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Le veto de la Chine en Syrie l'impose-t-elle définitivement comme une superpuissance géopolitique ?
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Puissance Chine

En posant son veto sur la proposition de résolution sur la Syrie, la Chine a montré que les grandes décisions en matière de diplomatie ne peuvent pas se prendre sans elle. Mais entre son suivisme sur la Russie, une ambition régionale et sa volonté de plaire à l'Occident, la géopolitique chinoise frôle parfois la schizophrénie.

Bruno Tertrais

Bruno Tertrais

Directeur-adjoint à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS).

Spécialiste des questions stratégiques

Dernier ouvrage paru : La revanche de l'Histoire, aux Editions Odile Jacob

 

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Atlantico : Avec son veto contre la proposition d’une résolution contre le régime syrien, la Chine participe au blocage de la situation. Les pays occidentaux semblent ne pas trouver de moyen de faire fléchir la position de Pékin. Sur quoi repose cette puissance diplomatique de la Chine ? Est-ce une nouvelle réalité avec laquelle il faut compter ?

Bruno Tertrais : Au Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine vote presque systématiquement avec la Russie, notamment dans son opposition aux ingérences étrangères, même humanitaires. Ce veto n’a donc rien de surprenant. La Chine ne l'a jamais utilisé seule, sauf lorsqu’il s’agit de questions liées de près ou de loin à Taïwan. La position chinoise sur la Syrie est donc inscrite dans la continuité.

La Chine bénéficie de deux atouts traditionnels. Elle est membre permanent du Conseil de Sécurité, en remplacement de Taïwan, depuis 1971. Elle est par ailleurs une puissance nucléaire signataire du Traité de Non-prolifération. Elle partage ce double statut depuis quarante ans avec quatre autres puissances mondiales (Etats-Unis, Russie, France et Royaume-Uni).

Elle a développé par ailleurs deux atouts plus récents. Depuis une dizaine d’années, sa montée en puissance économique lui a donné un levier d’action tout à fait considérable, notamment en termes de grands contrats et d’aide au développement. Des moyens primordiaux dès lors qu’il faut obtenir les bonnes grâces d’autres pays et leur soutien lors de votes de la communauté internationale. Dernière évolution non négligeable : Pékin a développé sa puissance militaire. Si elle reste limitée dans ses capacités de projection à l’étranger, elle bénéficie de compétences conséquentes  dans certains domaines comme la cyber guerre par exemple.

Les pays occidentaux ont-ils des moyens de convaincre Pékin de faire évoluer sa position sur des décisions diplomatiques comme celle du conflit syrien ? La Chine prend-elle en considération les positions et les opinions des pays de l’ouest ?

On ne peut pas raisonner comme si la Chine votait de manière isolée. Depuis vingt ans, Pékin se cache derrière la Russie. Si Moscou avait accepté cette résolution, il n’y a guère de doute que la Chine aurait suivi. Sur ce type de dossiers, l’initiative n’est pas à Pékin, elle est à Moscou. Dans les chancelleries occidentales, on est parfaitement conscient de cette réalité. D’autant plus que, dans le cas syrien, l’implication russe est infiniment plus grande que celle de la Chine.

Il est très difficile pour les pays occidentaux d’influencer la politique de la Chine, notamment sa politique intérieure. L’unité nationale et la stabilité du pays primeront toujours sur l’image de la Chine vue de l’extérieur. Toutefois, cette dernière dimension est de plus en plus importante dans la stratégie d’un pays qui veut être perçu comme une grande puissance pacifique.

Les pays occidentaux bénéficient tout de même de leviers dès lors qu’il s’agit d’accorder à la Chine des traitements préférentiels dans le domaine commercial ou de lever des sanctions mises en place depuis 1989. Je pense en particulier à l’embargo européen sur les ventes d’armes à la Chine. Dans ce domaine, la poursuite de la répression dans des régions comme le Tibet est contre-productive. Il faut enfin prendre en compte que la Chine reste plus sensible aux rapports de force qu’à la séduction.

Y a-t-il une politique étrangère typiquement chinoise ? Peut-on parler d’une géopolitique vue depuis Pékin ?

Les intérêts géopolitiques et stratégiques chinois sont parfaitement identifiables. Le premier est de continuer à assurer une croissance économique harmonieuse : pour cela, il faut pouvoir se procurer les ressources énergétiques et les matières premières pour la garantir. Le second, c’est l’unification nationale avec la réintégration de Taïwan, question cruciale pour tous les dirigeants chinois. Le troisième, c’est de contrecarrer la puissance américaine en Asie afin de pouvoir prendre la place que Pékin estime être la sienne, à savoir celle de position dominante sur le continent. A partir de cette grille de lecture, il est possible d’expliquer la quasi-totalité de la diplomatie chinoise.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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