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La TVA sociale : 
avantages, inconvénients
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Impô(t)pulaire

Le projet de loi de finances rectificatif 2012 incluant la TVA sociale passe devant l'Assemblée nationale ce lundi. Décrié à gauche comme à droite, cet impôt présente pourtant plusieurs atouts, dont celui de pouvoir rapporter beaucoup d'argent à l'Etat en peu de temps.

Jean-Luc Albert

Jean-Luc Albert

Jean-Luc Albert est professeur de droit public et de droit public financier.


Il est aussi membre du Centre Michel de l'Hospital : laboratoire de recherche en sciences juridiques et politiques de l'Université d'Auvergne.

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Le débat sur la TVA dite "sociale" qui est réapparu depuis peu avec certaines annonces du Président de la République n’est guère nouveau, ni novateur.

Déjà perçu lors des élections législatives de 2007 à l’occasion d’un début télévisé entre Laurent Fabius et Jean-Louis Borloo, ce débat s’inscrit dans une réflexion plus globale sur le financement de la protection sociale en France que le précédent président de la République, Jacques Chirac, avait lui aussi lancé en 2006, tout en ayant donné lieu cette même année à différentes études, rapports, notamment réalisés par des instituts de recherche (par exemple l’Institut Montaigne avec un rapport intitulé "TVA, CSG, IR… Comment financer la protection sociale" publié en 2006).

Le thème même de la TVA sociale avait conduit Eric Besson à établir un rapport sur ce sujet, rapport rendu au Premier ministre en septembre 2007 et publié à La documentation française, rapport alors prudent sur l’impact de l’introduction d’une telle mesure, au moins en termes de création d’emplois.

En fait, plusieurs interrogations se confrontent : compétitivité des entreprises dans la concurrence internationale, place et poids des prélèvements obligatoires, limites de la solidarité, rapport entre l’impôt et les cotisations sociales, mais aussi entre prélèvements pesant sur les entreprises et sur les particuliers, place de l’assurance volontaire par rapport à l’assurance obligatoire, évolution du pouvoir d’achat, etc., sans parler de faux amis comme la TVA "antidélocalisation" concept qui n’a en pratique guère de sens.

Les prélèvements obligatoires français sont parmi les plus élevés d’Europe : ils s’inscrivent depuis près de vingt ans dans une fourchette entre 42% (2009) et 45,6% (1999) du PIB français. Les dépenses publiques françaises ont atteint en 2009 le niveau record de 56,7% du PIB français, contre 52,6% en 2007, les dépenses sociales représentant à elles seules plus de 30% du PIB.

Si l’on veut aller plus avant, s’agissant des prélèvements obligatoires (qui rassemblent les impôts et les cotisations sociales), le ratio impôts/cotisations sociales fait apparaitre une progression de la place de la fiscalité dans le total, notamment en raison de la création de nouveaux impôts au rendement élevé comme la CSG qui est devenue le véritable impôt sur le revenu (près de 80 milliards d’euros de recettes) et qui est un impôt affecté en majorité à l’assurance maladie. Les cotisations sociales sont restées à un niveau globalement stable par rapport au PIB depuis 1998 (aux environs de 16%) contre 18,7% en 1996, tandis que le poids des impôts s’est accentué pour osciller depuis 1999 entre 26 et 29% du PIB.

Enfin c’est la sécurité sociale qui est le principal bénéficiaire des prélèvements obligatoires (23,2% du PIB en 2010) devant l’Etat (14,6% si l’on prend en compte l’ensemble des administrations centrales) et les administrations publiques locales (4,6% en 2010).

La période 2009/2010 est nécessairement plus difficile sur le plan des recettes fiscales alors que le poids des cotisations n’a pas fondamentalement reculé. Le débat politique, technique, économique, porte désormais sur la question de la répartition de l’effort de solidarité et d’assurance.  Certains, depuis de nombreuses années, mettent en avant le modèle "danois" caractérisé par une forte fiscalité indirecte sur la consommation (TVA à 25%) et de très faibles cotisations sociales.

Le monde économique (MEDEF) prône un allègement des charges fiscales et sociales mettant en avant des perspectives d’amélioration de la compétitivité des produits et services et soulignant aussi que ce serait une façon d’accroitre les salaires et autres rémunérations dans un contexte qui n’autoriserait pas une forte croissance des rémunérations nettes.  Si tel doit être le cas, c’est à terme une révision d’ensemble de la répartition de la charge sociale qui doit être réalisée puisque les cotisations sociales sont d’abord supportées par les entreprises et ensuite par les actifs, salariés, et enfin par les collectivités publiques. 

On peut ici faire le lien avec l’assurance chômage, les accidents du travail, la maladie professionnelle qui paraissent par nature relever du monde économique et ce qui pourrait relever d’une solidarité reposant sur la fiscalité ce qui conduit à faire glisser vers la fiscalité directe (CSG…, exclusivement supportée par le salarié) et la fiscalité indirecte (TVA…) une partie du poids des charges sociales, comme la famille, la maladie, les aides sociales ; qu’en serait-il de la retraite et des minimas sociaux ? Sauf aussi à accompagner le débat en cours d’une réflexion sur le poids et la réduction des dépenses sociales et sur une liberté individuelle accrue en matière d’assurance.

En somme, ce serait faire jouer à l’ensemble de la société (actifs et inactifs) un nouveau rôle solidaire destiné à la fois à améliorer, le cas échéant, le sort des actifs, la structure des coûts des entreprises qui sont concurrencées sur le territoire français par des entreprises européennes ou non qui ne subissent pas le même poids fiscal et social, leur permettant de développer une dynamique nouvelle à l’international.

Le choix qui vient d’être opéré par le président de la République est encore limité puisqu‘il ne porte que sur une partie des cotisations à destination des allocations familiales ; son incidence sur les charges des entreprises n’en sera que limitée (quelques %) et permettrait d’améliorer de façon limitée une compétitivité face aux entreprises de la zone euro (rappelons le déclin continu des entreprises françaises depuis de nombreuses années dans le commerce international), faute de pouvoir utiliser la technique de la dévaluation monétaire bien connue durant des décennies en France avant l’euro. Ce choix est sans doute celui qui pose peut-être le moins de problème puisque les allocations familiales reposaient exclusivement jusqu’à présent sur l’entreprise (au 1er janvier 2012 au taux de 5,40% sur salaire brut) et non sur les salariés.

Mais plus globalement, il convient de rappeler que les charges sociales sur salaire sont supportées très majoritairement par l’entreprise (13,1% contre 0,75 à 2,25% au titre de l’assurance maladie, maternité… ; 8,30% au titre de la vieillesse plafonnée contre 6,65%, 4% au titre de l’assurance chômage contre 2,40%, etc.).

Le choix de la TVA (accompagné d’une hausse de la CSG sur les revenus des capitaux) est un choix d’évidence au regard de la rapidité de la mesure, de son impact en terme de rendement financier mais aussi de son incidence sur les prix qui devrait rester limitée.

Il faut aussi rappeler que la France importe 30 à 40% de sa consommation selon les secteurs mais que c’est bien toujours le consommateur français qui supporte le coût final d’une telle hausse. Cette hausse pourrait être "impactée" dans les marges des importateurs. Il n’est pas sûr qu’il en soit de même sur le plan des productions de biens et de service internes.

Elle n’aura en revanche aucune incidence au regard des différences importantes s’agissant des salaires et rémunérations que l’on constate à la fois au sein de l’Union européenne et sur le plan mondial. Elle traduit cependant un processus, qui n’est pas totalement nouveau, marqué par un glissement des prélèvements des entreprises vers les particuliers.

Rappelons enfin, que l’Union européenne est sans doute l’espace économique le plus ouvert au regard des barrières douanières et qu’il n’existe pas d’impératif juridique de préférence communautaire, là aussi contrairement à un discours politique ignorant de la chose ou faignant d’ignorer qu’il existe une compétition économique mondiale et globale. Dans cette optique, c’est l’entreprise qui est maîtresse du destin de l’allègement des charges dont elle bénéficierait : marges améliorées, accroissement des revenus en interne, répercussion par une baisse des prix, investissements... telles seraient les libertés nouvelles qui s’offriraient à elle.

C’est en somme un pari en faveur du développement économique et du monde des actifs.

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