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Un t-shirt contre la bipolarité : pourquoi ce n’est pas qu’un gadget
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Crazy fashion

Un tee-shirt pour soigner la bipolarité. Si l'idée peut paraître loufoque, une équipe de chercheurs suisses l'a pourtant rendue réelle. Ce vêtement bardé de capteurs permettrait ainsi de lutter contre l'arrêt de la prise de médicaments, provoqué par la forme profonde de la maladie.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Des chercheurs suisses sont actuellement en train de développer un tee-shirt bardé de capteurs ayant pour but d'aider les bipolaires, ex maniaco-dépressifs, à mieux se soigner. Comment fonctionne cette technologie, et peut-elle vraiment aider ces malades ?

Catherine Grangeard : Les neurosciences ont des applications permettant de mesurer les états d’âme, ce qui semble extraordinaire. Nous sommes passés du laboratoire à la vie quotidienne, et c’est cela qui époustoufle. Ainsi des capteurs insérés dans un tee-shirt mesurent puis transmettent à un smartphone différentes données. Ce projet suisse, bien nommé PSYCHE, est encore expérimental… Ainsi les personnes visualiseront et pourront adapter leurs traitements.

Les malades bipolaires sont effectivement les maniacodépressifs d’antan. On saisit bien qu’il y a alternance entre très haut et très bas dans les états d’âme. Cette grande disparité est difficile à vivre et entraîne, entre autres, l’interruption des médicaments. Ce qui a des conséquences souvent graves, parfois dramatiques, comme les tentatives de suicide.

Quels problèmes particuliers pose actuellement cette pathologie quant à la prise de traitement ? Au rapport du malade à sa maladie ?

Parce que la personne se sent en pleine forme, lors de la phase maniaque, elle ne juge pas nécessaire de continuer son traitement, quel qu’il soit. Et c’est là où l’étude PSYCHE nous questionne : la personne mettra-t-elle son tee-shirt, le branchera-t-elle au smartphone ? Sinon, cela risque de devenir gadget…

Le problème est que c’est une maladie d’alternance d’états. La phase dépressive est hyper dure à vivre, alors dès que c’est la remontée, il n’y a aucune envie de se souvenir que cela risque de repartir vers le bas. Une envie folle d’occulter cette difficile réalité explique les arrêts de traitements, autant les médicaments que les psychothérapies, toutes tendances confondues. Le malade, comme vous dites, a le désir d’oublier sa maladie et il se voile l’insupportable réalité lorsqu’il est euphorique.

Quels sont aujourd'hui les méthodes qui permettent le suivi de l'état des bipolaires ? Nécessitent-elles réellement d'être améliorées ?

Il existe de nombreux médicaments, adaptés à différents états. Mais il est compliqué de trouver celui qui va bien et la dose qui convient, puisque le changement est permanent, par définition. Cela peut prendre du temps et décourager la personne et son entourage. Toutes les psychothérapies offrent des prises en charge qui aident la personne à telle période de sa vie. Le patient trouve dans telle orientation de quoi dépasser ses difficultés à un instant "t" de son existence, puis dans une autre approche un complément à un autre moment. On ne guérit pas de la maniaco-dépression. On reste bipolaire. C’est une structure psychique. Bien sûr, que les traitements sont perfectibles. Mais, je vous rappelle que le principal risque, en raison de la nature même de la pathologie, est l’interruption du traitement, de tous les traitements…

Quelles autres pathologies "de l'esprit" pourraient bénéficier de ce genre de technologie ? Peut-on imaginer des relevés à distance des pulsions alimentaires ou des TOC pour aider à les soigner ?

De nos jours, le sujet psychique bénéficie de ces avancées et par ailleurs, il en souffre. Le rêve de stabiliser les maux de l’âme, parce qu’ils sont épouvantables, peut mener à ignorer qu’il s’agit d’une donnée existentielle de la vie humaine. Si l’on peut à la fois intégrer les avancées de la science et ne pas ignorer qu’un être humain ne se résume pas à des données que des capteurs, même sophistiqués, apportent, nous aurons fait de grands pas. Comment tolérer de ressentir quelques « pathologies de l’esprit » ? Tout stabiliser, robotiser peut induire à penser qu’il est indispensable de supprimer tous les états d’âme. Comment arriver alors à exprimer son mal-être, à le faire entendre ? C’est peut-être très dangereux, car on monte alors en gamme, et les gens en arrivent à se faire de plus en plus mal.

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