Un Président qui ne veut pas être dérangé par le réel dans les mois qui viennent: la curieuse non-entrée en campagne d'Emmanuel Macron<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Président de la République prononçant un discours à l'Elysée le 8 novembre 2021
Le Président de la République prononçant un discours à l'Elysée le 8 novembre 2021
©©MICHEL EULER / POOL / AFP

Vous avez dit étrange ?

Le discours du président de la République, ce 9 novembre 2021 au soir avait des contours étranges.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Un style apaisé voire neurasthénique
Sur la forme, d'abord. Emmanuel Macron nous a habitués à changer souvent de décor et de mise en scène. En l'occurrence, il était étrangement calme, presque éteint, avec une voix lugubre, dont l'effet quasi-funèbre par moment fut accentué, vers la fin de l'allocution par de mauvais réglages en régie. Certes, chassez le naturel et il revient au galop....cependant la capacité macronienne à l'autosuggestion et à l'exaltation, que nous avons dû tant de fois subir, a rarement percé, cette fois. Un petit peu quand il s'est mis à marteler le thème du travail. mais au total, il semble bien que le Président en fin de mandat ait testé un nouveau style, pour convaincre les Français qu'il se maîtrise, qu'il n'hystérise pas les débats. Ou bien nous prépare-t-il autre chose, une annonce qu'il ne se représentera pas? 
Celles et ceux qui s'angoissent sans raisons
Sur le fond, ensuite. Fini le tableau épique de la guerre contre le virus. Juste l'annonce de l'inévitabilité de rappels vaccinaux. Avait-on besoin d'un discours du Président de la République pour cela? Puis nous avons eu droit à un bilan tout à fait hors sol du bon état de la France encadré par deux allusions à l'angoisse des Français. On aurait aimé que nous fût expliqué la raison pour laquelle avec ce qui est présenté comme le meilleur bilan d'un président français depuis longtemps, on puisse avoir un pays aussi angoissé. On comprend bien que le Président a voulu se poser en rassembleur, pondéré, capable de rassurer, à l'opposé de ce que l'on commence à dire de lui chez LR, à savoir qu'il exacerbe les tensions au sein de la société française. De là à faire comme si les Français n'avaient pas de raison de s'interroger sur l'avenir sanitaire, socio-économique et géopolitique tel qu'il était exposé au début du discours, il n'y a qu'un pas. 

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Quand le Président prend les Français pour des imbéciles
On remarquera d'ailleurs combien le Président a escamoté, plus que le reste, la question géopolitique. Il n'a finalement que parlé de l'Union Européenne. Comme si elle était la réponse à l'éventuelle angoisse géopolitique. Dormez, dormez bonnes gens, nous avons l'Union Européenne. Ensemble nous sommes plus forts. Et d'ailleurs je vais assumer la présidence tournante de l'Union, en votre nom, à partir du début janvier. Rien sur la pression migratoire aux portes de l'Union. D'ailleurs, le discours n'a pas parlé une seule fois d'immigration. Comme s'il s'agissait de suggérer qu'un Eric Zemmour est lui totalement hystérique puisqu'il met au centre de son diagnostic un problème... qui n'existe pas. Le Président a bien parlé d'insécurité et de l'augmentation des violences....mais c'était pour dévier immédiatement vers les violences faites aux femmes ou aux enfants. Loin de nous de nier ces réalités. mais le Président devrait savoir que l'insécurité à laquelle pensent les Français, aujourd'hui, est une insécurité universelle, présente partout dans les rues de nos villes et même jusque dans nos campagnes. On peut prendre les Français pour des imbéciles en leur donnant des statistiques de recul des cambriolages - facilement explicables par les confinements.  Mais on peut aussi leur parler de la réalité, celle d'une France ensauvagée, "Orange mécanique", pour reprendre la formule de Laurent Obertone, où les jeunes, en particulier, sombrent dans le nihilisme, par désoeuvrement, absence de scolarisation intégratrice et de sentiment d'appartenance à la nation - sans parler des séquelles psychologiques des confinements. 
Etrange, très étrange ce discours, qui ne cachait même pas que le Président ne voudrait pas être dérangé par le réel dans la campagne électorale qui s'ouvre. 

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