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Toutes les raisons qui expliquent pourquoi la France a décidé d’envoyer le Charles de Gaulle à Singapour l’année prochaine (mais pas jusqu’en mer de Chine)
©CHRISTOPHE SIMON / AFP / POOL

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Selon une information du journal l'Opinion, le porte-avions Charles de Gaulle appareillera en début d'année pour une mission dans l'océan indien qui le conduira jusqu'à Singapour. Toujours selon le journal, il n'est pourtant pas prévu pour l'heure que le bâtiment remonte jusqu'en mer de Chine méridionale.

Xavier Rotor

Xavier Rotor

Xavier Rotor est un observateur de la géopolitique maritime en Asie du sud-est. Il signe sous pseudonyme.

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Atlantico : Selon une information du journal l'Opinion, le porte-avions Charles de Gaulle appareillera en début d'année pour une mission dans l'océan indien qui le conduira jusqu'à Singapour. Toujours selon le journal, il n'est pourtant pas prévu pour l'heure que le bâtiment remonte jusqu'en mer de Chine méridionale. Quels pourraient être l'intérêt alors de déployer le porte-avion jusqu'à Singapour ? Faire remonter le Charles de Gaulle en mer de Chine méridionale ne serait pas l'occasion pour la France d'affirmer sa position historique dans cette région ?

Xavier Rotor : La France et sa marine ont en effet une longue histoire de présence en Asie du sud-est, depuis le XIXè siècle. On pense bien sûr à la conquête de l’Indochine puis à la guerre de décolonisation, à l’amiral Courbet et aux combats sur les côtes de Chine et de Formose (aujourd’hui Taïwan), mais aussi le rôle important de la France dans la guerre Russo-Japonaise en 1905. La dernière bataille navale française est d’ailleurs elle-aussi asiatique, au large de la Thaïlande, durant la Seconde Guerre Mondiale.

Aujourd’hui, la Mer de Chine Méridionale est un espace contesté, dans lequel la Chine mène une politique très dynamique, en installant notamment des bases militaires sur des ilots en haute mer. Les pays de la région, soutenus par certaines puissances occidentales, entendent contester cette puissance navale chinoise galopante. La France renouvelle régulièrement son attachement à la liberté de navigation pour tous dans cette zone. Elle y patrouille occasionnellement, avec des bâtiments de combat, plusieurs fois par an.

En se déployant à proximité, le Charles de Gaulle prouverait que la France peut projeter sa force en tout point du globe et s’y maintenir. Un déploiement en Asie du sud-est, jusqu’à Singapour par exemple, montrerait une capacité à intervenir en Mer de Chine, sans avoir besoin d’y aller pour autant.

Ne serait-ce pas pourtant l'occasion de contribuer à assurer la sécurité dans la région et de réaffirmer haut et fort le fait que la France a toujours été et est toujours un acteur incontournable dans la région ?

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française font de la France un pays riverain de la zone, un véritable pays du Pacifique. L’immense majorité de nos approvisionnements en produits manufacturés est issue de l’Asie du sud-est. C’est donc une zone clef pour nos intérêts stratégiques. C’est aussi une zone qui n’a pas connu de processus d’union politique après la Seconde Guerre Mondiale, comme l’Europe a pu le faire. Toutes les délimitations maritimes ou presque sont contestées entre pays voisins, ce qui provoque régulièrement des tensions et des affrontements entre milices, avec parfois un soutien militaire direct. C’est enfin une zone capitale pour la Chine qui cherche à maîtriser les ressources halieutiques et pétrolières, et à sécuriser son accès au grand Pacifique, au-delà de la deuxième ceinture d’iles et des hauts fonds qui contraignent ses sous-marins. C’est donc une zone que la France considère à juste titre comme stratégique, et dans laquelle elle entend jouer un rôle.

Faire entrer le porte-avions au milieu de cette zone pourrait être de nature à attiser les tensions, quand le déploiement de frégates contribue déjà à la sécurité de la région et au maintien de la liberté de navigation. C’est tout l’avantage du porte-avions : on peut rester à proximité d’une zone, y conduire un exercice avec les marines riveraines, pour soutenir la diplomatie française et montrer notre puissance sans être provoquant.

Quels seraient les freins à une telle remontée ?

La Mer de Chine Méridionale est un espace quasi-fermé, où l’activité maritime commerciale est intense, et où les nombreux îlots et remontées de fond peuvent limiter la liberté de manœuvre nécessaire à la conduite d’exercice d’ampleur en haute mer. Il serait bien sûr possible d’y conduire une opération, si le besoin existait, mais rien ne vient aujourd’hui l’obliger.

Les freins principaux seraient de nature géopolitique. Pourquoi froisser les pays de la région en venant « chatouiller » leurs côtes quand on peut être un partenaire présent dans la zone pour contribuer à la sécurité de tous ? L’autonomie de notre marine hauturière, et notamment celle de notre porte-avions nucléaire, permettrait d’atteindre les zones plus septentrionales en contournant la Mer de Chine par l’est, sans passer à proximité des archipels contesté des Paracels et des Spratleys. C’est tout l’intérêt de bénéficier de cet atout stratégique.

Enfin, il s’agit si possible de chercher à avoir un message cohérent entre grandes puissances maritimes occidentales, pour promouvoir notre influence. Concrètement, le message de la France est plus audible s’il est cohérent avec celui de la marine américaine, très présente dans la région, et qui partage des intérêts et une vision semblable des enjeux régionaux.

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