Voici pourquoi il faut absolument lire « Cinquante nuances de dictature », le dernier livre de Renée Fregosi<!-- --> | Atlantico.fr
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« Illibéral », ce mot valise dont l’objet est de masquer une évidence, désigne en réalité des régimes en passe de devenir des dictatures, ou des dictatures déguisées en démocraties.
« Illibéral », ce mot valise dont l’objet est de masquer une évidence, désigne en réalité des régimes en passe de devenir des dictatures, ou des dictatures déguisées en démocraties.
©Sergei SAVOSTYANOV / SPUTNIK / AFP

Un livre passionnant

Regarder en face la dictature pour sauver la démocratie.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Dans un livre passionnant qu’elle vient de publier aux Editions de l’Aube, la philosophe et politologue Renée Frégosi analyse les constructions intellectuelles, morales et politiques sur lesquelles s’appuient les actuelles dictatures, et les récents régimes autoritaires, dans le monde. Mais elle y analyse aussi, et c’est l’un des nombreux intérêts de son livre, avec la déconstruction du fonctionnement des « démocratures », (Vénezela, Russie…) d’une part, puis des « proto-totalitarismes » (Russie, Turquie, Iran) d’autre part, les nouveaux discours autoritaires, dont certains s’implantent aujourd’hui dans plusieurs endroits du globe, y compris dans les démocraties occidentales elle-mêmes.

De manière salutaire, l’ouvrage de Renée Fregosi, nous éclaire sur le sens de mots, trahis, galvaudés ou instrumentalisés jusqu’à leur inversion : « Le flou des mots qui embrouille les esprits fait écho au désintérêt pour l’étude des dictatures contemporaines, d’autant plus passionnante pourtant (que) … la dictature se dissimule souvent sous des apparences de démocratie ».

Les instances internationales et la presse ne sont pas en reste pour soutenir par omission, négligence ou tout simplement par peur des « représailles » les nouveaux autoritarismes qu’ils désignent par  un euphémisme de bon alois en particulier dans le cadre de relations internationales par la périphrase : « les démocraties illibérales » ou « hybrides ». Hongrie, Pologne, Russie … la liste est longue de ces « pseudo-démocraties ».

« Illibéral », ce mot valise dont l’objet est de masquer une évidence, désigne en réalité des régimes en passe de devenir des dictatures, ou des dictatures déguisées en démocraties, au prétexte qu’elles organisent des « élections cosmétiques » ou de type « Canada dry ». A l’emploi du qualificatif  trompeur « illibéral », pour les décrire, Renée Fregosi a choisi le mot « démocrature », traduction française de « democradura » (démocratie dure), pour désigner ces soit-disant démocraties qui n’en sont pas, puisqu’elles n’en ont que l’apparence. Car, précise-t’elle, s’il peut exister des « passages d’un type de régime à un autre », le non respect des « critères de l’élection libre » dévoile la nature efficiente des « démocraties illibébérales » dans lesquelles, « en tout état de cause, la tenue d’élections libres est une escroquerie et non un élément encourageant de démocratie partielle. »

Il est aussi des pays où « la dictature règne en maître à peu près partout » comme dans les pays du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient. Dans ces régions, aujourd’hui seuls trois pays ont des régimes démocratiques : la Tunisie, le Maroc et Israël. Les autres, en particulier le Pakistan, l’Afghanistan, le Koweit, l’Algérie, l’Egypte, la Syrie, la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Yemen… sont à ranger dans la catégorie des « régimes autoritaires ». La plupart pratiquent, entre autre horreurs, « les crimes d’honneur » et peuvent être, à ce titre, qualifiés d’ « assassins ». Plus au Sud, la liste s’allonge encore avec les « dictatures africaines et les « présidents africains autocrates », entre « démocratures » et « dictatures manifestes ».

Ailleurs, « Russie et Venezuela chaviste font figure de nouveaux bolchévisme ». La mort du communisme a aussi produit un « Jurassic Park du communisme » avec ses « avatars » tout aussi « effrayants » : la Corée du Nord, le régime vietnamien et la Chine. Car, c’est un fait qu’il convient d’avoir en tête : « son virage capitalistique n’a nullement conduit la Chine à une démocratisation de son système politique ». On y constate en effet que la « baisse du niveau de la violence et de l’exercice de la terreur ne signifient pas forcément renoncement au totalistarisme ».

Si le point commun à tous les autoritarismes est leur détestation de la liberté politique et la chasse aux opposants, l’autoritarisme aujourd’hui s'impose aussi contre la liberté de penser, et de s’exprimer, ces droits fondateurs qui sont devenus des Lois, dans le respect de la laïcité en France, depuis la IIIème République, et dans l’ensemble des démocraties libérales du monde occidental entre les XVIIIème et XIXème siècle.

Il est indéniable comme le souligne la philosophe, que « la qualification de dictature ou de démocratie (relève) aussi de la lutte idéologique et ressort de la stratégie et de la tactique politique ».

Après la mort des deux totalitarisme du XXème siècle, l’un des grands souci de la période actuelle, est la confusion intellectuelle et morale dans laquelle nous sommes désormais plongés, avec la récente invasion des doctrines « wokistes », dans les universités en particulier, mais aussi par la prégnance des stratégies de propagandes des nouvelles idéologies montantes à visées totalitaires dans le XXIème siècle naissant : l’islamisme, l’écologisme ou en encore ce néo-féminisme punitif et justicier, pour lequel Renée Fregosi propose un néologisme qui rend bien compte des fondements philosophiques et des valeurs anti-féministes de ce  « courant féminiciste ».

Un « féminicisme » dont, en France, nous rappelle Renée Fregosi, Caroline de Haas* nous avait donné en 2017 une expression édifiante. Cette grande prêtresse du néo-féminisme d’obédience socialiste avait préconisé d’ « élargir les trottoirs » dans le Nord de Paris, à la Chapelle-Pajol, pour lutter contre le harcèlement sexuelle des femmes.

L’anticolonialisme revanchard, est au centre des dispositifs discursifs de ces « nouvelles radicalisés politiques », de ces idéologies aux objectifs proto-totalitaires basées sur « le nouveau dogme de la haine de soi », qu’elles tentent d’insuffler aux occidentaux « blancs ». Dans ce contexte il convient de comprendre combien la banalisation de l’idéologie islamiste procède de son habileté à s’auto-légitimer par l’emploi du terme « islamophobie », pour désigner son ennemi intellectuel. Cette notion à forte connotation idéologique, à laquelle certains sociologues prêtent une valeur scientifique, fut diffusée en France, nous le rappelle la philosophe et politologue, par le doctrinaire multiculturaliste islamiste Tariq Ramadan. Aujourd’hui, elle est banalisée par La France insoumise, ou dans certaines instances associatives comme la Ligue des droits de l’homme, le planning familial, ou par des syndicats extrême-gauchistes comme l’UNEF dans les universités. On la retrouve encore, depuis peu, accompagnant les récentes nominations de Pap Ndiaye, au Conseil des Sages du ministère de l’Education nationale.

Tentations et dangers d’autoritarismes menacent, au fond, toutes les démocraties dans le monde alors même que leur nombre, depuis lannée 2015, est passé de 104 à seulement 98 pays, sur notre planète qui en compte 324 (l’ONU ne reconnait que 195 pays).

Mais le plus grand danger pour notre modèle démocratique est finalement pernicieux. En ce début du XXIème siècle, au moment où « à nouveau, la dictature a (et a eu)  recourt à la guerre » (Russie, Chine, Daech…),  une question tragique se pose, nous prévient Renée Fregosi : « confrontée au défi de la justice sociale, du partage au plus grand nombre possible des biens matériels et immatériels mais aussi au défi de l’enthousiasme… » : la démocratie fait-elle encore envie ?

*Conseillère chargée des relations avec les associations et de la lutte contre les violences faites aux femmes » de 2012 à 2013 du ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem (Gouvernement Ayrault).

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