Une étude du MIT révèle que même sans émissions humaines, les sources NATURELLES de pollution atmosphérique dépassent les normes de qualité de l'air dans de nombreux pays<!-- --> | Atlantico.fr
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Un cycliste au sommet de Primrose Hill à Londres, alors que la ville est plongée dans la pollution. La mauvaise qualité de l'air a été causée par des vents légers et la poussière du Sahara.
Un cycliste au sommet de Primrose Hill à Londres, alors que la ville est plongée dans la pollution. La mauvaise qualité de l'air a été causée par des vents légers et la poussière du Sahara.
©ADRIAN DENNIS / AFP

Nouvelle échelle

C’est même plus de 50% de la population mondiale qui est exposée à une pollution naturelle qui dépasse les nouvelles normes de qualité de l’air édictées par l’OMS. Ont-elles vraiment un sens dans ce contexte ?

Olivier Blond

Olivier Blond

Olivier Blond est conseiller régional, délégué spécial à la santé environnementale et à la lutte contre la pollution de l'air et Président de Bruitparif.

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Atlantico : En réponse au nombre croissant de preuves sur les effets néfastes des particules fines, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment mis à jour ses directives sur la qualité de l'air, abaissant de 50 % sa recommandation d'exposition annuelle aux PM2,5, passant de 10 microgrammes par mètre cube (µm 3 ) à 5 µm 3. Pourtant une nouvelle étude du MIT révèle l'importance des sources naturelles de pollution atmosphérique qui dépassent les normes de qualité de l'air dans de nombreux pays. Au regard des conclusions de cette étude, les nouvelles normes édictées par l'OMS ont-elles un sens ? Quels sont les principaux enseignements de cette étude ?

Olivier Blond : Le fait qu’une partie de la pollution atmosphérique soit d’origine naturelle n’est pas une nouveauté. Il y a ainsi régulièrement, souvent au printemps, des pics de pollution qui sont d’origine naturelle dans le Sud de la France, dans la région de Marseille et en Corse. Le vent emporte la poussière saharienne par-delà la Méditerranée et cela génère de la pollution mais sans grande toxicité. Car la quantité ne fait pas tout : la composition chimique des molécules est l’élément le plus important. Certaines molécules sont relativement bénignes, d’autres sont beaucoup plus toxiques.    

Ces pics de pollution d’origine naturelle sont aussi constatés à proximité de zones forestières. Il peut y avoir une production naturelle de composés organiques volatiles qui vont générer des mini pics de pollution.

Cette étude nous rappelle donc que tout ce qui est naturel n’est pas forcément bon et sain. C’est également vrai pour le radon, un gaz radioactif émis naturellement par un certain nombre de roches, comme le granit, et qui peut se retrouver dans les habitations. Cela nécessite d’aérer régulièrement afin d’éviter une concentration trop élevée. La nature n’est donc pas forcément bienveillante et saine en toutes circonstances. Elle peut parfois générer des problèmes.

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L’étude montre également qu’il y a des différences régionales fortes. En Europe, l’apport naturel en PM 2,5 est relativement faible. Mais il est beaucoup plus élevé en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Cela est lié à des phénomènes naturels connus. Le Sahara émet des quantités très importantes de poussière. En Afrique, cela peut avoir des conséquences sanitaires plus graves car cette poussière se mélange à d’autres particules d’origines multiples (feux de bois, moteurs des deux roues). Et dans ces zones, le seuil fixé par l’OMS est moins pertinent.

Il faut dire, aussi, que fixer un seuil, comme le fait l’OMS, correspond à un acte politique. Cela oriente l’action en santé publique. Cela permet d’alerter sur le fait qu’il y ait des particules dont on connaît la toxicité et contre lesquelles il faut lutter. En Europe, toutes les études montrent qu’au-dessus d’un certain seuil de PM2.5 des effets néfastes commencent à apparaître. Ces seuils permettent à l’OMS d’attirer l’attention sur ces particules.

Enfin, notre connaissance de la pollution de l’air s’affine via ce type d’études. Pendant très longtemps on se concentrait sur les PM 10, plus grosses que les PM 2,5. Mais on sait aujourd’hui que les PM 2,5 sont plus toxiques que les PM 10. La décision de l’OMS est aussi une manière d’inviter les organisations de surveillances de la qualité de l’air et les services de santé publique à porter une plus grande importance aux PM 2,5 qu’au PM 10.

Au regard des résultats de cette étude, le passage à un avenir sans carburant fossile aiderait-il différentes régions du monde à respecter cette nouvelle directive sur la qualité de l'air ?

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L’étude ne remet pas en cause le fait qu’il faille lutter contre les carburants fossiles et les combustions de manière générale, avec l’utilisation de charbon par exemple pour produire de l’électricité. C’est évidemment une bonne chose que d’en diminuer l’usage. Cela va contribuer à diminuer les concentrations de PM 2,5. Mais il est vrai que dans certaines situations, en Afrique notamment, cela ne permettra pas d’atteindre des niveaux qui seraient jugés sains car la composante naturelle de la pollution est très importante.

Comment lutter efficacement contre ces causes de pollution naturelles liées aux particules fines ? D'où proviennent-elles au regard de cette étude ?

Il est quasiment pratiquement impossible de lutter contre les poussières désertiques, comme celles du Sahara. Lutter contre les émissions des composants organiques volatiles issus des forêts est aussi très délicat car il s’agit d’un mécanisme naturel des écosystèmes.

Il faut donc accepter qu’il y ait ces émissions naturelles et qu’elles ne diminueront pas dans un avenir prévisible. L’enjeu est donc de se concentrer sur la part évitable de ces émissions. Cette part évitable fluctue en fonction des régions.   

Ces types de travaux et ces résultats doivent-ils nous amener à revoir notre approche de lutte contre le dérèglement climatique ?

En général, il n’y a pas de corrélation directe entre les questions de pollution de l’air et les questions de changement climatique. Les pollutions naturelles ont un impact limité sur le réchauffement climatique.

Quels sont les éléments majeurs à retenir de cette étude et de ces travaux ?

L’étude permet de faire réfléchir les gens. Les chercheurs mettent en avant une idée essentielle : on mesure la pollution avec une sorte de thermomètre assez grossier, les PM 2,5. Parfois, c’est un peu trompeur parce que l’on ne prend pas en compte un élément déterminant : la nature chimique et l’origine des polluants.

Certains polluants naturels comme le sable du Sahara sont présents en grande quantité mais ils n’ont pas un impact sanitaire majeur en Europe.  La composition de ce sable - essentiellement de minéraux et de sels – diffère fortement de ce qui est émis par les moteurs thermiques et les systèmes de combustion comme les centrales à charbon.

L’enjeu est donc de parvenir à identifier plus finement la nature chimique de ces polluants, qui est associée à leur source et qui définit leur toxicité. Il s’agit d’un enjeu majeur comme le montre l’exemple récent de la pollution de l’air dans le métro. Le gouvernement a saisi l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) pour lui demander de fixer un seuil maximum dans le métro. L’agence n’a pas pu le faire parce que la composition de cette pollution est trop différente de celle de l’air en extérieur. Les experts ont considéré qu’ils manquaient d’outils pour déterminer la toxicité réelle.

Cette situation est unique dans le monde de la toxicologie.  Quand vous avez des seuils dans l’alimentation ou dans l’eau, ces seuils sont définis par catégorie chimique de molécules, par exemple pour le plomb, les phtalates, de dioxine.

Notre connaissance de la chimie de l’air est moins fine et la diversité des molécules est gigantesque. Certains experts disent qu’il peut y avoir plus de 100.000 familles de molécules différentes dans un mètre cube d’air. Faute de mieux, les chercheurs utilisent donc des catégories un peu grossières : les PM2.5 regroupent les particules selon un critère simplificateur : leur taille (en l’occurrence, inférieure à 2,5 microns) et non pas leur composition chimique.

Les chercheurs estiment qu’il est nécessaire de continuer à améliorer notre outil de mesure. Cela doit permettre de mieux comprendre comment sont émises les PM 2,5 et quelles sont leurs origines. 

Olivier Blond est fondateur du think tank l'institut Brunoy (http://institutbrunoy.fr/) pour une écologie des solutions et conseiller régional et délégué spécial auprès de la région Ile-de-France. Olivier Blond a publié "Plaidoyer pour une écologie... de droite" aux éditions Albin Michel 

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