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Une France en colère : c’est ce que révèle l’affaire du drapeau français de Cagnes-sur-mer
©Reuters

Pavillon haut

On assiste à la renaissance d’un sentiment longtemps refoulé. Peut-être pas encore l’amour des trois couleurs mais à coup sur un rejet de ceux qui ne les aiment pas.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Il y a des pays où le drapeau national fait partie du décors ou des produits de premières nécessités. Aux Etats-Unis et en Israel, pour ne parler que d’eux, il est partout. Sur le toit des maisons. Sur un mat planté sur la pelouse d’une résidence.  Lors des remises de diplômes universitaires. Sur les épaules de lycéens et de lycéennes lorsqu’ils partent à l’étranger en voyage de groupe. En France, il n’y a pas de drapeau français. Et en tout cas, presque personne n’en a un chez soi. 

On l’a bien vu quand François Hollande a demandé qu’on pavoise en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre. Dans les grandes villes, les façades des maisons sont restées désespérément vides. Et dans les localités normandes près desquelles j’habite, il n’y en avait aucun sauf sur les mairies où il flottait confit dans sa solitude pathétique. Il ne faudrait pas croire que cette absence était du à un rejet que tout ce que dit ou suggère le président le plus impopulaire de la Vème République. C’est que tout simplement le drapeau français ne fait plus, depuis longtemps, partie du kit émotionnel du citoyen ordinaire. 

A Cagnes-sur-Mer, deux dames âgées avaient accroché un drapeau tricolore à leur balcon au lendemain des attentats. Et elles l’on laissé. Ce qui leur a valu un courrier comminatoire du syndic de l’immeuble qui, invoquant le règlement de la co-propriété, les a sommées de retirer le drapeau dont il pensait qu’il nuisait à l’harmonie de la façade. Elles ont refusé. En d’autres temps, l’affaire n’aurait fait tout au plus que quelques lignes en bas d’une page de Nice Matin. 

Or, de cette histoire aujourd’hui toute la France en parle : journaux, radios, télévisions, sites d’information (un des articles les plus lus sur Atlantico) racontent en détails la fière audace des deux dames et dénoncent la bassesse du syndic. Les deux courageuses sont en passe de devenir des héroïnes nationales. Quant au syndic, il est mis, sans trop de nuances, au ban de la patrie. Il s’est donc passé quelque chose, et en profondeur, en France pour qu’on réagisse ainsi. 

Pour prendre une comparaison champêtre le drapeau français c’était un peu comme un vieux prunier desséché au fond de votre jardin. Il ne donnait plus de fruits. Pauvre squelette dépourvu de toute fraicheur et privé de toute attention. Puis un jour l’arbre décharné a suscité l’ire de certains. On cassait ce qu’il lui restait de branches. Sur son écorce, on gravait "nique le prunier" et alors à votre tour vous vous êtes mis en colère. Non vous n’avez pas été pris d’une passion frénétique pour le prunier. Mais vous avez éprouvé un ressentiment grandissant à l’égard de ceux qui le détestaient autant. 

La haine appelle souvent la haine : jamais l’amour. Et c’est ce qui arrive aujourd’hui avec ce qu’on a fait au drapeau tricolore. On a craché sur lui de trop nombreuses fois. Et, comme on dit, la coupe est pleine. Allez voir un mariage dans les quartiers nord de Marseille : aux fenêtres des voitures du cortège nuptial, des drapeaux flottent et ils ne sont pas français. Il faut aussi, comme moi, être passé un jour de match Algérie-Egypte rue de Paris à Montreuil. Toute l’artère bruissait de drapeaux algériens. Et au milieu de la chaussée, bloquant la circulation, deux jeunes avaient déployé une banderole aux couleurs de l’Algérie. Un phénomène massif qui n’a pas échappé à tous ceux qui aujourd’hui plébiscitent le geste de deux dames de Cagnes-sur-Mer.

Cette mobilisation n’est ni anodine ni anecdotique. Elle révèle une vraie colère dont la gauche serait bien avisée de tenir compte. Car elle a sa part de responsabilité dans le délaissement du drapeau tricolore. Elle l’a trouvé sans doute trop nationaliste et stigmatisant pour les jeunes de la rue de Paris à Montreuil. Elle a laissé le Front National le préempter ce qui, à ses yeux, l’a totalement discrédité. Une phrase à ce propos et pour conclure. Celle d’une personnalité interviewée à la télévision ( je ne sais plus si c’était Finkielkraut, Zemmour ou un autre) dans les jours qui suivirent le massacre au Bataclan : "Et vous aussi, vous allez hisser le drapeau tricolore ?" "Ah non !" "Et pourquoi donc ?" "On me l’a interdit pendant trop longtemps."

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