Taxation des riches : petit rappel aux candidats à la présidentielle de 2022 tentés de s’inspirer de Joe Biden<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le président américain Joe Biden s'apprête à doubler le taux d'imposition des revenus du capital.
Le président américain Joe Biden s'apprête à doubler le taux d'imposition des revenus du capital.
©POOL / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Programme commun

Sébastien Laye

Sébastien Laye

Sebastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde).

Voir la bio »

Atlantico : Joe Biden s'apprête à doubler le taux d'imposition des revenus du capital des plus riches pour financer des programmes visant à corriger les inégalités financières historiques aux États-Unis. Dans quel contexte américain s'inscrit cette mesure ? Les revenus du capital ont-ils explosé ces dernières années ? 

Sébastien Laye : Les Etats Unis, au fil des majorités, sont coutumiers de revirements fiscaux importants. Après un consensus d'après guerre sur une fiscalité plutot importante pour les riches, Reagan avait fait du levier fiscal l'alpha et l'omega de sa politique. Georges Bush fils, au début des années 2000, a mis en place d'importantes tax cuts, notamment s'agissant de l'impot sur le revenu, en partie effacées par Obama. Donald Trump a abaissé par la suite la fiscalité à des niveaux de prélèvements historiquement bas: notamment avec une imposition sur les plus values à 20% et une baisse importante de IS, et de l'IR pour les classes moyennes supérieures et les plus riches. Aujourd'hui, un triple contexte amène Biden à cibler les 0.3% des revenus les plus importants avec ces annonces (donc clairement les multimillionaires et plus): a) l'explosion des déficits, qui ne s'explique pas que par le Covid mais aussi par la baisse de recettes fiscales consécutives aux baisses d'impots des quatre dernière années: or le ratio dette/PIB, qui a explosé, ne peut indéfiniment monter donc Biden est en quete de ressources b) le programme de Biden lui meme, qui en plus des promesses (et fadaises) progressistes classiques (santé, éducation) prévoit un plan massif d'infrastructures c) le sentiment d'injustice sociale et de trop grandes inégalités aux Etats Unis. Les Etats Unis vénèrent la liberté d'entreprendre et la possibilité pour tout un chacun de devenir riche: mais les excès de la spéculation et de l'argent facile, le fait que certains milliardaires payent moins d'impots que les classes moyennes, sont critiqués de longue date et l'opinion publique considère que l'organisation sociale et fiscale est trop biaisée en faveur de ceux qui sont déjà riches. Comme après les années 1920, le Gilded Age, les 15 dernières années ont bien plus profité aux gérants de hedge funds (qui ne payent que 20% sur leurs revenus qui ne sont pas des salaires) qu'aux salariés, meme ceux des classes moyennes supérieures. Pragmatiques, les Americains demandent un rééquilibrage, et ce d'autant plus avec la crise du Covid. Je prédis d'ailleurs qu'il ne durera que la durée du mandat de Biden.

À Lire Aussi

SOS vision économique : l’angle mort qui plombe les candidats à la présidentielle 2022

Prôner une réforme similaire en France a-t-il un sens ? Les politiques s’inscrivant dans une telle démarche développent-ils une méconnaissance de la culture fiscale en France ? 

La situation de départ est par trop différente. Rappelons-là. En France, les prélèvements obligatoires (impots, taxes, charges) représentent 46% du PIB (un chiffre que Macron n'est pas parvenu à faire baisser). C'est 36% en Allemagne (le niveau où nous devrions etre, soit 250 milliards de baisses d'impots et de charges) et 27% seulement aux USA; bien sur, il y a moins de cotisations sociales obligatoires aux Etats Unis, mais on le voit la pression fiscale est infiniment plus faible. Ils ont encore de la marge pour rejoindre l'enfer fiscal francais. On le voit donc, proner une réforme similaire en France n'aurait aucun sens. Globalement sur les dernières années, soit nous nous contentons de maintenir notre pression fiscale (Macron, Sarkozy), soit elle repart à la hausse (Hollande) sans résultats tangibles. C'est d'ailleurs un drame pour les finances publiques, car après la crise du Covid chaque Etat cherche des ressources: les anglais ont du s'y résigner, temporairement d'ailleurs, mais là encore quand votre pression fiscale est dans la trentaine de pourcentage du PIB, vous pouvez vous permettre de l'augmenter de deux-trois points. La France, elle, n'a plus de marge de manoeuvre. Celà n'empeche pas certains d'entre eux de se preter au jeu de la pensée magique, y compris à Droite comme Pelletier ou Pradié. Quant à la gauche, son mantra pour faire financer toute mesure est "faire payer les riches". Larem a développé une pratique subtile où les grandes déclarations libérales sont souvent subies de petites hausses techniques d'impots sur le terrain. Globalement, aucun parti n'a de philosophie fiscale. A ce sujet, je leur recommanderais la lecture de "Impots: le grand désordre" de Levy et Maarek (PUF).

À Lire Aussi

Épargne Covid : 10 000 euros par personne pour acheter des actions sans impôts, dans un compte spécial

Pour ne pas entraver le transfert de richesse que devrions-nous faire ? Actuellement en France son fonctionnement mérite-t-il d’être réformé ?

Nos taux sont encore trop élevés. Notre imposition sur les plus values, en plus des 30% statutaires, pose des problèmes de double taxation dans certains cas, et n'a aucune progressivité ou forme de franchise sur les premiers milliers d'euros. L'IS n'a toujours pas atteint le point de convergence européen autour de 25%. De nombreuses formes d'impositions (impots de production, droits de succession) sont contreproductives, sans justification, et fragilisent nos entreprises et notre capacité à investir dans l'avenir. L'IR n'est pas le pire dans notre système, mais il est encore illisible avec de nombreuses tranches et il est déjà une punition des classes supérieures aisées, puisqu'alors que la moitié des francais ne le paient pas, les plus aisés en assument l'essentiel des recettes via la tranche marginale. On notera qu'en France la fiscalité n'est pas plus lourde sur les multimillionaires ou les milliardaires, en termes de taux, que sur les classes moyennes supérieures. Or le plan de Biden cible les 0.3% revenus les plus élevés et s'agissant de l'IR et de la tranche maximale, les salaires de plus de 1 million d'euros. Ainsi, si le slogan "taxer les plus riches" est pathétique en France, une réflexion sur les plus grandes fortunes ne serait pas inutile, car l'écart entre un haut cadre et ces dernières s'est réduit en termes d'imposition.....Selon moi, pour faire circuler les richesses, le vrai levier est l'impot sur les successions: il doit etre massivement baissé sur les patrimoines normaux (avec une franchise plus élevé, 200-300 000 euros) mais augmenté au delà de plusieurs dizaines millions d'euros, afin de faciliter le renouvellement des millionaires et retrouver un capitalisme plus entrepreneurial et moins rentier.

À Lire Aussi

L’impôt mondial, un fantasme qui pourrait être réalisable et très vite, mais à six conditions

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !