Tentative de sauvetage des retraites : le match des projets PS et UMP<!-- --> | Atlantico.fr
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Ras des paquerettes

Le problème des retraites est-il trop sérieux pour le laisser aux mains du PS ou de l'UMP ? Les deux projets restent assez conservateurs, reprenant les vieilles lunes des deux partis, sans véritablement étudier l’impact du vieillissement sur la croissance.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Le problème des retraites est-il trop sérieux pour le laisser entre les mains des politiques ? A voir la guerre picrocholine au sein de l’UMP avec la pseudo publication du projet UMP version Mariton et le « circuler, il n’y a rien à voir Madame la Marquise » du Parti socialiste, nous n’avons pas l’impression que la question des retraites constitue le principal sujet de préoccupation économique et sociale de la France.

Pourtant, notre pays est confronté comme ses principaux partenaires à une mutation démographique de grande ampleur avec l’allongement de l’espérance de vie après 60 ans, sur lequel se greffe un phénomène conjoncturel, l’arrivée à l’âge de la retraite du baby-boom. Cette mutation se déroule, par ailleurs dans un contexte économique très dégradé qui n’est pas, par ailleurs, sans lien avec le vieillissement de la population. La diminution du taux de croissance, de décennie en décennie, met sous tension l’ensemble de notre système de protection sociale.

La révolution démographique impactera l’ensemble de notre organisation économique et sociale. Il faudra bien évidemment trouver des solutions pour financer les retraites, la dépendance ou les dépenses de santé mais aussi adapter notre système de production et nos villes au vieillissement de la population. Or, pour le moment, les partis politiques semblent sur ce sujet opter pour la stratégie de l’autruche.

Le projet du parti socialiste est hors temps et hors sol. Ce projet aurait pu être publié dans les années soixante ou soixante-dix sans dénoter. Il est déconnecté de la situation de la France. Il ne prend que superficiellement en compte la dérive dangereuse du déficit du régime de retraite qui devrait atteindre 20 milliards d’euros en 2020. En récusant toute modification des bornes d’âge avant 2020, le Parti socialiste entend écarter d’office la mesure la plus efficace pour réduire le déficit de l’assurance-vieillesse. La France qui a un âge légal de départ à la retraite parmi les plus bas de l’OCDE, 62 ans en 2017 contre une moyenne qui dépassera alors 65 ans, fait bande à part. Le Conseil d’Orientation des Retraites a souligné qu’en passant à 63 ans d’ici 2020 une grande partie du déficit serait effacée. Certes, après 2020, le PS admet qu’il faudra allonger la durée de cotisation qui est actuellement de 41,5 années. Les gains d’espérance de vie seraient partagés 50/50 entre la durée de cotisation et la durée de la retraite contre un partage deux tiers / un tiers actuellement. Le projet PS est donc en retrait par rapport aux réformes de 2003 et de 2010.

Le PS rejette également la suppression de l’abattement de 10 % dont bénéficient les retraités pour le calcul de l’impôt sur le revenu au titre des frais professionnels qu’ils n’ont plus. En revanche, le PS avance l’idée d’une augmentation des prélèvements sur les retraités dits aisés. Cela signifie que le parti se prononce en faveur d’une hausse de la CSG. Surtout, il met l’accent sur l’augmentation des cotisations sociales salariés et employeurs pour financer les retraites. Sachant que les cotisations ont déjà été relevées en 2012 pour couvrir le surcoût du retour partiel de la retraite à 60 ans. Le PS ignore-t-il que le taux de marge des entreprises françaises est un des plus faibles de l’Union européenne ?

Dans les faits, le PS a défendu une position à gauche toute par rapport au Gouvernement qui a vocation à faire la synthèse. Le PS entend poursuivre la politique de distribution sociale. Sur le fond, nul ne peut contester que mieux prendre en compte la pénibilité, intégrer dans la durée de cotisation les années d’études ou réduire l’écart entre les pensions des hommes et celles des femmes ne soient injustifiés mais en revanche, le PS est bien silencieux sur le coût de ces mesures. Il apparaît surprenant de vouloir faire supporter aux régimes de retraite de nouvelles charges qui n’ont pas toujours un lien direct avec la délivrance de pensions. Il faudrait, au contraire, clarifier les responsabilités entre les différents acteurs de la politique sociale.

L’UMP n’a pas les mêmes soucis que le PS ou que Gouvernement en n’assurant pas le pouvoir. Ses dirigeants doivent, en revanche, gérer les susceptibilités internes. Hervé Mariton en charge des retraites pour le parti, a, en profitant de la langueur estivale, présenté ses recommandations en les qualifiant de projet de l’UMP. Il a ainsi déclenché une bataille de communiqués. Le parti a rapidement réagi en mentionnant que le projet ne sera officiellement adopté qu’au mois de septembre. Les propositions Mariton ont été récusées par les deux anciens ministres des affaires sociales, Xavier Bertrand et Eric Woerth.

Selon Hervé Mariton, la France doit allonger la durée de cotisation de 41,5 à 44 ans d’ici 2020 avec en outre un report simultané de l’âge légal à 65 ans. Est-ce crédible ? Ce double report effacerait le déficit de l’assurance-vieillesse. Il faudrait évidemment qu’il s’applique à tous les régimes, régime général, régimes spéciaux et régimes de la fonction publique. La négociation ne serait pas facile à mener… Il supposerait que le taux d’activité des seniors s’améliore au fur et à mesure de la montée en puissance des reports. Il faut souligner que le passage de 60 à 62 ans a déjà eu un impact sur ce taux d’emploi.

Hervé Mariton met également en avant la convergence progressive avec à moyen terme la création d’un régime unique par points. La loi de 2010 prévoyait l’engagement d’études dès cette année afin d’engager un processus de création d’un régime unique en comptes notionnels en retenant le modèle suédois. Le montant de la pension est fonction du nombre de points accumulés durant toute la carrière professionnelle et d’un coefficient lié à l’espérance de vie.

La capitalisation est la grande oubliée de ces deux projets. Le développement d’un étage supplémentaire permettant de compenser la baisse du taux de remplacement des régimes par répartition est une nécessité.

Les deux projets sont dans les faits assez conservateurs et reprennent les vieilles lunes des deux partis. Ne faudrait-il pas s’inspirer du modèle allemand et prévoir tout à la fois un plafond de cotisations sociales et un plancher pour le taux de remplacement ou ne faudrait-il pas fixer un plafond de dépenses, à charge aux partenaires sociaux de s’entendre sur les modalités de la répartition entre retraités ? Ne faudrait-il pas fixer un calendrier de fusion des régimes ou prévoir que tous salariés ayant commencé à travailler après 2003 soient gérés par un régime unique de retraite en s’inspirant de la réforme italienne ?

Les projets sur les retraites sont avant tout des projets malthusiens de gestion de la pauvreté. En étudiant pas l’impact du vieillissement sur la croissance, sur notre modèle économique, nous nous interdisons une sortie par le haut. Pour payer des pensions de retraite, la seule voie est la croissance. Là encore, il faudrait se poser quelques questions et apporter quelques réponses. Faut-il la haute technologie pour compenser la diminution à venir de la population active ? Faut-il admettre que sans travailleurs immigrés, il n’y a pas de salut en matière de financement de la protection sociale ? Faut-il favoriser les services à domicile peu générateurs de gains de productivité mais indispensables pour les retraités…

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