ont été mises en rapport avec les capacités cognitives particulières des individus « super-âgés ».

De façon intéressante, cependant, lorsque les chercheurs s’intéressent plus particulièrement à la substance blanche, qui représente les faisceaux de fibres reliant les différentes régions cérébrales entre elles, il s’avère que ces connexions cérébrales paraissent particulièrement préservées dans les zones représentées par le cerveau antérieur, ce que l’on nomme d’une part le lobe frontal impliqué dans les fonctions cognitives ou encore le gyrus cingulaire, sans différence majeures dans les régions contribuant aux processus mnésiques et attentionnels, notamment l’hippocampe, en rapport avec ce qui est généralement considéré, que ces structures sont plus sensibles au vieillissement que le reste du cerveau. Toutefois, d’autres études centrées cette fois sur l’étude de la substance grise, là où se trouvent les neurones, tendent à montrer qu’au contraire il existe chez les « super-âgés » une préservation relative dans ces régions impliquées dans les processus mnésiques, suggérant un meilleur contrôle de ces processus à partir du cortex préfrontal. Mais, à ce stade, aucun élément explicatif n’est fourni sur l’origine de ces préservations structurales du cerveau en rapport avec l’avancée en âge.

Existe-t-il des réflexes à adopter pour « préserver » notre cerveau au fur et à mesure que nous vieillissons ?

A partir du moment où aucun facteur déterminant de ces mécanismes n’a pu être identifié tant en termes de facteurs démographiques, de style de vie ou encore de génétique (à ce stade) pour rendre compte des performances cognitives particulières des « super-âgés », il est difficile de proposer des recettes susceptibles d’atténuer les effets du vieillissement sur les comportements. On s’en tiendra par conséquent aux considérations habituelles selon lesquelles une bonne hygiène de vie, incluant des régimes alimentaires propres à réduire les effets de l’obésité ou encore du diabète et des maladies cardio-vasculaires, ainsi qu’une activité physique régulière et soutenue, avec un maintien de solides relations sociales, ont manifestement un effet positif sur les conséquences du vieillissement.

La plupart des recherches sur le vieillissement et la mémoire se concentrent sur les personnes qui développent une démence au cours de leurs dernières années de vie. La recherche devrait-elle se concentrer davantage sur l’étude des individus qui vieillissent en bonne santé ? 

Sur le fond, vous avez raison, mais l’un n’exclut pas l’autre. En termes de santé publique, la priorité est légitimement donnée aux recherches sur la maladie d’Alzheimer eu égard au fardeau que représente les démences pour notre société. Mais il est intéressant de remarquer, ce qui est noté par plusieurs études, que les « super-âgés » sont, semble-t-il, moins susceptibles de développer une maladie d’Alzheimer que leurs congénères moins favorisés au plan cognitif. Là est peut-être une direction de recherche sur laquelle il faudrait investir pour tenter de comprendre pourquoi ces individus sont particulièrement résistants à la survenue des démences.

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