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Un océan sur une lune de Saturne : la découverte qui pourrait finalement confirmer la possibilité d'une vie extraterrestre au sein du système solaire
©Reuters

Y a quelqu'un ?

D'après la Nasa, un océan caché sous la surface d'une petite lune glacée de Saturne, Encelade, pourrait abriter une vie microbienne.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : La sonde Cassini a effectué des mesures sous la surface d'Encelade, l'une des lunes de Saturne. Il en ressort qu'elle pourrait abriter une vie microbienne. Il peut donc y avoir de la vie ailleurs que sur Terre dans le système solaire ?

Olivier Sanguy : Encelade fait partie des corps du système solaire les plus  susceptibles d'abriter de la vie. Le numéro un a toujours été Mars, dont on sait qu'elle a autrefois été habitable, Encelade est maintenant numéro deux, éventuellement à égalité avec Europe, qui est l'une des lunes de Jupiter.

Il faut savoir que lorsqu'on dit que Cassini a fait des mesures à la surface d'Encelade et qu'il est question de vie microbienne, cela relève plutôt d'une construction théorique. Il n'y a pas eu de mesure directe. Encelade est une toute petite lune sur laquelle on a remarqué que se trouvaient des geysers de vapeur d'eau au pôle sud. D'où vient cette vapeur, me dira-t-on, puisque Encelade est une boule de glace ? A partie de constructions théoriques, on s'est rendu compte que cette lune, de part son orbite, subissait par effet de marées une déformation de son intérieur, qui peut être une source de chaleur. Autrement, si loin du Soleil, il ne serait pas possible d'y trouver de l'eau liquide. On est tout de même à moins 180°C ! Il en va de même pour Europe, autour de Jupiter.

Cassini est passée plusieurs fois à proximité d'Encelade. Or le champ gravitationnel d'un corps céleste, quel qu'il soit, fait légèrement varier la trajectoire de la sonde en fonction se sa gravité. Les petites irrégularités par rapport à la trajectoire calculée trahissent les variations de densité dans la lune. C'est comme sur Terre, lorsqu'un satellite passe au-dessus de l'Himalaya, on en voit la signature. Concernant Encelade, on s'est rendu compte que ces variations étaient compatibles avec la présence d'un océan liquide sous la couche de glace.

Chaleur, eau et protection par une couche de glace, voilà trois éléments qui peuvent être favorables à la présence d'une vie. On parle de présence microbienne, car on a détecté avec ces geysers ce qu'on appelle des molécules organiques. Mais prudence : les molécules dites "organiques" sont celles qui contiennent du carbone et de l'hydrogène, elles ne sont pas forcément du "vivant" en soi. En revanche le vivant est basé sur des molécules organiques. On n'a encore jamais trouvé de vivant qui n'utilise pas cette base-là. Les trois éléments déjà mentionnés font dire à la NASA qu'il est possible qu'une vie microbienne se trouve sous cette couche de glace.

Ce type d'hypothèse se rapproche des sources de chaleurs que l'on connaît sous terre, au fond des océans. On a découvert des sources de vie à proximité des fumeurs noirs, ces cheminées au fond de l'océan d'où s'échappe de l'eau très chaude. Avant on ne pensait pas qu'il puisse y avoir de la vie à de telles profondeurs, puisque la lumière est absente et que la photosynthèse ne peut pas se faire.

"Cette découverte change notre point de vue quant aux zones habitables à l'intérieur de notre système solaire et dans les systèmes planétaires appartenant à d'autres étoiles", a déclaré la responsable du projet. Qu'est-ce que cela change ?

Elle a raison, mais dans un sens bien précis. La vie étant difficile à définir, on se base sur celles que l'on connaît sur Terre.  On la cherche d'abord sur les autres planètes, comme Mars ou des exo planètes. Il faut qu'elles soient ni trop près (ce qui est le cas de Mercure), ni trop loin (Mars, Jupiter ou Saturne) de leur soleil. La zone habitable du Soleil s'étend de Vénus à Mars, avec la Terre bien placée au milieu. En l'occurrence, Encelade peut abriter de la vie, et se trouve en dehors de cette fameuse zone. C'est en ce sens qu'elle a raison, on peut envisager que les lunes de planètes géantes pourraient abriter la vie. Le champ des possibles est ouvert, incontestablement.

Il est une personne qui est bien au courant de ces questions, et qui s'appelle James Cameron. Dans le film Avatar, Pandora, qui est un lieu habitable, n'est pas présenté comme une planète, mais comme la lune d'une planète géante. C'est sur ces travaux de prospectives qu'il s'est basé.

Cependant on a tendance à oublier que les planètes géantes comme Saturne ou Jupiter génèrent des champs magnétiques extrêmement puissants, qui rendent impossible la vie telle qu'on la connaît. Toute la question maintenant est de savoir si la couche de glace sur Encelade suffit à protéger d'éventuels organismes de ces champs magnétiques, qui s'accompagnent d'une ceinture de radiations.

Mieux positionnée par rapport au Soleil, Saturne (ou autre) aurait-elle pu abriter une vie comparable à la nôtre, ou ce champ magnétique rend-il de toute les façons la chose impossible ?

La question est ouverte. Ce qu'on appelle "l'exobiologie" est tout de même une science très jeune, on a commencé à en faire lors des missions lunaires. On distingue deux extrêmes, à  ce sujet. Les tenants de la "Terre rare" considèrent que les conditions d'apparition de la vie sont tellement complexes que nous sommes sûrement la seule vie dans l'univers, et certainement la seule civilisation. A l'opposé, d'autres personnes estiment que la vie est beaucoup plus résistante que cela, et que les possibilités sont beaucoup plus nombreuses. Par exemple, la vie n'est pas nécessairement une planète bien placée avec une atmosphère, ce peut aussi être une lune gelée autour d'une planète géante, et avec des conditions spécifiques qui font que la vie peut éclore.  Même s'il n'est pas question de voir émerger une civilisation, il serait déjà extraordinaire de découvrir ne serait-ce que des microbes sur un autre corps du système solaire.

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