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Comment les sites Internet 
de rencontre ont remis
 la correspondance amoureuse 
au goût du jour
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Saint Valentin

Alors que les amoureux fêtent ce mardi la Saint Valentin, un sondage IFOP/Femme Actuelle indique que 40% des Français sont prêts à s'inscrire sur un site de rencontre. Sommes-nous définitivement entrés dans l'ère du consumérisme amoureux ?

François  de Singly

François de Singly

Professeur de sociologie à l’université Paris Descartes, François de Singly dirige le Centre de recherches sur les liens sociaux du CNRS. Il a notamment publié Séparée. Vivre l’expérience de la rupture (A. Colin, 2011) et vient de publier En famille à Paris (A. Colin, 2012). 

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Quand le marché matrimonial débouchait sur des mariages stables – jusqu’à la restauration du divorce par consentement mutuel en 1975 – la plupart des hommes et des femmes y avait accès une seule fois pour toutes, et le plus souvent jeune. Tout se passait donc dans les espaces "spécialisés" pour la rencontre, notamment le bal. Ce dernier garda la première place longtemps des lieux de rencontre (bals différents selon le niveau social). Mais survint doucement et sûrement le désordre conjugal, provoqué par les exigences de plus en plus grandes de l’amour.

Il fallut recommencer à trouver "chaussure à son pied". Or tout se complique à ce moment : la deuxième ou la troisième fois, c’est plus difficile. On a pris l’habitude de sortir moins, son cercle d’ami-e-s est casé. Rien n’est venu pendant des décennies combler ce manque, aucun lieu de rencontre ne s’est vraiment créé. Les hommes et les femmes ont tenté de détourner les salles de gym, certains voyages organisés, sans que cela soit suffisant. C’est seulement au début du vingtième et unième siècle qu’enfin de nouveaux espaces sont découverts par des âmes et corps en peine (en panne de partenaire). Le Net devint ce nouvel eldorado amoureux…

Dans les commentaires du sondage de Femmes actuelles, on peut lire "l’amour par écran interposé est de moins en moins tabou". C’est une erreur. Il n’a jamais été tabou puisque ce n’était pas possible auparavant ! Les sites de rencontre ouvrent le champ des possibles, à leur manière ils participent à une certaine "mondialisation"de l’amour. Un historien de la vie privée raconte que le premier changement dans les rencontres amoureuses a eu lieu avec le développement du vélo. Les garçons pouvaient enfin sortir hors de leurs villages, échapper au "qu’en dira-t-on", au contrôle des parents. Ce fut le premier degré dans le choix du conjoint. Le Net démultiplie, oh combien, le rayon d’action des cycles…

Le Net a un deuxième avantage, incontestable, il oblige les hommes et les femmes à se parler avant de se toucher (au bal, on pouvait faire l’inverse !), à entretenir un certain suspense – avec le plaisir de l’attente du prochain message… Par les messages, il revalorise l’imaginaire de l’amour – or l’amour est avant tout un imaginaire. Il reprend le fil rompu de la tradition amoureuse, le roman épistolaire, la correspondance amoureuse. Être amoureux de quelqu’un c’est aussi être amoureux de l’amour. L’écrit, par plume ou par clavier, autorise ce double amour. La médiation par l’écrit autorise les deux partenaires à rêver l’un de l’autre… avant la rencontre "directe". L’amour est gagnant dans cette affaire.


Au moins dans un premier temps. En effet rien ne garantit que les lendemains chanteront… car la vie à deux tend, chacun le sait, à être autodestructrice de l’imaginaire amoureux. On peut trouver son partenaire au réveil quelquefois trop "réel", si loin de ses rêves. Le Net ne règle pas le problème de l’amour qui dure, il ne dispense pas du travail d’entretien du mystère de l’autre et de soi. Sinon on doit retourner sur tel ou tel site pour continuer à rêver…

Et le manège tourne toujours. Généreux il offre souvent des tours gratuits grâce à la queue de Mickey. Le Net c’est cela : augmenter les chances de pouvoir tourner encore et encore. A un moment ou à un autre, on doit cependant descendre du manège et parvenir à inventer à un espace non plus virtuel, un vrai "chez nous".

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