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Des soldats français sur la base de l'armée française de Tombouctou, au Mali, le 6 décembre 2021.
Des soldats français sur la base de l'armée française de Tombouctou, au Mali, le 6 décembre 2021.
©THOMAS COEX / AFP

Une défaite pour la France ?

Le 17 décembre 2021, le Conseil d’État, saisi d’un contentieux par lequel un gendarme demandait que lui soit appliquée la Directive européenne sur le temps de travail (DETT), a débouté ce dernier, estimant que l’organisation du travail dans la gendarmerie n’était pas contraire aux dispositions de ladite directive.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Cédric Perrin

Cédric Perrin

Cédric Perrin est sénateur du Territoire de Belfort, auditeur de l'IHEDN et de L'IHEIE (école des Mines)

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Pour rappel, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait estimé le 15 juillet 2021 que la DETT s’appliquait aux forces armées, sauf dans certaines situations particulières. La France, contre la Commission, et contre d’autres États membres dont l’Allemagne, s’est au cours des dernières années élevée contre une telle interprétation du droit européen, à l’évidence contraire au Traité sur l’Union Européenne (TUE) qui dispose en son article 4 paragraphe 2 que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ». 

Ce qu’il faut bien appeler ici une défaite pour la France et ses armées, appelle plusieurs réflexions.

D’abord, il faut s’arrêter sur l’incapacité des autorités politiques et juridictionnelles françaises à rappeler des évidences et à fixer des lignes claires. Car le raisonnement du Conseil d’État est d’autant plus subtil qu’il lui permet de botter en touche. Il aurait dû, comme le tribunal de Karlsruhe l’avait fait en 2020 dans le contentieux qui concerne la politique monétaire européenne, invoquer l’ « ultra vires », c’est-à-dire le fait pour une autorité d’excéder les pouvoirs qui lui ont été conférés. Car c’est bien de cela qu’il s’agit quand l’Union européenne foule la lettre et l’esprit du Traité. Ici, tout en rappelant la supériorité de la Constitution sur toute autre norme, le Conseil d’État prend soin de ne pas froisser les juges européens, tout en se réservant, in fine, la responsabilité, au cas par cas, d’examiner les situations telles qu’elles se présenteront. Il laisse ainsi un champ ouvert de contentieux possibles qui portera préjudice à la bonne organisation de nos forces dans les années à l’avenir, alors même que les missions qu’on leur confie vont déjà clairement au-delà de leur contrat opérationnel. 

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Cette affaire, grave, doit être replacée dans la perspective de deux dossiers de bien plus grande importance, qui sont, de fait, à l’agenda des prochains mois, marqué par la Présidence française de l’Union européenne (PFUE), que d’aucuns risques d’instrumentaliser dans un contexte électoral. 

Le premier est l’abandon du siège permanent de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU). Cette éventualité – qui fait frémir – n’a, hélas, rien d’une hypothèse d’école. A plusieurs reprises au cours des dernières années, l’on a vu des dirigeants et parlementaires allemands lorgner sur le siège de la France, avançant masqués derrière l’idée que ce siège devrait revenir à l’UE. Pire, le porte-parole du parti du Président de la République, Monsieur Roland Lescure, s’interrogeait il y a peu, sur l’abandon de ce siège par la France, au profit de l’UE, après 2030.

Le second, intimement lié au premier, dans la mesure où la détention légale de l’arme nucléaire est l’apanage des cinq membres permanents du CSNU, est la renonciation à la détention par la seule France de cette arme. L’actuel Président de la République l’a déjà publiquement évoqué le 7 février 2020 à l’École de guerre en indiquant que « les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne » en appelant les européens à un « dialogue stratégique ». 

Le moins que l’on puisse dire, à ce stade, est que le message envoyé par la décision DETT à l’égard de l’UE est bien une forme de léthargie et d’incitation, pour ceux et celles qui à Bruxelles ou Luxembourg ont l’irénisme comme seconde nature, à continuer à empiéter sur les compétences nationales au mépris des traités.

Notre pays, nos armées sont à la croisée de chemin, et il est utile que la PFUE soit l’occasion pour la France de mettre les choses au clair. Non, l’UE n’a pas à se substituer aux États membres pour assurer leur sécurité. Oui, la France, sauf à renoncer purement et simplement à sa souveraineté et à son statut de puissance, n’a pas l’intention de céder son siège permanent au CSNU à qui que ce soit, et encore moins à partager avec qui que ce soit sa capacité nucléaire. Il est temps que le Président de la République prenne clairement position sur ces points.

Cédric Perrin, est vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat

Bruno Alomar, économiste

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