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Les ministres Olivier Véran, Gérald Darmanin et Jean-Michel Blanquer.
Les ministres Olivier Véran, Gérald Darmanin et Jean-Michel Blanquer.
©Ludovic MARIN / AFP / POOL

Nouvelle vague ?

Le gouvernement a présenté une ébauche de calendrier de déconfinement. Il est vrai que les indicateurs sanitaires sont plutôt favorables... sauf si les nouveaux variants se mettent à contre-carrer les efforts qui sont encore demandés aux Français pendant quelques semaines.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Alors que le gouvernement a annoncé une ébauche de calendrier de “déconfinement”, quels sont les signes encourageant qui ont pu inciter le gouvernement à rouvrir l’économie du pays ?

Antoine Flahault : Début avril 2021, la France a été reconfinée, avec écoles fermées, alors que le nombre de nouvelles contaminations, dans une progression exponentielle depuis début mars, atteignait alors 40 000 cas et près de 300 décès quotidiens et que les réanimations approchaient de leur point de saturation sur presque l’ensemble du territoire. Le Président de la République et son gouvernement ont annoncé un confinement jusqu’à la mi-mai avec un plan de déconfinement se déroulant à partir de début mai, sans le conditionner à des objectifs sanitaires précis. Après trois premières semaines de confinement, les indicateurs sanitaires sont plutôt favorables, puisque la courbe exponentielle a été cassée, le taux de reproduction est passé depuis plusieurs jours sous le seuil de 1, le sommet de la vague a donc été atteint, et même la situation épidémiologique semble amorcer désormais sa décrue. Tout cela a pu inciter le gouvernement à libérer la vie sociale et économique du pays, sans plus attendre, puisque les écoles maternelles et primaires rouvriront dès le début de la quatrième semaine du confinement puis suivront graduellement les terrasses des bars et des restaurants, et enfin la vie culturelle et sportive.

Néanmoins, certains signaux doivent inciter à la prudence. Quels sont les indicateurs qui nous montrent que ce “déconfinement” ne se fera pas dans des conditions sereines ?

Deux pays européens nous montrent la route après avoir connu des situations proches de celle de la France, il s’agit du Royaume-Uni et du Portugal. Ces deux pays ont décidé des confinements stricts avec fermeture des écoles pendant plus de deux mois (à partir de début janvier pour le premier, mi-janvier pour le second).

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Le Royaume-Uni est un exemple particulièrement pertinent parce qu’il a une taille de population similaire à celle de la France. Le confinement annoncé par Boris Johnson le 4 janvier 2021 suivait un mois ininterrompu de croissance exponentielle des courbes qui ont frôlé les 60 000 cas et 1200 décès quotidiens. Le système de santé du pays (NHS) avait prévenu qu’il ne serait plus en mesure de soigner les Britanniques avec les standards de qualité requis d’ici trois semaines si la courbe continuait à cette allure. Après plus deux mois d’un confinement strict, le pays est passé sous la barre des 5000 cas et 50 décès quotidiens (le 25 mars 2021). La baisse des décès a même été plus rapide qu’anticipé (le pays enregistre actuellement moins de 20 décès de Covid par jour), grâce à la rapidité de la vaccination qui couvre aujourd’hui près de 50% de la population britannique. Les écoles anglaises ont rouvert à partir du 8 mars, soit après deux mois pleins de suspension des cours présentiels. Et c’est seulement à partir de maintenant que le Royaume-Uni se décide à commencer à libérer la vie sociale et économique du pays.

Le Portugal (10 millions d’habitants), pays six fois et demi plus petit que la France, a annoncé un confinement strict du pays avec fermeture de ses écoles le 15 janvier dernier alors qu’il connaissait une croissance exponentielle incontrôlée de son épidémie, avec un pic qui allait dépasser les 12 000 cas et les 300 décès quotidiens. Ce n’est que deux mois plus tard, le 15 mars que les écoles primaires ont rouvert leurs cours présentiels et qu’un déconfinement prudent a été annoncé et commencé à être mis en œuvre.

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La France, qui a confiné le pays dans un état moins catastrophique que le Royaume-Uni et le Portugal peut tabler sur un retour plus rapide de la décrue épidémique que ses homologues. Trois semaines (au lieu de deux mois) de fermeture des écoles suffiront-elles à retrouver des niveaux proches de ceux de juin 2020 ou moins de mille cas et 20 décès par jour étaient rapportés par la France ? C’est un pari audacieux. Il n’est pas impossible cependant qu’il se réalise, sauf si les nouveaux variants devaient contre-carrer les efforts qui sont encore demandés aux Français pendant quelques semaines. Il convient dès lors de mettre tous les atouts de son côté pour faire pencher la balance du bon côté.

Une fois le bilan avantage/inconvénient posé, quelles clés nous restent-ils pour faire pencher la balance du bon côté ?

Il faut bien garder en mémoire que ce coronavirus et tous ses variants se propagent essentiellement par voie aérosol. On a trop longtemps insisté sur la contamination par les surfaces ou les objets souillés, or il apparaît aujourd’hui que c’est une voie mineure. On a aussi longtemps cru que la voie directe (de personnes très proches et face à face) jouait un rôle, mais elle semble bien moins importante qu’initialement envisagée. La voie aérosol semble donc être le mode principal de contamination. Rappelons rapidement qu’il s’agit des aérosols de notre respiration que nous connaissons tous très bien, puisque nous les voyons l’hiver, lorsqu’il fait froid, sortir de nos narines et de notre bouche dans la rue. Très vite, en milieu extérieur, ils se diluent dans l’atmosphère. Mais à l’intérieur, dans des locaux peu ventilés, les nuages d’aérosols que nous produisons en respirant, parlant (en quantité dix fois supérieure), chantant ou criant (cinquante fois plus), ces nuages peuvent persister plusieurs minutes et même plusieurs heures. Si l’un des occupants de la pièce est porteur du virus et contagieux, c’est là essentiellement que nous nous contaminons. Et nous prenons d’autant plus de risque de nous contaminer que nous restons longtemps dans ces locaux peu ventilés, que nous y sommes nombreux en forte promiscuité, sans grande distance physique et sans porter de masque. La priorité qui s’impose donc aujourd’hui, si l’on veut aider à faire baisser le niveau de contaminations dans le pays, c’est de limiter les risques de contaminations en milieu intérieur. Pour cela, il faut éviter de se retrouver trop longtemps dans ces lieux clos, peu ventilés que j’ai évoqués. Il faut essayer de porter le masque en permanence en lieux clos (y compris dans les studios de télévision !), et garder une distance physique entre les personnes, et minimiser le nombre de personnes présentes en même temps. On peut ajouter qu’il faut éviter autant que possible d’y parler, chanter ou crier. Et désormais on sait qu’il faut aérer convenablement ces lieux peu ventilés. Or la ventilation relève d’une expertise complexe, c’est même un métier (qui s’appelle « ventiliste ») occupé par des personnes qui disposent de cette expertise pour savoir si un local est correctement ventilé et pour conseiller et installer éventuellement les dispositifs les plus appropriés. Il est en effet difficile d’évaluer le degré de ventilation d’un local fermé. Combien de temps ouvrir les fenêtres ? Est-ce qu’une seule fenêtre ouverte suffit ou faut-il en ouvrir plusieurs ? Que faire en l’absence d’ouverture possible des fenêtres ? Pour répondre à toutes ces questions, il existe un premier dispositif simple qui s’appelle le capteur de CO2 et qui mesure très efficacement l’état de ventilation de la pièce. Cet état évolue bien sûr en fonction du niveau d’occupation du local. Ces capteurs sont souvent équipés de diodes tricolores. Une salle de classe peut très bien être au vert en commençant le cours. Puis après trois quart d’heure, si le capteur passe à l’orange, l’enseignant peut proposer d’ouvrir quelques fenêtres. Si cela ne suffit pas et que le capteur vire au rouge (correspondant à une concentration de CO2 dans la pièce de plus de 1000 ppm), alors il fait évacuer dans le calme la classe, que tout le monde se retrouve dans la cour, le temps d’aérer à nouveau la salle et y revenir. Une salle correctement aérée (capteur au vert) ne dispense pas d’y porter le masque et de respecter des distances physiques entre les occupants, de maintenir la jauge minimale d’occupation du local, et d’y séjourner le moins longtemps possible, on peut ajouter d’éviter d’y parler, chanter, crier si possible, ce qui peut être plus difficile à l’école. Il arrive que certains locaux ne sont pas équipés de fenêtres qui s’ouvrent. Dans ce cas, la ventilation mécanique est peut-être suffisamment performante et les capteurs de CO2 l’indiqueront. Si ce n’est pas le cas, le ventiliste conseillera l’équipement d’un purificateur d’air de puissance adaptée au volume de la pièce, muni d’un filtre HEPA, qui permet de se débarrasser des particules fines dont les aérosols potentiellement contaminés par le coronavirus. Les purificateurs d’air n’enlève pas le gaz carbonique (CO2) de la pièce, donc l’air peut être pur de tout coronavirus dans la pièce mais chargé en CO2, le capteur de CO2 dans ce cas précis n’est pas un indicateur approprié.

Au total, c’est bien l’addition de ces mesures qui permet de réduire substantiellement le risque de contamination. En se rappelant que les moins à risque de toutes les activités, vis-à-vis de la Covid-19, restant de les mener en milieu extérieur.

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