UMP : Au-delà des postures, quelles différences idéologiques entre Copé, Fillon et Juppé ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Qui sera désigné chef de l'UMP en novembre prochain ?
Qui sera désigné chef de l'UMP en novembre prochain ?
©

Guerre de succession

François Fillon a engagé la bataille de l'UMP en annonçant, samedi, sa candidature sur son compte Twitter. L'actuel secrétaire général du parti, Jean-François Copé, préfère attendre, tandis qu'Alain Juppé se pose en recours, et propose «d'élire une équipe collégiale» dont il pourrait faire partie. Derrière les rivalités personnelles, les différences idéologiques entre les trois prétendants paraissent ténues...

Michaël Darmon Josée Pochat et Carole Barjon

Michaël Darmon Josée Pochat et Carole Barjon

Michaël Darmon est éditorialiste politique et intervieweur sur la chaîne Itelé.

Josée Pochat est journaliste pour l'hebdomadaire Valeurs actuelles.

Carole Barjon est rédactrice en chef adjointe à la rubrique Politique, chargée de l’Élysée et de la droite au Nouvel Observateur.

Voir la bio »

Atlantico : François Fillon est officiellement candidat à la présidence de l'UMP, tandis que Jean-François Copé se prépare et qu'Alain Juppé reste en embuscade. Au-delà des postures et des inimitiés personnelles, y-a-t-il de vraies différences idéologiques entre les candidats ?

Josée Pochat :Il n’y en a aucune. On est dans une guerre de succession, pas dans une bataille d’idées. Sur la gestion économique et sociale du pays, il n' y a pas de différences entre eux.

En 1995, Alain Juppé était l'homme de la rigueur, il avait augmenté la TVA de deux points et voulait réduire les déficits pour que la France rentre dans l'euro.

En 2007, François Fillon a déclaré qu'il était à la tête d'un État en faillite. Jean-François Copé, lorsqu'il était ministre du Budget avait refusé fermement le passage de la TVA à 5,5 % dans la restauration, en considérant que cela n'était pas raisonnable étant donné l'état des finances publiques.

Alain Juppé, François Fillon et Jean-François Copé sont tous les trois libéraux et favorables à une politique de rigueur.

Carole Barjon : Il y a très peu de différence entre les trois. Cela se joue sur des nuances. Jean-François Copé est plus franchement libéral qu'Alain Juppé, qui a été nourri au lait gaulliste du RPR. Ils ne sont pas de la même génération. Toutefois, Alain Juppé était une sorte d'éclaireur au RPR, puisqu'il était plus européen et moins colbertiste que la plupart des membres traditionnels du parti gaulliste.

A la base, François Fillon, ancien "séguiniste", était le moins européen des trois. Dans sa formation initiale, il est le plus souverainiste. Il a voté "non" au traité de Maastricht. Néanmoins, il a beaucoup évolué sur ce point. Il cultive son image de gaulliste social. Mais en réalité, François Fillon n'était pas d'accord avec Philippe Séguin sur tout.Il a toujours été beaucoup plus libéral que Séguin. Dès 1995, il était à l'origine de la privatisation de France Télécom.

Finalement, sur le fond, les différences entre les trois prétendants sont assez infimes.

Michaël Darmon :Tous les trois sont des candidats de droite. Il y a des nuances, mais pas de différences fondamentales. François Fillon et Alain Juppé ont une fibre sociale tandis que Jean-François Copé est plus libéral. François Fillon tente désormais d'adopter une posture néo-gaulliste. Dans le JDD, il pose avec une photo du Général de Gaulle derrière lui. C'est surtout une manière de se démarquer de Nicolas Sarkozy. 

Les trois hommes semblent toutefois diverger quant à l'attitude à adopter face au Front national...

Josée Pochat : Il y a des différences de façade. Jean-François Copé semble plus à droite et plus ouvert à un rapprochement avec le Front national. Mais cela n'est pas si clair. Il ne veut pas se déporter trop à droite. Le jour du vote, il devra apparaître comme suffisamment rassembleur.

Par ailleurs, historiquement, il n'a jamais été très favorable à des alliances avec le Front national. En 1997, il a perdu son siège de député de Meaux dans une triangulaire avec le FN.

Carole Barjon : Sur ce point, François Fillon est une sorte de point médian entre Alain Juppé et Jean- François Copé. Ils ont tous approuvé la stratégie du "ni, ni". Mais Alain Juppé apparaît comme le plus intransigeant. François Fillon a également donné des signes en faveur du front républicain. Jean-François Copé est plus souple, notamment sur le plan local, même si on ne peut pas le soupçonner de vouloir faire des alliances avec le FN sur le plan national.

Michaël Darmon : Jean-François Copé n'est pas aussi ferme qu'Alain Juppé ou François Fillon sur les rapprochements locaux avec le FN. Lorsque Roland Chassain s'est désisté en faveur du candidat FN entre les deux tours des législatives, Jean-François Copé a officiellement condamné, mais a tardé avant de prendre une sanction disciplinaire. Il a fallu que François Fillon fasse pression pour que l'exclusion de Roland Chassain soit prononcée. L'attitude à adopter face au FN sera sans doute au cœur des débats pour l'élection du nouveau président de l'UMP.

Dans la course à la présidence de l'UMP, quels sont les atouts et les handicaps de chacun d'entre eux ?

Josée Pochat :Jean-François Copé, qui s’est toujours positionné comme candidat en 2017, a des atouts et des handicaps. Il tient  l’appareil de l’UMP et cultive ses réseaux depuis des années. Il a récupéré tous les déçus du Sarkozysme et même réussi l'exploit de rassembler autour de lui des gens qui se détestent comme Brice Hortefeux et Rachida Dati.

Son principal handicap reste sa faible cote de popularité auprès des Français et même des sympathisants de droite. Jean-François Copé a un problème d'image. Il n'est pas aimé. Les gens le trouvent trop carriériste, trop dur.

François Fillon est plus modéré, plus rassembleur. Mais il a aussi les défauts de ses qualités. Il donne le sentiment qu'il n'a pas la "niaque". On peut se demander : "Jusqu'où ira-t-il au combat ?"

Lors de la première élection de Christian Jacob comme président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé a appelé très clairement à voter Christian Jacob. Dans le même temps, François Fillon soutenait de manière souterraine la candidature de Jean Leonetti. C'était tellement souterrain que personne ne s'en est rendu compte. Il s'est déroulé la même chose, il y a quelques jours lors de ré-élection de Christian Jacob. François Fillon hésite à prendre ses responsabilités. Ce n'est pas un guerrier, pas un chef de clan qui va au combat.

Si Jean-François Copé sent que François Fillon peut lui rafler la mise, il pourrait rallier Alain Juppé plutôt que de laisser le parti à l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé pourrait être "le plan B" de Jean-François Copé. C'est peut-être d'ailleurs sa principale chance. Pour l'instant Alain Juppé est en retard. Il apparaît comme l'homme du passé, celui qui n'a pas osé aller aux législatives. A l'UMP, on ne se gène pas pour le dire dans les couloirs.

Carole Barjon :Jean-François Copé est plus agressif, plus guerrier, plus bagarreur.

François Fillon avance sans bruit, mais tout de même à grands pas. On vient d'en avoir le preuve avec sa déclaration de candidature. Il est plus déterminé qu'on ne pouvait l'imaginer. Il a souvent fait le choix de la prudence ou du conformisme. En 1995, il a rallié Édouard Balladur alors que Philippe Séguin avait choisi Jacques Chirac. Mais on oublie ce qu'il a vécu comme Premier ministre de Nicolas Sarkozy, au moins les deux premières années. Il a été humilié et il a tenu. On peut penser que cette période difficile à forgé son caractère.

Alain Juppé a l'avantage d'être respecté et d'avoir une stature d'homme d'État. Mais il ne cultive pas ses réseaux et reste assez raide, assez rigide. Actuellement, il a un peu de mal à trouver son espace politique. Il incarne le passé au yeux des militants. 

Michaël Darmon :Pour l'instant, la situation est trop confuse pour qu'un favori se dégage vraiment. Nous sommes encore dans les affres habituelles de l'après défaite. Les turbulences ne font que commencer. L’initiative "casque bleu" d'Alain Juppé ne fait qu'ajouter à la confusion de la situation.

Il y a des différences de tempérament. Jean-François Copé se montre toujours plus combatif et offensif, un peu sur le modèle Sarkozy, tandis que François Fillon est plus introverti, plus posé. L'élection pourrait se jouer sur "les votes affectifs". Jean-François Copé contrôle l'appareil, mais n'a peut-être pas "l'affectif" des militants. A l'inverse, François Fillon peut compter sur son "aura" et sur l'attachement des militants, mais ne possède pas l'appareil.

A mon avis, Alain Juppé ne pèsera pas dans le débat. Il s'est exprimé trop tard et est, aujourd'hui, en session de rattrapage. La manière incompréhensible dont il présente les choses montre un vrai souci de stratégie politique. Mais ce n'est pas comme cela qu'on parvient à séduire les gens. Il ne suffit pas de savoir parler aux médias. Il faut savoir parler aux militants politiques. Si les discours ne sont pas clairs, les militants se détourneront. S'il veut être candidat, qu'il le dise simplement. L'ambition politique n'est pas un crime.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !