Ukraine : jusqu’où accepter les provocations russes ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Ukraine : jusqu’où accepter les provocations russes ?
©ALEXEY NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

Point de non retour ?

Alors que Vladimir Poutine a reconnu lundi 21 février l'indépendance des séparatistes prorusses, le chef du Kremlin a ordonné aux forces armées d'assurer "les fonctions de maintien de la paix sur le territoire" des "républiques populaires" de Donetsk et Lougansk, provoquant une cascade de réactions occidentales

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

Voir la bio »

Atlantico : Alors que plus tôt dans la journée, la France évoquait la possibilité d’un sommet entre la Russie et les Etats-Unis sur l’Ukraine, Vladimir Poutine a estimé dans une allocution télévisée que l'Ukraine faisait partie de l'histoire de la Russie avant d'envoyer ses troupes assurer des "fonctions de maintien de la paix sur le territoire" Donetsk et Lougansk. De son côté, Emmanuel Macron a convoqué un Conseil de défense à l'Elysée. Comment analyser les récents évènements qui peuvent sembler contradictoires ? 

Florent Parmentier : Les événements contradictoires semblent s’enchaîner. En milieu de semaine passée, le départ d’une partie des troupes russes étaient évoquées, puis non réalisées. Vendredi dernier, le départ des civils du Donbass semblait accréditer l’idée d’une attaque imminente, puis les discussions du week-end donnaient l’impression d’œuvrer vers une désescalade. Le discours du 21 février, ainsi que la reconnaissance de l’indépendance des républiques séparatistes de Lougansk et Donetsk font à nouveau craindre le pire. 

Nous sommes dans une partie d’échecs où chaque camp joue un rôle. Vladimir Poutine peut affirmer qu’il n’a pas montré les muscles pour rien, puisqu’il reconnaît l’indépendance des deux Etats séparatistes. Il met fin de fait aux accords de Minsk. Quelles sont les perspectives pour la paix à présent ? Quelles réactions pour l’Ukraine et les acteurs occidentaux ?

Que pensez vous de la teneur du discours de Poutine et de l'ordre donné à l'armée Russe de maintenir la paix sur les territoires séparatistes ? 

À Lire Aussi

Ukraine : et si la vraie motivation de Vladimir Poutine n’était pas du tout celle que l’on croit
Le discours de Vladlimir Poutine était une attaque en règle contre la souveraineté de l'Ukraine : il caractérise cet Etat comme artificiel (créé par les Bolchéviks) et dysfonctionnel (en raison des clans et du niveau de corruption). Ce faisant, il a poursuivi sa stratégie victimaire, arguant qu'on a délibérement ignoré les demandes de sécurité de la Russie. 
L'ordre donné de maintenir la paix dans le Donbass rend pessimiste sur la suite des opérations : entre sabotages et accusations de génocide contre les russophones, la Russie peut avoir les mains libres dans la région. Le mieux à espérer est encore la stabilisation de la ligne de front. 

Que peut changer la reconnaissance par Vladimir Poutine de l'indépendance des territoires séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine ? Faut-il y voir une attitude de provocation toujours plus poussée ? Celles-ci ne vont-elles que s'intensifier ?

Cette reconnaissance est un acte politique fort, mais n’est pas un acte militaire. Cette reconnaissance de l’indépendance des territoires séparatistes peut déboucher sur deux chemins différents. Le premier est le plus pessimiste : cette reconnaissance est un prélude à un conflit, la Russie pouvant répondre à l’appel de deux Etats qu’elle reconnaît, comme elle l’avait fait en Syrie ; par ailleurs, dès que se pose la question de la reconnaissance de ces entités, se pose celle des frontières, le baromètre des forces en présence... Le second consisterait à observer qu’à partir du moment où Vladimir Poutine a franchi une nouvelle étape dans l’hostilité à l’Ukraine, alors il n’est pas nécessaire de poursuivre par une offensive à grande échelle... Mais il y a fort à parier qu’elle n’arrêtera ni ses provocations, ni ses tentatives de déstabilisation, même si cela ne veut pas dire lancer une colonne de tanks sur Kiev.

Là encore, la Russie ne lèvera pas l’ambiguïté de suite sur ses intentions. L’épreuve de force continue, elle n’a en réalité pas cessé depuis 2014…

Jusqu'où l'Ukraine, mais aussi les Occidentaux, peuvent-ils tolérer les provocations russes ? 

Le Président Zelenski a fait preuve d’un grand sang-froid jusqu’à présent. Il a tenté de garder la porte ouverte à la négociation, jusque dans son discours lors de la conférence de la sécurité de Munich. Mais si le Président conserve son sang-froid, comment oublier les milliers de morts du conflit ? Comment garantir que les groupes les plus radicaux, éventuellement infiltrés, ne mènent pas des initiatives risquées ? 

Quant aux Occidentaux, pour l’heure, ils ne peuvent que condamner le coup politique que vient d’adresser Vladimir Poutine. Pour le moment, ce coup politique est grave, mais ce n’est pas une incursion militaire. Réagir très fortement maintenant serait légitime, mais est-ce que cela ne nous priverait pas de cartouches en cas de gradation du conflit ? Réciproquement, réagir faiblement ne ferait qu’encourager l’agresseur à aller plus loin. Trouver le bon dosage des sanctions – sanctionner les oligarques autour de Poutine plutôt que la population, frapper fort et rapidement pour avoir un impact – ne sera pas une chose aisée. 

Quels sont les scénarios des prochaines heures et des prochains jours ? De quoi cela va-t-il dépendre ?

Le pessimisme est de rigueur. Le scénario de la défense des républiques séparatistes est malheureusement fortement crédible à ce stade. Si une large attaque n’est pas le plus vraisemblable, d’autres alternatives sont possibles, comme des frappes aériennes par la Russie comme l’OTAN à Belgrade pour le Kosovo en 1999.

L’hypothèse de l’attaque russe repose sur trois facteurs : la détermination des buts de guerre ; l’évaluation des risques par la Russie ; le niveau de résistance qui lui est opposé. Sur les deux derniers points, les Ukrainiens et les Occidentaux peuvent agir de concert, en espérant que cela suffise à empêcher toute forme d’aventurisme. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !