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"Tartuffe ou l'hypocrite", mis en scène par Ivo Van Hove : un classique à l'interprétation magistrale
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Le drame éclatant

Jean-Pierre Hané pour Culture-Tops

Jean-Pierre Hané pour Culture-Tops

Jean-Pierre Hané est chroniqueur pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

 

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THÈME

• Rien ne va plus dans la maison d’Orgon depuis l’arrivée dans sa demeure de Tartuffe. Jeune homme recueilli dans la rue,  dont la piété et la radicalité morale vont bouleverser l’ordre de la maison : en effet, Tartuffe s’ingénie à régenter cette famille selon une stratégie implacable, sous les dehors d’une morale et d’une conduite plus saine, voire ascétique. 

• Chacun est lié contre lui, sauf Orgon et sa mère, Mme Pernelle, qui ne jurent que par lui et ses préceptes. Une liaison ambiguë lie Tartuffe à Elmire, la femme du maître des lieux, et l’intrus devient l’artisan de la discorde entre un père et son fils. • C’est un drame familial sombre, dont l’issue n’est peut-être pas celle que nous aurions pu croire.

POINTS FORTS

Il y en a beaucoup.

• De l’esthétisme scénographique à la mise en scène dépouillée de tout déplacement, recentrant le jeu sur un grand espace blanc ou seule la vérité s’exprime. Mais quelle vérité ? Celle de celui qui s’y aventure et cet espace devient alors une arène immaculée de combats violent ne laissant pour toute blessure que celle de l’âme ? 

• L’interprétation est magistrale, et la version en trois actes joués pour la première fois, révèle une écriture au noir ou la comédie s’efface au profit d’un cynisme et d’une plume acide.

• Le découpage quasi-cinématographique nous replonge dans l’univers créé pour « les damnés » pour cette même troupe.

• Une belle ambiance sonore qui soutient le rythme de la pièce.

QUELQUES RÉSERVES

• L’utilisation de la voix amplifiée au micro nous fait perdre parfois (et c’est bien paradoxal) le contenu de certaines répliques. Nous avons besoin de l’énergie des corps pour la voix projetée, qui nous ramène plus au théâtre qu’au cinéma.

• La musique (très intéressante composition musicale au demeurant) mais trop présente

• La projection de commentaire, de questions qui se veulent aiguiller la pensée du spectateur, le réduisant ainsi à celle du metteur en scène à mon sens. Sa dramaturgie n’en a pas besoin.

ENCORE UN MOT...

Le spectacle est riche de propositions, de contradictions, d’audaces et de questionnements.

• D’abord la découverte de cette version en trois actes est formidable et donne à voir l’écriture brute de l’auteur, le jet initial et le trait social révolutionnaire qui heurta la société de l’époque. 

• C’est une tragédie familiale qui se joue devant nous, quand bien même un rire nous échapperait - salutaire, salvateur- nous sommes happés par cette ambiance sombre qui nous enveloppe et se recentre autour de ce qui oppose le père et le fils. • Rarement jusque là le rôle de Damis (magnifique Julien Frison) avait été mis en valeur. Loïc Corbery nous rend par son talent toute la complexité du rôle de Cléante – le beau frère – dans le combat du bon sens face à l’obscurantisme.

Denis Podalydès incarne avec un humour ciselé cet homme pitoyable aveuglé par sa passion face à cet ange démoniaque tout juste sorti de son enfer pour se construire son paradis au détriment de cette famille. Le couple formé par Christophe Montenez et Marina Hands est sulfureux, vénéneux, lubrique, charnel ; la frontière des sens qui les sépare est les unit est une zone de guerre tantôt franchie, tantôt violée qui parfois nous bouscule, nous dérange et nous perd parfois. Deux femmes à chaque extrémité de cette famille tiennent un bout de la logique du monde qui vacille tradition et émancipation que tiennent Claude Mathieu et Dominique Blanc. Celles qui pourtant dans la version en cinq actes alimentent la comédie sont là les deux piliers qui luttent pour emporter la société vers une mutation inéluctable. 

• On comprend mieux pourquoi Molière dut lutter pour défendre cette pièce et « l’habiller » mieux aux mœurs de son temps. Elle est de loin la plus violente et la marque d’un caractère authentique et passionné, qui fait dire à un autre personnage cher à son répertoire : « Je veux qu’on soit sincère et qu’en homme d’honneur, on ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur ». 

• Ce « Tartuffe » initial est donc un cri qui aura beaucoup coûté à Molière et en cela cette représentation si déroutante soit elle est à voir pour bien entendre l’homme qu’était Jean-Baptiste.

UNE PHRASE

MME PERNELLE /« C’est un homme de bien qu’il faut que l’on écoute »

DORINE /« Il passe pour un saint dans votre fantaisie. Tout son fait, croyez-moi n’est rien qu’hypocrisie. »

ELMIRE /« Si d’un tel refus vous êtes en courroux, que le cœur d’une femme est mal connu de vous et que vous savez peu ce qu’il veut faire entendre lorsque si faiblement on le voit se défendre. »

TARTUFFE«Si ce n’est que le ciel qu’à mes vœux on oppose, lever un tel obstacle est à moi peu de choses et cela ne doit pas retenir votre coeur. "

L'AUTEUR

• Que dire de cet auteur qu’on ne sache déjà, si ce n’est recommander les ouvrages écrits sur lui par Georges Forestier, à qui l’on doit d’avoir retrouver cette version à l’occasion du quadri-centenaire de la naissance de Molière ? 

• Comédien-auteur-metteur en scène, courtisan tapissier du Roi, il est le fleuron du théâtre français, sur lequel aujourd’hui encore on bâtit des mises en scène dont le sens étonne et divertit tout autant après 51 ans d’une vie d’aventures, de péripéties, de combats, de douleur et gloire mêlés. Merci Jean-Baptiste !

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