Thierry Breton, ce commissaire français à Bruxelles dont le bilan ressemble à une addition d’ennemis <!-- --> | Atlantico.fr
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Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, donne une conférence de presse sur les enquêtes menées par l'UE contre Apple, Google et Meta dans le cadre de la nouvelle loi sur le numérique, au siège de l'UE à Bruxelles, le 25 mars 2024.
Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, donne une conférence de presse sur les enquêtes menées par l'UE contre Apple, Google et Meta dans le cadre de la nouvelle loi sur le numérique, au siège de l'UE à Bruxelles, le 25 mars 2024.
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Lui président de la Commission ?

Malgré de nombreuses critiques sur son bilan, Thierry Breton vise un second mandat à la Commission Européenne. Ses politiques protectionnistes et ses acquisitions hasardeuses suscitent des doutes quant à sa capacité à diriger.

Raoul Volfoni

Raoul Volfoni

Raoul Volfoni, pseudonyme d’un ancien haut fonctionnaire du Ministère de l’Economie et des Finances

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Thierry Breton vise un deuxième mandat à la Commission Européenne, voire même davantage si on en croit ses dernières déclarations hostiles à Ursula von der Leyen. Depuis qu’il est à la Commission Européenne Thierry Breton a cherché à se bâtir un profil de rival de la Présidente, de défenseur de l’industrie européenne et de protecteur des Européens contre les GAFA, parfois à la limite de la surenchère protectionniste. S’il a relativement bien réussi sur le dernier point conjointement avec Marghrete Vestager, avec le Digital Services Act et le Digital Markets Act, force est de constater que, sur le reste de ses compétences, Thierry Breton n’a produit que des communications creuses. Il est un spécialiste du maniement de grandes idées générales derrière lesquelles il n’y a aucun projet concret et opérationnel. Il ne répugne pas à s’attribuer le travail des autres. Ainsi il a cherché à faire croire qu’il était pour quelque chose dans la réussite de l’achat et de la production de vaccins anti Covid. Cette politique a été initiée et magnifiquement gérée par la Directrice Générale de la Santé de la Commission Européenne, l’Italienne Sandra Gallina, sous l’autorité d’une commissaire chypriote inexistante. Quant à la défense de l’industrie européenne, elle a été surtout assurée par le renforcement de la politique anti-dumping et du développement de nouveaux instruments unilatéraux contre les pratiques coercitives, prédatrices, de violation des règles du commerce international et de subventionnement massif par certains pays tiers comme la Chine. Ces instruments sont très bien gérés par le Directeur Général Adjoint de la DG Commerce de la Commission Européenne, chief enforcement officer, le Français Denis Redonnet.

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Le naufrage en cours d’Atos, principal société informatique française, acteur stratégique dans le domaine des big data et des supercalculateurs nous rappelle la responsabilité de Thierry Breton, à la tête de cette entreprise de novembre 2018 à septembre 2019. Son image de grand industriel en est fortement atteinte et met en cause sa crédibilité à Bruxelles. Thierry Breton l’a bien compris en chargeant à plein temps un membre de son cabinet à Bruxelles de suivre cette question. La politique de croissance externe frénétique de Thierry Breton est largement responsable de la déconfiture d’Atos. Sa mégalomanie l’a conduit à racheter à tour de bras à un prix trop élevé des entreprises positionnées sur des activités en déclin, comme la filiale informatique de Siemens ou la filiale outsourcing de Xerox. Le rachat de Bull, avec ses supercalculateurs, avait davantage de sens, mais a été payé trop cher. Certaines de ces acquisitions avaient été écartées par les prédécesseurs de Thierry Breton. Il avait procédé de la même manière à la tête de Thomson entre 1997 et fin 2002, avec des acquisitions hasardeuses sans aucune synergie, avant de prendre la direction de France Telecom. Quelques mois plus tard Thomson était au bord du dépôt de bilan.

A son peu de résultats, Thierry Breton ajoute une arrogance française insupportable à la puissance 10 qui le rend très impopulaire à Bruxelles. Ce défaut pénible a déjà été enduré stoïquement par les fonctionnaires de Bercy lors du passage de Thierry Breton au Ministère de l’Economie et des Finances entre 2005 et 2007, où il n’a pas laissé un souvenir impérissable de réformateur. Une anecdote très révélatrice mérite d’être relevée : un jour Thierry Breton s’est permis de reprocher publiquement à un haut fonctionnaire non francophone la qualité de son français, alors qu’il faisait l’effort de parler la langue de son commissaire. L’arrogance et la mégalomanie de Thierry Breton le rendent étranger à l’esprit d’équipe qui n’est pas non plus le fort d’Ursula von der Leyen. Cette dernière peut également se plaindre du manque de loyauté du commissaire français. Thierry Breton joue à l’évidence l’échec possible de la Présidente de la Commission Européenne à obtenir la majorité absolue des membres du Parlement Européen pour pouvoir se présenter en recours qu’il n’a aucune chance d’incarner, vu son impopularité à Bruxelles.

Si l’on fait le bilan des sept commissaires français qui se sont succédé à Bruxelles depuis les trois mandats exceptionnels de Jacques Delors, seuls trois d’entre eux ont fait un bon parcours parce qu’ils travaillaient beaucoup, connaissaient leurs dossiers, avaient l’esprit d’équipe et ne cherchaient pas l’éclat médiatique à tout prix : Yves de Silguy aux affaires monétaires de 1995 à 1999, Pascal Lamy au Commerce Extérieur 1999 à 2004, Jacques Barrot au transport puis à la justice et aux affaires intérieures de 2004 à 2009. Tous les autres ont laissé peu d’empreinte, que ce soit le dilettante Pierre Moscovici, le creux Michel Barnier qui a voulu faire croire qu’il avait négocié le Brexit, négocié principalement par son adjointe, l’Allemande Sabine Weyand, aujourd’hui Directrice Générale du Commerce Extérieur, et piloté politiquement par le Président de la Commission Européenne de l’époque, Jean-Claude Juncker. L’arrogant mégalomane Thierry Breton peut être considéré comme le pire commissaire français depuis 30 ans à égalité avec Edith Cresson, erreur de casting suprême, qui fit chuter la Commission Santer en 1999, avant une motion de censure inévitable du Parlement Européen.

Une conclusion évidente s’impose. Il est de l’intérêt de la France de ne pas reconduire Thierry Breton pour un deuxième mandat de commissaire à Bruxelles. C’est une condition nécessaire mais non suffisante. Encore faut-il choisir un(e) commissaire français doté(e) des qualités nécessaires de compétence technique et linguistique, d’engagement européen, de maîtrise non seulement de ses dossiers mais aussi de ceux de ses collègues, d’esprit d’équipe et d’assiduité au travail. La dimension politique est un supplément utile, moins important que les qualités déjà mentionnées. Deux possibles candidats de qualité émergent : Clément Beaune, ancien Ministre des Transports et Laurence Boone, ancienne Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, non reconduits au gouvernement sans qu’ils aient démérité.

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