Dette : Bercy voudrait des réformes profondes mais n'a pas de majorité politique pour les défendre<!-- --> | Atlantico.fr
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Standard & Poor's.
Standard & Poor's.
©DON EMMERT / AFP

Atlantico Business

L’électrochoc infligé par Standard and Poor's a fini de convaincre les milieux d’affaires et la haute fonction publique de Bercy d’engager une réforme profonde de la politique économique et budgétaire, sauf qu’il n’existe pas de majorité pour la défendre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La dégradation de la note de la dette française n’aura pas, dans l’immédiat, beaucoup d’incidence sur le comportement des marchés à l'encontre de la France. L’agence Trésor va continuer de trouver l’argent nécessaire pour couvrir les besoins de financement de l’État. Plus de 250 milliards d’euros cette année, qui sont apportés pour plus de la moitié par des investisseurs étrangers et pour le reste par les épargnants français. Les investisseurs étrangers n’ont guère le choix qu’entre le dollar et l’euro, et sur l’euro, la France leur paraît encore la plus sérieuse. Quant aux épargnants français, ils ont toujours beaucoup d’appétence pour les obligations d’État, en lien d’ailleurs avec leur aversion culturelle pour les placements boursiers.

Bref, sur le terrain strictement économique et financier et à court terme, les sources d’approvisionnement ne vont pas se tarir et les taux d’intérêt ne vont pas s’envoler. « Pourvu que ça dure… », comme disait Laetitia, la mère de Napoléon. Mais ça ne durera pas. La décision de Standard and Poor's est évidemment un avertissement. La classe politique s’en est emparée pour dresser, une fois de plus, un bilan désastreux de la politique économique d’Emmanuel Macron, ce qui, à une semaine des élections européennes, n’arrangera pas les affaires de Valérie Hayer, la tête de liste Renaissance. Cela dit, la bronca politique ne porte pas de solutions alternatives applicables immédiatement. On ne s’en sortira pas avec des augmentations d’impots ( qui peuvent étouffer l activite economique ) ou par des coupes sombres ( qui provoqueront une explosion sociale ).

Les chefs d’entreprise sont pourtant convaincus qu’il va falloir que le pouvoir engage des réformes profondes parce que les promesses faites au niveau du budget pour revenir à un déficit limité à 3% en 2027 ne seront pas tenues. C’est impossible compte tenu de la dérive des dépenses publiques et d’une croissance économique qui ne sera pas au rendez-vous si rien ne change.

La haute fonction publique qui règne à Bercy est aussi convaincue de la nécessité d’engager des réformes, notamment une réduction des dépenses publiques et une gestion plus efficace de l’administration. Tout le monde sait, y compris chez les fonctionnaires, qu’il nous faudrait dépenser moins (on est actuellement sur une trajectoire qui porte le montant des dépenses publiques et sociales à 60% du PIB) et surtout dépenser mieux parce que les services publics marchent mal. L’école, la santé, la sécurité, les collectivités locales… la plupart des services publics ne fonctionnent pas comme ils le devraient.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, n’a évidemment pas été surpris par la note de Standard and Poor's, d’autant que la Cour des comptes, le FMI, et la Commission de Bruxelles nous avaient prévenus. Les réactions officielles du Ministre n’ont évidemment pas calmé le jeu.

Quand il explique que le gouvernement français a sauvé son économie pendant le Covid et l’inflation au début de la guerre en Ukraine, il a raison, toutes les mesures de protection ont été prises.

Quand il rappelle que la croissance n’a pas été au rendez-vous en 2023 et qu’il y a eu un effondrement des rentrées fiscales, il n’a pas tort. Pour le reste, Bruno Le Maire est d’une prudence rare parce que la France n’a pas été, dans sa gouvernance, à la hauteur de l’enjeu.

Il avait d’ailleurs expliqué dans un livre , « une voie francaise… »  qu’il a sorti au début de l’année que sans mesure de redressement forte, nous irions dans le mur. Le livre  est un vrai programme…  L’initiative litteraire de Bruno Le Maire n’a d’ailleurs pas été très bien accueillie par l’Élysée et la classe politique ne s’est pas privée de s’étonner d’un tel propos parce qu’après tout, il était aux manettes depuis le début du premier mandat d’Emmanuel Macron.

Tout le monde sait à Bercy ce qu’il faudrait faire pour restaurer une politique économique plus performante dans le nouveau contexte international.

1er point : Retrouver de la croissance parce que sans croissance on n’a ni revenu, ni emploi. C’est-à-dire que les besoins d’assistance grossissent. Et pour retrouver de la croissance, il faut retrouver de l’industrie et de la liberté-stabilité-simplification pour les chefs d’entreprise.

2e point : Réduire le périmètre de l’État, réduire les dépenses publiques et sociales, en augmentant l’efficacité des services publics.

Tout le monde, « sauf les extrémistes qui ont un projet idéologique », sait ce qu’il faudrait faire, mais tout le monde sait aussi que pour réduire le périmètre de l’État, engager la construction d’un État moins coûteux et plus efficace, diminuer les dépenses publiques et surtout les dépenses sociales... il faut une majorité politique, notamment à l’Assemblée nationale, et cette majorité n’existe pas. Si Bruno Le Maire est très prudent, c’est qu’il aura du mal à faire passer un budget audacieux pourtant nécessaire, il n’a pas pour l’instant de majorité. Les courants politiques qui multiplient les critiques à l’encontre de la politique économique, qui s’inquiètent de l’endettement, sont incapables de voter le début d’une réforme qui organiserait le début d’une économie de dépense.

Plus grave, l’exécutif et notamment le Président de la République ne donnent pas l’impression de vouloir ce type de réforme. C’est donc compliqué entre un gouvernement dont les ministres sont (par fonction) avocats de leur administration et où le Président est fervent adepte du « en même temps ». Le problème, c’est que « le même temps » qui consiste à écouter tout le monde, finit par un « quoi qu’il en coûte permanent » et l’ouverture d’un guichet où tout le monde peut se présenter et toucher un chèque. La caricature du système français saute aux yeux dans cette période pré-olympique, où défile au guichet toutes les corporations à gestion publique qui peuvent menacer l’État de faire grève : les personnels de la SNCF, de la RATP, des aéroports, de la sécurité... la chasse aux primes est ouverte… et tout est possible.

Le dysfonctionnement au niveau du budget est donc politique. Il ne pourra se résoudre que par un accord de majorité, ce qui existe dans toutes les démocraties de l’Union européenne.

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