Viktor Orban vs UE : les dessous d’un match nul <!-- --> | Atlantico.fr
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Viktor Orban a renoncé à exercer un veto sur le plan d’aide à l’Ukraine.
Viktor Orban a renoncé à exercer un veto sur le plan d’aide à l’Ukraine.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Soutien à Kiev

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a renoncé à exercer un veto sur le plan d’aide à l’Ukraine de 50 milliards d’euros, en échange d'une clause de révision annuelle.

Jérôme Quéré

Jérôme Quéré

Jérôme Quéré est Délégué général du think tank Confrontations Europe. 

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Atlantico : En décembre, Viktor Orban bloquait le plan européen de 50 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine. Jeudi 1er février, lors d’un sommet extraordinaire à Bruxelles, le dirigeant hongrois levait son veto, qui menaçait l’unité des Vingt-Sept. Quelles leçons de cette décision de Viktor Orban peut-on en tirer, comment expliquer cette évolution ? Orban a-t-il réellement cédé ?

Jérôme Quéré : L’Union européenne a adopté à l’unanimité douze trains de sanctions à l’égard de la Russie depuis son invasion de l’Ukraine en 2022. Viktor Orban a menacé de jouer son veto à plusieurs reprises mais a toujours fini par rejoindre la position de ses partenaires. Cela fait une fois de plus. 

Le Premier ministre hongrois a besoin de faire valoir la carte de l’homme fort dans son pays en proie à une inflation record, de celui qui défend contre l’Union européenne qu’il prend souvent en bouc émissaire, notamment en amont des prochaines élections européennes de juin. 

En dehors de cet enjeu d’image, qu’il ne faut pas négliger, le dirigeant hongrois souhaitait obtenir les sommes du fonds de relance post covid qui étaient prévues pour son pays mais bloquées en raison du non-respect de l’État de droit en Hongrie. En assumant ce chantage, il s’est encore plus isolé de ses partenaires qui n’ont pas cédé sur cette question et se sont montrés prêts à obtenir un accord à 26 sans lui. Sa position n’était pas tenable sur le long terme et il l’a bien compris. L’unité des Européens face à la menace russe ne faiblit pas et ce stratège de la politique sait lorsqu’il vaut mieux revenir dans le rang. 

Giorgia Meloni a grandement joué pour le faire revenir sur sa position. La proximité de leurs partis politiques, taxés d’ultra-droite ou d’extrême droite, ne les place pourtant pas sur la même position quant à la Russie. Il n’a non seulement pas réussi à la rallier à sa cause mais c’est elle qui l’a raisonné. Emmanuel Macron l’a également reçu, ce qui a permis au Hongrois de montrer qu’il était considéré mais sans obtenir de gain sur les fonds européens convoités. 

Quels ont été les contours de l’accord négocié par Viktor Orban et faut-il s’attendre à un contrôle plus strict de l’argent transmis à Kiev ? Viktor Orban ne marque-t-il pas des points supplémentaires sur la scène européenne ?

Viktor Orban n’a pas obtenu le déblocage des fonds européens mais a fait préciser que la simple constatation de l’existence d’une violation de l’Etat de droit ne suffit pas à déclencher le mécanisme de conditionnalité qui ne permet plus de toucher les fonds européens. Le dirigeant hongrois souhaitait que soit réaffirmé l’importance de l’objectivité et de l’impartialité lors de l’application de cette conditionnalité. Il souhaite se prévaloir de cela dans son pays pour ne pas revenir en perdant mais c’est une maigre consolation. 

Un rapport annuel de la Commission européenne sera également publié quant à l’aide ukrainienne. Certains avaient des craintes de voir revenir la menace du veto hongrois de manière annuelle mais, faute de changement majeur de couleur politique et de chute du soutien à l’Ukraine de la part des populations européennes, cela risque de terminer de la même manière. 

Être le seul à brandir son veto montre la faiblesse de Viktor Orban qui n’a pas réussi à convaincre le moindre pays européen de rejoindre sa position. Ce sujet a cristallisé les tensions entre les membres du groupe de Visegrad dont fait partie la Hongrie avec la Pologne, la Slovaquie et la République Tchèque. Viktor Orban se retrouve plus que jamais isolé sur cette question. C’était déjà le cas lorsque le parti ultra-conservateur PIS était au pouvoir en Pologne, pays ouvertement opposé à la politique de Vladimir Poutine. C’est encore plus vrai depuis l’arrivée au pouvoir du pro-européen Donald Tusk.

En quoi l’UE a massivement sous-estimé le poids et les forces politiques de Viktor Orban et de la Hongrie, notamment sur la question du plan d’aide à l’Ukraine ?

L’Union européenne a adopté à l’unanimité douze trains de sanctions à l’égard de la Russie depuis son invasion de l’Ukraine en 2022. La Hongrie ne s’y est pas opposée malgré les relations passées ambiguës de Viktor Orban avec le régime de Vladimir Poutine. Les États membres se sont habitués aux coups d’éclat de ce Premier ministre qui n’ont pas eu beaucoup d’impact jusqu’à présent. Pour preuve, celui-ci n’avait pas réussi à placer son veto à l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine.

La position du Hongrois s’est durcie en décembre 2023 avec ce veto posé contre le paquet d’aide de 50 milliards d’euros pour l’Ukraine.

Cela s’explique par sa volonté de faire pression contre ses partenaires pour obtenir les sommes du fonds de relance post covid qui étaient prévues pour son pays mais bloquées en raison du non-respect de l’État de droit en Hongrie. En assumant ce chantage, il s’isole encore plus de ses partenaires et ternit l’image de son pays. L’approche des élections européennes peut aussi motiver l’homme politique à vouloir se montrer fort face aux partenaires européens auprès de sa population en proie à une inflation record au sein de l’Union. Le dirigeant reste un grain de sable irritant qui empêche un discours d’unité européenne.

Viktor Orban est-il en position de force au sein de l’UE ? Sur quels dossiers ?

Être le seul à poser son veto montre en réalité la faiblesse de Viktor Orban qui n’a pas réussi à convaincre le moindre pays européen de rejoindre sa position. Ce sujet a cristallisé les tensions entre les membres du groupe de Visegrad dont fait partie la Hongrie avec la Pologne, la Slovaquie et la République Tchèque. Viktor Orban se retrouve plus que jamais isolé sur cette question. C’était déjà le cas lorsque le parti ultra-conservateur PIS était au pouvoir en Pologne, pays ouvertement opposé à la politique de Vladimir Poutine. C’est encore plus vrai depuis l’arrivée au pouvoir du pro-européen Donald Tusk. Même Giorgia Meloni, taxée d’ultra-droite ou d’extrême droite, a tenté de le raisonner afin qu’il revienne sur sa position.

De plus, cette possibilité de veto n’est utilisable que dans les sujets soumis à l’unanimité. Ces derniers ont reculé au fur-et-à-mesure des réformes des traités et ne concernent aujourd’hui plus que la fiscalité, la sécurité sociale et la protection sociale, l’adhésion de nouveaux États membres de l’UE, la politique étrangère et de sécurité commune, la coopération policière opérationnelle entre les États membres.

Cet isolement au sein du Conseil européen se retrouve également au Parlement européen au sein duquel le Fidesz, parti de Viktor Orban, ne se retrouve dans aucun groupe politique. Il a en effet préféré quitter le groupe du Parti populaire européen (PPE) avant de s’en retrouver exclu officiellement. Les eurodéputés du Fidesz ont bien remporté la majorité des sièges aux dernières élections européennes de 2019 mais sont isolés dans l’hémicycle.

La politique européenne est faite de compromis dans un système qui ne permet pas de majorité au sein du Parlement européen. Viktor Orban, aussi populaire soit-il dans son pays, ne peut influencer durablement les politiques européennes sans allié. Cela pourrait évoluer à la suite des élections européennes de juin 2024, à l’issue desquelles le Fidesz pourrait rejoindre les rangs du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE).

Sur quels sujets Orban se trouve-t-il conduit à céder du terrain ?

En 2020 déjà, la Hongrie, aux côtés de la Pologne, a souhaité s’opposer au mécanisme de conditionnalité permettant de priver de fonds européens les Etats membres accusés de violer les principes de l’État de droit. Cela s’est soldé par un échec et depuis, Orban a perdu son allié polonais avec l’élection de Donald Tusk en Pologne.

Récemment, l’accord sur le Pacte asile et immigration a admis la mise en place d’un mécanisme de solidarité obligatoire avec les pays de l’Union soumis à une forte pression migratoire. Dans ce cadre, les autres États membres devront soit accueillir des demandeurs d’asile sur leur territoire, soit verser des contributions financières. Viktor Orban s’est déjà montré diamétralement opposé à ce principe, mais sans groupe politique, il est difficile de peser sur les négociations. 

En décembre dernier, les députés européens ont voté en faveur de la proposition de la Commission européenne de garantir la reconnaissance par chaque pays de l’Union des droits de filiation accordés par un autre Etat membre, y compris concernant les familles homoparentales. Sujet qui rebute également Viktor Orban.

La réforme visant le droit de veto, notamment sur la politique étrangère et sur le budget de l’UE, pourrait-elle complètement changer la donne ?

La question de l’abandon du droit de veto est régulièrement mise sur la table, notamment dans la perspective de futurs élargissements, mais n’est pas aisée à résoudre. En théorie, les traités prévoient la possibilité d’abandonner l’unanimité dans des domaines ou des questions spécifiques, mais cela doit être voté à l’unanimité. Cela rend très difficile sa concrétisation. Des pays peuvent souhaiter la fin de l’unanimité dans un domaine mais vouloir conserver leur droit de veto dans un autre. La fiscalité pour l’Irlande ou les affaires étrangères pour la France par exemple. Au final, si l’abandon de l’unanimité ne nécessite pas forcément une révision des traités, cela semble irréalisable dans la pratique.

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