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Traité sur l’interdiction des armes nucléaires: l’enfer pavé de bonnes intentions
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Nuke

Le 24 octobre 2020, le Honduras a été le cinquantième État à ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Adopté au Nations-Unies le 7 juillet 2017, ce texte prévoit son entrée en vigueur dans un délai de quatre-vingt-dix jours à partir du moment où le seuil de cinquante signatures aura été atteint, soit le 22 janvier 2021.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Cédric Perrin

Cédric Perrin

Cédric Perrin est sénateur du Territoire de Belfort, auditeur de l'IHEDN et de L'IHEIE (école des Mines)

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En son article 1, il entend interdire l’utilisation, le développement, la production, les essais, le stationnement, le stockage et la menace d’utilisation des armes nucléaires. Son article 4 fixe comme objectif l’élimination complète des armes nucléaires.

Il n’est pas nécessaire de souligner la nature particulière de l’arme atomique. Depuis le premier essai le 16 juillet 1945, et plus encore les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, elle n’a pas seulement bouleversé la guerre elle-même. Elle a profondément changé notre monde, rendant, selon l’expression de Raymond Aron à propos de la Guerre Froide, la « paix impossible, la guerre improbable » (Le grand schisme – 1948). Elle a été pensée par le Général de Gaulle comme le pilier essentiel de la sécurité de la France et de son rapport au monde.

Aujourd’hui, prétendant refermer ce qu’ils estiment être une longue et sombre parenthèse, les promoteurs du TIAN, soutenus par le comité Nobel en ce combat, estiment qu’il suffit de nier le réel pour s’en débarrasser. Car le TIAN, que la France a à juste titre refusé de signer, est l’ultime avatar d’une vision erronée du monde, sur plusieurs plans.

D’abord, il marque non pas le triomphe de la légalité internationale, mais bien son échec. Les partisans de la fin de l’Histoire qui ont cru que la chute du Mur de Berlin en 1989 marquerait le triomphe du droit comme régulateur de la Société internationale se sont trompés. La Société internationale reste mue par les États qui la composent, lesquels, selon le mot bien connu, n’ont pas de passions – et surtout pas pacifistes – mais des intérêts bien compris. Quel crédit accorder à un traité international tel que le TIAN, auquel ne participent ni les principales puissances, ni, ce ne sont pas toujours les mêmes, les grandes démocraties ? Aucun. Quant au caractère illégal du recours à l’arme nucléaire, la Cour de Justice Internationale, peu suspecte de sympathie pour l’atome, l’a écarté en cas de légitime défense en 1996. En France, faut-il le rappeler, le recours à l’arme nucléaire n’a jamais été pensé qu’en cas de menace portant sur ses intérêts vitaux.

Ensuite, tout à leur hubris, les promoteurs du TIAN ne craignent pas de fragiliser le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP - 1968). Ce Traité est celui qui, de tous les traités issus du système des Nations-Unies, a été le plus ratifié, et qui de ce fait a de la valeur par son universalité. Il a été la pierre d’angle du renoncement à l’acquisition de l’arme nucléaire de plusieurs pays du « seuil ». Il est le cadre dans lequel un système de contrôle et d’inspection peut se mettre en œuvre. Purement incantatoire, le TIAN a pour effet de détricoter le TNP. Le TIAN, à cet égard, permettrait sans doute à un État voyou qui l’aurait pourtant signé, de se doter en cachette de l’arme nucléaire.

Tout ceci ne serait finalement pas si grave, n’étaient les circonstances, pour deux raisons.

La première raison, c’est le rôle que s’arroge le « droit mou », élément de ce que les anglo-saxons appellent le soft power, dans la conduite des affaires du monde. A un moment où les dirigeants occidentaux, largement invertébrés, craignant tout, gagnés par ce que Margaret Thatcher appelait à bon droit le « distaste of power », c’est-à-dire le rejet par crainte et dégout de l’exercice du pouvoir qui est pourtant la mission que les peuples leurs confient, un texte tel que le TIAN exerce des effets délétères en nourrissant leur propension à ne pas agir et leur bonne conscience.

La seconde, plus profonde, c’est que les promoteurs du TIAN alimentent une vision du monde profondément fausse, mais si commode car elle autorise toutes les lâchetés, celle d’un monde irénique. Ce monde, c’est celui de la fin de la Guerre froide, des dividendes de la paix, de la mondialisation heureuse. Un monde qui refuse le tragique, qui ne comprend pas le terrorisme, qui est aveugle à la compétition internationale, qui regarde avec condescendance les identités difficiles. Un monde où les démocraties n’en finissent pas de perdre pied tant, irriguées de bon sentiments que plus personne ne partage, elles se sortent elles-mêmes du réel pour livrer leurs populations à toutes les violences. Au fond, après s’être désarmés face au terrorisme, aux migrations, au radicalisme islamique, à la prédation industrielle, le TIAN appelle à nous désarmer tout court !  


Les promoteurs du TIAN se trompent d’époque. C’est leur droit, même avec sincérité. Tant que les hommes et la Société internationale resteront ce qu’ils sont, et non pas ce que l’on pourrait souhaiter qu’ils soient, nous ne devons pas baisser la garde et admettre que la détention de l’arme nucléaire n’a rien d’un luxe ou d’un bellicisme : elle est la vraie condition de notre survie en tant que Nation.

Bruno Alomar, auditeur de la 68 em session de l’IHEDN, auteur de La réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed Ecole de Guerre – 2018)

Cédric PERRIN

Sénateur du Territoire de Belfort

Vice-Président de la Commission des Affaires Étrangères, de la Défense et de Forces Armées

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