Disraeli Scanner
Une occasion historique de sortir du tête-à-tête franco-allemand
Si Emmanuel Macron n’avait pas un peuple à gouverner, il se sentirait très proche du presque quinquagénaire Weidmann, partisan d’une harmonisation des fiscalités au sein de la zone euro; mais il y a les Français.
Disraeli Scanner
Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880. Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat. L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874
Le 25 février 2018
Qui est l’homme fort en Europe, Emmanuel Macron ou Jens Weidmann?
Mon cher ami,
Emmanuel Macron fait l’expérience qui fut celle de François Mitterrand en son temps: régner à Paris ne garantit pas d’imposer ses choix à Bruxelles ou à Berlin (du temps de Mitterrand, c’était Bonn). Le président français aimerait imposer des listes transnationales pour les élections au Parlement Européen de 2019 - créer l’Europe En Marche, EEM, l’Europe selon Emmanuel Macron - mais les partis établis au Parlement Européen, coalitions de représentants issus d’élections nationales, ont bien l’intention de faire s’enliser le projet. Si l’on ajoute qu’Angela Merkel, pour faire accepter la Grande Coalition à son parti, a demandé au SPD de soutenir le principe d’une candidature de l’actuel président de la Bundesbank, Jens Weidmann, à la succession de Mario Draghi, le champ des possibles européens a l’air de se réduire pour le président français. Weidmann est sur une ligne monétariste dure. Il a toujours fait savoir sa méfiance quant à la ligne Draghi. Si Emmanuel Macron n’avait pas un peuple à gouverner, il se sentirait très proche du presque quinquagénaire Weidmann, partisan d’une harmonisation des fiscalités au sein de la zone euro; mais il y a les Français.......
J’ai relu toute une série de conférences ou déclarations faites par le président de la Buba (la Bundesbank). Il met bien entendu de l’eau dans son vin, pour apparaître moins raide que sa réputation; mais il n’a pas grand souci à se faire vue qu’il exprime ce que pensent profondément les responsables allemands: maintenant que l’économie européenne est repartie, il est temps de mettre fin, doucement mais résolument, au Quantitative Easing qui a permis de relancer la zone euro et de faire passer dans les populations les rtéformes dites structurelles. Qand Weidmann fait l’éloge de Macron, c’est pour se féliciter qu’il y ait enfin un réformateur à l’Elysée. Ce n’est sûrement pas pour endosser l’idée d’un budget européen commun ni, plus généralement, d’une quelconque mutualisation des dettes.
Essayons d’imaginer les scénarios de l’année 2018 en matière de relations franco-allemandes. Première possibilité: nous apprenons, dans une semaine, que les membres du SPD votent en faveur de la Grande Coalition. Angela Merkel entame son mandat et elle fait accepter rapidement que Jens Weidmann soit le successeur de Mario Draghi à l’automne 2019. Seconde possibilité: la Grande Coalition ne se fait pas. Angela Merkel se retire de la vie politique; de nouvelles élections ont lieu; une CDU et une CSU situées plus à droite regagnent des suffrages et sont en mesure de de constituer une majorité avec le FDP. L’une des premières décisions d’un nouveau chancelier chrétien-démocrate est de faire accepter par ses partenaires européens la nomination de Jens Weidmann comme successur de Mario Draghi......
Voyez-vous, mon cher ami, le grand politique dispose toujours de plusieurs options. Votre Macron se révélera-t-il être un grand politique? Il me fait plutôt penser pour l’instant à François Mitterrand dans la mesure où, comme ce dernier, il semble très fort pour se préserver plusieurs options en France; en revanche, tout comme le président des années 1981-1995, Macron ne semble pas avoir plusieurs options extérieures - ni même les chercher. Le jeu allemand est fermé; c’est évident depuis le début; et pourtant le président français s’obstine à « attendre Godot » au lieu de jouer, par exemple, la carte britannique ou bien, plus largement, une carte transatlantique permettant de sortir du piège allemand.
Je vous assure que rien n’est plus fascinant et attristant que de voir votre pays, depuis cent-cinquante ans, depuis la terrible guerre franco-prussienne, incapable de sortir de son face à face avec l’Allemagne. Régulièrement, l’histoire vous a fourni l’occasion de vous libérer de la dépendance dans laquelle vous vous étiez mis et, non moins régulièrement, vos dirigeants ont fait le mauvais choix.
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