Une étude menée dans 10 pays montre à quel point le dérèglement climatique angoisse les jeunes générations <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Une étude menée dans 10 pays montre à quel point le dérèglement climatique angoisse les jeunes générations
©CHRISTOPHE SIMON / AFP

Grenade politique dégoupillée

Une nouvelle enquête mondiale illustre la profondeur de l'anxiété que ressentent de nombreux jeunes face au changement climatique.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

Voir la bio »

Atlantico : L’université de Bath en Angleterre a mené dans 10 pays dont la France un sondage sur la perception des jeunes du changement climatique. Près de 60 % des jeunes se disent très inquiets ou extrêmement inquiets. Plus de 45% des personnes interrogées ont déclaré que leurs pensées au sujet du climat affectent leur vie quotidienne. Les trois quarts d'entre eux trouvent l'avenir effrayant. Plus de la moitié (56%) disent que l'humanité est vouée à l'échec ! Que vous inspirent ces données ? 

Ce sont des chiffres très élevés qui mettent en avant la réalité de la notion d'éco-anxiété. Ce ne sont pas que des jérémiades d'enfants gâtés. Certains jeunes sont effectivement très angoissés par l'avenir de la planète. Mais pas tous. Dans une enquête récente de Harris Interactive pour Challenges, on voit que les jeunes français sont aussi la catégorie la plus optimiste. Ceci dit, il existe un phénomène d'éco-anxiété qui semble partagé dans le monde entier. Ce sont d'ailleurs les jeunes Philippins qui sont le plus "éco-anxieux". Ce n'est pourtant pas du tout le même profil que Greta Thunberg et ses amis suédois.

Quel est le profil des jeunes "éco-anxieux" ?

Ce que l'on sait, c'est que les jeunes qui participent aux marches pour le climat sont plutôt des jeunes diplômés, dont les parents sont plutôt CSP+. En 2018, le manifeste d'étudiants de grandes écoles en faveur de l'écologie avait eu un grand succès dans le monde étudiant. Ça ne veut pas dire que les jeunes moins diplômés et venant de catégories populaires ne sont pas éco-anxieux. Mais la prise de conscience de ce qui nous menace est peut-être plus forte chez les étudiants.

À Lire Aussi

Comment l’épidémie d’éco-anxiété de nos enfants transforme dangereusement leur vision du monde et de la politique

L'enquête montre aussi que beaucoup de jeunes ressentent de la colère car ils se sentent trahis par leur gouvernement qui n'agit pas pour la planète. Ces jeunes sont-ils une bombe politique à retardement ?

C'est typique de l'affrontement entre la génération Y/Z et les baby-boomers. Les jeunes ont le sentiment que leurs aînés leur laissent un monde en mauvais état. Les élites sont particulièrement pris pour cible soit du fait de leur politique néfaste pour l'environnement soit du fait de leur passivité face au dérèglement climatique. Il est évident qu'à la fin de la décennie les générations Y et Z seront majoritaires dans la population active, chez les consommateurs et dans le corps électoral. On va assister à un renouvellement générationnel qui va changer la face de l'économie et de la politique.

Les jeunes sensibilisés à la question écologique ont une défiance par rapport au système qui n'est pas la même que la défiance exprimée par des jeunes qui seraient tentés par un vote populiste. Le problème, c'est que cette défiance ne s'exprime pas ou peu électoralement. En effet, beaucoup de jeunes ne votent pas ou votent pour des partis périphériques (voire des micro-partis) qui ne seront jamais au pouvoir dans l'état actuel des choses. Pour l'instant, le logiciel politique n'a pas fondamentalement changé en faveur de l'écologie. Ça peut changer dans le futur. Ces jeunes vont-ils intégrer les partis traditionnels ? ou créer le leur ? Rien n'est moins sûr car nombre d'entre eux sont peu enclins à faire de la politique au sens traditionnel du terme. Pire, beaucoup n'ont même plus confiance dans la démocratie. Ils sont ainsi amenés à privilégier des mouvements sociaux comme Extinction Rébellion - dont l'impact politique reste à démontrer. Il faudra regarder en 2022 si cette génération va participer massivement au débat et peser dans le vote. Ce n'est pas certain.

Les deux tiers des sondés ont déclaré se sentir tristes, effrayés et anxieux. Une génération déprimée est-elle en vue ? Cela peut-il avoir des conséquences politiques ?

En général dans les enquêtes d'opinion, plus on est jeunes, plus on a une vision positive de l'avenir. Ici on observe un retournement, à cause du réchauffement climatique doublé de la crise du Covid. Cette atmosphère pré-apocalyptique peut aboutir à une radicalisation des visions et à une forme de néo-puritanisme. Comme s'il fallait expier une faute collective commise par les générations précédentes en arrêtant certaines pratiques : prendre la voiture, l'avion (flygskam), manger de la viande, etc. C'est un phénomène que l'on retrouve dans la lutte décoloniale ou anti-raciste. Cette radicalisation des opinions peut peser dans le débat politique et c'est à mes yeux le risque de cette éco-anxiété.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !