Sur un malentendu, ça peut marcher
Sommet franco-palestinien : les trois défis de la France pour garder un rôle dans la région
Le 10 septembre, un sommet franco-palestinien organisé à Matignon réunit le Premier ministre Manuel Valls et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Pourtant, les négociations de paix au Proche-Orient semblent bloquées.
Frédéric Encel
Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.
Atlantico : Quels seront les enjeux du sommet franco-palestinien organisé le 10 septembre à Matignon entre le Premier ministre Manuel Valls et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ?
Frédéric Encel : Manuel Valls a raison d'accueillir à Matignon ce sommet, sachant que c'est une première de ce type d'une part, que le processus de paix est au point mort d'autre part, enfin qu'il s'est toujours intéressé de près au Proche-Orient. Cela dit, il s'agit modestement selon moi de poursuivre et d'accroître les efforts diplomatiques français en faveur d'une reprise du dialogue, et non de se substituer aux protagonistes eux-mêmes.
Mahmoud Abbas aurait l'intention d'abroger les accords d'Oslo, considérant qu'Israël ne respecte pas les engagements pris, notamment le fait de permettre la création d'un état palestinien. John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, a échoué en avril 2014 à concilier les positions israélienne et palestinienne après 9 mois de négociations tendues. Enfin, aussi longtemps qu'Israël aura Netanyahou à la tête du gouvernement, n'est-ce pas illusoire de penser qu'une négociation de paix est possible ?
A court terme, hélas, il n'y a aucun espoir de reprise des pourparlers, tant est large le fossé entre les revendications des deux camps. En outre, vous le suggérez fort bien, l'actuelle coalition nationaliste au pouvoir en Israël n'est pas favorable à la création d'un Etat palestinien, et Mahmoud Abbas, lui, se retrouve face à un Hamas toujours félon et jouant la politique du pire. Par ailleurs le président palestinien est "oublié" d'un monde arabe à la fois en pleine déliquescence et obnubilé par la montée en puissance de l'Iran. Quant à l'administration Obama, elle vit ses derniers mois de véritable influence potentielle... Dans ces conditions défavorables, il va falloir s'armer encore de patience, je le crains.
La 70ème session de l'Assemblée générale de l'ONU va s'ouvrir le 15 septembre. Une réunion du Quartet (Etats-Unis, Europe, Russie et ONU) est prévue, à laquelle quatre Etats de la région se joindront : Egypte, Arabie saoudite et Jordanie. Ces puissances en présence ont-elles évolué dans leurs positions ?
Un certain nombre de pays européens ont récemment officialisé, via leurs parlements, leur reconnaissance de l'Etat palestinien. En réaction, Israël a marqué sa vive désapprobation. De ce point de vue, où en est la France ? Pourquoi cette reconnaissance n'a pas eu lieu plus tôt, et en quoi peut-elle aider, ou au contraire braquer Israël, et donc bloquer la reprise du processus de paix?
Quel avenir au Proche-Orient sans Mahmoud Abbas?
Sombre.Son départ est une mauvaise nouvelle car il aura été un vrai partenaire crédible lors des différents processus de pourparlers, en 2007 et en 2009 notamment, et aurait dû être celui de Netanyahou à l'heure actuelle. A courte échéance, cela va affaiblir encore non seulement l'Autorité palestinienne mais les chances de reprise des négociations. Néanmoins, les grandes tendances, les contextes géopolitiques, les mouvements politiques et sociétaux de fond dépassent le plus souvent les personnalités. Je veux dire par là que je reste confiant ; après tout, en 1978 et en 1994, des traités de paix furent signés - et sont respectés depuis - entre Israël et ses voisins arabes égyptiens puis jordaniens. Sans doute le face à face israélo-palestinien est-il plus complexe, mais rien n'impose de croire qu'il ne trouvera jamais d'issue pacifique.
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